Parmi les huit projets de longs métrages ayant obtenu l'aide à la production au titre de l'année 2010, celui de Néjib Belkadhi, Bastardo, est le premier dont le tournage démarrera, avant la fin de l'année 2011. Le scénario a été développé dans le cadre de l'atelier Sud Ecriture. Produit par Propaganda Production, société appartenant à Néjib Belkadhi et à Imed Marzouk, producteur délégué sur ce film, Bastardo réunira dans les principaux rôles Noâmane Chouayet, Lassaâd Ben Abdallah, Taoufik Bahri, Chedly Arfaoui, Latifa Gafsi, Lobna Noâmane et d'autres seconds rôles. Le film raconte l'histoire tragi-comique de Mohsen (Noâmane Chouayat) alias Bastardo, autrement dit bâtard, retrouvé dans une poubelle par «Am» Salah qui l'adopte et l'élève comme son propre fils. Renvoyé de son travail de gardien de nuit dans une usine de chaussures, Mohsen, en complicité avec son ami Khélifa, fait installer sur son toit un relais GSM contre une rémunération mensuelle conséquente. L'antenne permet aux habitants du quartier de profiter de la téléphonie mobile dont ils étaient privés. Cette opération, qui paraît hasardeuse, bouleverse non seulement la vie du quartier, mais surtout celle de Mohsen dont l'ascension sociale et financière sera fulgurante. Son nouveau statut de riche fait des envieux, notamment un certain Larnouba, caïd redoutable vivant de racket, qui voit d'un mauvais œil l'ascension de ce bâtard. Personnage faustien Par cette nouvelle chronique d'un homme assez original à qui la chance sourit, Néjib Belkadhi dit vouloir faire un film sur «l'anarchie» sous toutes ses formes : existentielle, sentimentale, architecturale, sociale etc. «Mohsen vit une ascension sociale incontrôlée, sauvage, dans l'air du temps, qui illustre les dangers de la capitalisation effrénée d'une société schizophrène et en pleine mutation», explique le réalisateur dans sa note d'intention, ajoutant qu'il s'agit d'un personnage «faustien», puisqu'il signe un pacte avec le «relais-diable» causant dans sa chute un autre personnage cupide, Larnouba. Il y a là une interaction entre les personnages. Ils forment un trio lié par une amitié d'enfance régie par les ego et les calculs des uns et des autres. Une relation régie par le non-dit, le culte de l'apparence et du profit. L'antenne GSM, prétexte au déclenchement de l'action, est une parabole des nouvelles technologies et des modes mutants de la vie, dont l'impact sur les gens est inévitable. «C'est cette existence que je voudrais filmer dans ce décor unique : un quartier pauvre, livré à lui-même, dont les lois de survie ne sont tributaires que des cupidités et des velléités des uns et des autres», ajoute Néjib Belkadhi. L'approche esthétique est aussi motivée par le choix thématique, à savoir une caméra que le cinéaste veut furtive, nerveuse et proche des personnages, afin de capter leurs expressions et leurs tourments, le réel le disputant au surréel. Elle aura la tâche d'introduire le spectateur au fond des êtres, crue, complice mais “jamais complaisante”», insiste le réalisateur du fameux Kahloucha. Immersion dans un univers marginal régi par la loi implacable du plus fort. «J'ai toujours été attiré par ces univers marginalisés qui ne sont, au fond, que l'extension logique d'une société qui se cache derrière le fard d'une pseudo-modernité accablante. Ce qui m'intéresse, c'est leur franchise, leur vérité, leur véracité... pour le meilleur et pour le pire», affirme Belkadhi. Le tournage, qui durera sept semaines, débutera à la fin de ce mois et se déroulera dans les décors naturels des quartiers de Tunis et dans le village de Jougar dans la région d'El Fahs. Bon vent à toute l'équipe!
Néjib Belkadhi digest Avec sa triple casquette d'acteur, réalisateur et producteur, Néjib Belkadhi s'en tire pas mal. On peut même lui en ajouter une quatrième: celle de scénariste, puisque c'est lui-même qui a écrit le script de son premier long métrage de fiction Bastardo. Rien ne destinait ce presque quadragénaire à entreprendre une carrière artistique, et pourtant... Diplômé en gestion et marketing à l'IHEC, tout comme son complice Imed Marzouk, il fait sa première apparition cinématographique comme comédien dans le film Habiba M'sika (1994) de Salma Baccar. En 1995, Mohamed Kouka lui offre un rôle dans L'école des femmes, la célèbre pièce de Molière, avant d'atterrir dans le feuilleton ramadanesque El Khottab âl-Bab (1996-1997) de Slah Essid. En 1998, il remonte sur scène dans la pièce Les oiseaux du paradis de Elyes Baccar. Retour au cinéma en 2001, où il joue dans La boîte magique de Ridha Béhi et Bedwin Hacker de Nadia Fani. La télévision l'interpelle et c'est dans Canal Horizons Tunis qu'il fait, en 1999, ses premières armes en tant que réalisateur, concepteur et animateur du magazine «Chams âlik ». Au bout d'une centaine d'émissions, il décide d'arrêter, d'autant plus que la chaîne met la clé sous la porte. L'année suivante, il opte pour Canal 21 où il réalise une fiction de 31 épisodes, diffusée au mois de Ramadanet intitulée Dima labess. Après un documentaire sur le festival méditerranéen de la guitare et un court métrage de fiction T'sawer, il réalise en 2006, le long métrage documentaire VHS Kahloucha qui le propulse sur la scène internationale et le consacre comme l'un des réalisateurs tunisiens les plus prometteurs. Avec son style déjanté, il réalise, lors de la révolution du 14 janvier, un documentaire dans les rues de Tunis, une chronique des jours autant amusante que touchante. Bastardo est son premier long métrage de fiction qu'il réalise grâce à la société de production Propaganda de Imed Marzouk et de N. Belkadhi. N.G.