Réduit à son expression la plus simple et sans doute la plus désastreuse socialement et économiquement, le déséquilibre régional est une déconnexion spatiale des régions les unes par rapport aux autres. Toute entreprise de convergence régionale passerait donc obligatoirement et au préalable par un développement d'une ampleur peu commune de l'infrastructure structurante. Celle-ci ne peut objectivement se réaliser en dehors du partenariat public-privé. Ce partenariat ne peut pour sa part exister en dehors d'importantes sources de financement. Les fonds d'investissement tout autant que les banques de développement semblent être aujourd'hui les meilleurs canaux pour ce genre de projet et pour appuyer le partenariat public-privé. Ce bref détour par l'objectif de la convergence régionale a le mérite de nous rappeler le rôle colossal joué par les banques de développement dans les économies en reconstruction. Les exemples ne manquent guère à ce titre au sein même de certains pays membres de l'Union européenne. En Tunisie, les banques de développement ont été sacrifiées au nom du principe de la banque universelle. Autre motif avancé, la recherche d'une taille optimale pour chaque banque tunisienne. Le mouvement de fusion et de recomposition bancaire a non seulement phagocyté les banques de développement, mais il a aussi donné naissance à de nouvelles entités bancaires sans vocation précise et avec de lourdes structures difficilement contrôlables. Sans doute les motivations politiques de l'époque n'étaient-elles pas étrangères au mouvement de fusions bancaires. Mais la facilité avec laquelle beaucoup de banques tunisiennes cédaient, par mimétisme, à la mode bancaire de l'autre côté de la Méditerranée est déconcertante. Que des économies dont la taille n'a rien à voir avec l'économie nationale, où surtout le métier de banque est une véritable industrie, se mettent à la banque-assurance et voilà que nos banquiers sont prompts à en faire autant. Que des experts viennent vanter et exposer en Tunisie les mérites de la banque universelle et voilà que les banquiers tunisiens se bousculent pour leur acheter le précieux concept, service après-vente compris! Dans cette course, et principalement par prestige, une grande banque de la place s'est même offert le luxe d'acquérir, il y a quelques années, un système de gestion informatique «up to date» dont se servent effectivement seulement quatre ou cinq des plus grandes banques américaines et européennes. Un système de gestion informatique, en l'occurrence le data mining, qui aujourd'hui même serait de peu d'utilité pour toutes les banques tunisiennes réunies. C'est ce genre de dérapages et de folies qu'il faudra à l'avenir éviter pour la bonne santé du secteur bancaire et de l'économie nationale. Et puis, en adoptant le principe de la banque universelle qui, pour faire simple, est celui de la banque à tout faire, les banques tunisiennes ont certes élargi leurs palettes d'activités mais en se diluant, elles ont fini par n'en maîtriser pour ainsi dire aucune. Demander à une banque commerciale d'aller au-delà de son rôle traditionnel de bailleur de fonds, pour devenir un véritable catalyseur de l'investissement, était sans doute un pari fort risqué, tant la banque commerciale tunisienne avait pris le pli de la facilité et trouvé plus juteux le simple octroi de crédits. Il n'est dès lors pas étonnant qu'elle ait échoué dans sa mission surfaite de banque d'investissement. Même s'il est «importé», le concept de banque universelle n'est nullement dépourvu de qualités. Il est même à la base de l'industrie bancaire, celle-là même dont on trouve l'empreinte et la marque dans tous les maillons de la chaîne de création de richesses des économies avancées. Seulement, le concept de banque universelle puise sa pertinence et fonde sa portée sur le degré de maturité du système bancaire auquel il est appliqué… Dans l'état où se trouve le système bancaire national, il serait mieux de s'en tenir à une séparation entre les banques commerciales et les banques de développement, de consolider les assises financées des unes et de développer significativement les autres. Au nom justement de l'objectif d'une plus grande vitesse de convergence entre les régions et au nom d'une nouvelle dynamique de l'investissement et de la création de nouveaux emplois.