Les yeux de la planète étaient rivés hier sur notre pays. Même le célèbre moteur de recherche «Google» était à l'heure de nos élections de l'Assemblée constituante en adoptant comme thème pour son logo sur ses pages «google.com» ou «google.tn», cet événement historique. Parallèlement, les élections tunisiennes étaient aussi d'actualité sur Facebook à travers des annonces, des photos et des images très intéressantes. Zoom sur des élections pas comme les autres, des élections qui ont pris aussi comme QG le plus célèbre des «social networks» : celui de Mark Zuckerberg ! En allant voter massivement aux premières élections de l'Assemblée constituante, les Tunisiens ont démontré encore une fois un degré de maturité sans équivoque en matière de conscience citoyenne et de démocratie participative. En effet, en déjouant tous les pronostics qui prédisaient une faible participation à cet événement et une abstention record, nos compatriotes ont montré la voie aux pays du printemps arabe à travers une exemplarité irréprochable dans la participation à ce scrutin qui restera dans les annales. Car les Tunisiens, par leur engouement, ont confirmé leur aspiration pour une vie meilleure dans une nouvelle Tunisie dont le socle repose sur un trépied : Démocratie, Dignité et Liberté ! Les procès-verbaux de l'étranger : des vrais ou des faux ? Alors que les centres de vote étaient pleins à craquer, un espace mythique dont plus de 2.700.000 usagers affectionnent les murs était hier et avant-hier à l'heure des élections tunisiennes. Il s'agit bien évidemment de Facebook, le réseau des réseaux. Toujours actifs et réactifs, les facebookeurs tunisiens ont vécu ces premières élections démocratiques tout en distillant humour et vigilance sur le réseau social. En effet, tout a commencé dans la nuit du 22 octobre, où plusieurs de nos concitoyens ont relayé des photos montrant des procès-verbaux des bureaux de vote de l'étranger. Des photos dont plusieurs ont nié l'authenticité, tandis que certains juristes la confirmaient, à l'image de Fakhereddine Ghallabi, qui laisse le commentaire suivant : «Il faut dire que la publication des résultats du dépouillement est tout à fait légal. Chaque bureau de vote doit afficher le procès-verbal (les résultats) au sein du bureau, juste après la fin du dépouillement des voix. Donc, dès qu'ils l'affichent, ça devient public. Ensuite, chaque bureau doit envoyer une copie au bureau de l'Irie de sa circonscription. L'Irie fait la somme de la circonscription, puis l'envoie à l'Isie. Finalement, l'Isie annonce les résultats officiels pour toute la Tunisie et l'étranger en même temps». D'autres ont posté des photos d'agents du bureau de vote à Neuchâtel, en Suisse, en pleine opération de dépouillement. Observations et vigilance D'autre part, à l'image de ce qui s'est passé durant les premiers jours de la révolution tunisienne, beaucoup de nos compatriotes ont trouvé sur les murs de Facebook le moyen de dénoncer les fauteurs de fraudes. En effet, plusieurs Facebookeurs, via leurs «Blackberry», leurs «iPAD» et leurs Smartphones (iPhone, etc.) ont pu signaler, hier, en temps réel, les rares dépassements enregistrés, selon eux, dans certains bureaux de vote sur tout le territoire tunisien. Ainsi, un réseau d'observateurs a sonné l'alerte sur Facebook, pointant du doigt les entorses commises par certaines milices. Che Tarek a posté, par exemple, sur son mur, les messages suivants : «Au bureau de vote, rue Al Iklil (Romarin), Cité Ezzouhour, on a observé un des militants d'un parti «***» en train de donner de l'argent à des électeurs afin qu'ils votent pour leur liste. Mais avec l'intervention d'un des superviseurs, ce militant a quitté les lieux.». Un autre message annonçait: «Le parti «***» a déployé des bus et des voitures privées pour transporter des électeurs à Sousse dans les cités : Ezzouhour et Erriyadh et à Kondar». Parallèlement, plusieurs candidats à la Constituante, à l'image d'Abdelaziz Belkhodja, tête de liste du Pôle démocratique à Bizerte, ont joué le rôle de garde-fous tout en signalant, via leurs profils, les agissements douteux commis par les militants des partis concurrents. L'humour tunisien s'invite à la fête Et malgré de longues heures d'attente, parfois sous un soleil de plomb, la joie et l'allégresse ont éclairé, hier, dans le calme et la sérénité, les visages des électeurs, comme le montraient de nombreuses photos postées sur Facebook et montrant des électeurs heureux de voter pour la première fois dans une ambiance de kermesse. Ainsi, l'index teinté en bleu par l'encre indélébile, fournie spécialement pour cet événement afin d'éviter les fraudes, a fait le buzz sur Facebook. Tout le monde montrait dans ses photos son index bleuté. Et même des parodies et des blagues à la sauce tunisienne ont circulé sur les murs du réseau des réseaux, comme en témoigne la photo qui montrait Zine El Abidine Ben Ali et son épouse Leïla, leurs visages tout bleus, accompagnés par un commentaire: «Plus nos doigts seront bleus, plus la couleur de leurs visages virera au bleu». Une autre blague brossait un portrait du Tunisien d'une façon satirique avec le texte suivant : «Le Tunisien sur Facebook est révolutionnaire, mais quand il est en compagnie de la famille de son épouse ou de sa fiancée, il est avec Ennahdha; quand il est avec sa petite amie, il devient un sympathisant du parti communiste; quand il est à court d'argent, il soutient l'UPL... quand il a faim, il s'oriente vers le PDP; quand il veut faire la fête (night club et clubbing), il soutient Afek; quand il veut se bagarrer, il se transforme en militant d'Ettakatol et, avant le 14 janvier... Tous avec Ben Ali, ensemble relevons le défi». Une autre blague mettait en garde les facebookeurs tunisiens : «Espérons que le jour J des élections, au lieu de mettre « X » dans le bulletin, vous n'allez pas mettre «J'aime» (en référence à l'option sur Facebook)». La satire n'a pas épargné non plus les prochaines élections pour la présidentielle en France, l'année prochaine, comme en témoigne ce message qui a fait le tour des profils sur Facebook : «A tous les Tunisiens de l'étranger qui ont voté pour Ennahdha, je vous souhaite que tous les Français de l'Etranger votent pour Le Pen, comme ça vous pourrez rentrer définitivement au «bled» profiter des «bienfaits» de votre vote !». Marwa Hamdi, une jeune facebookeuse, a posté de son côté le message suivant : «C'est la première fois que je vois la vie en... bleu ! Et ça nous va si bien ! Mabrouk tout le monde, on a rempli notre devoir (et notre droit) de citoyens, espérons maintenant qu'ils remplissent le leur !». Même les caricaturistes, fruits de la révolution tunisienne, n'ont pas dérogé à la règle en proposant des dessins hilarants et satiriques à l'image de celui de Selmen Nahdi, qui met en garde contre l'extrémisme via deux doigts en forme de V. Enfin, Nessrine, une jeune Tunisienne, a écrit sur son statut la déclaration suivante : «Un ami m'a raconté ses aventures de la période el «3assa» (pendant les premières nuits de l'après 14 janvier où les Tunisiens avaient endossé le rôle des vigiles dans leurs quartiers), il entendait le bruit des cartouches, des cris... il courait vers l'inconnu, un danger certes mais quelque chose en lui lui disait de continuer, d'affronter son destin, et c'était le cas de tout le monde... Merci à tous ceux qui ont fait preuve de bravoure et ont pensé à nos martyres... Sans vous on ne serait jamais aussi fiers de nos index».