Erevan (Reuters) — La coalition au pouvoir en Arménie annonce la suspension de la procédure de ratification au parlement des accords signés avec la Turquie en vue d'une normalisation des relations entre les deux pays. Erevan et Ankara avaient signé en octobre dernier des accords censés leur permettre de surmonter leur passé commun et les divergences d'interprétation sur les massacres d'Arméniens commis par les Turcs ottomans pendant la Première Guerre mondiale. Le Premier ministre turc, Tayyip Erdogan, a réagi à la nouvelle en provenance d'Erevan en réaffirmant la volonté de son pays de respecter les protocoles conclus. «Nous avons fréquemment exprimé, dans l'esprit comme dans la lettre, notre engagement envers les protocoles et notre objectif de les appliquer», a-t-il dit lors d'une conférence de presse. Les deux pays étaient convenus de nouer des relations diplomatiques et d'ouvrir leur frontière commune dans les deux mois suivant la ratification de ces accords par leurs parlements. Mais les relations se sont détériorées ces derniers mois, les deux capitales s'accusant réciproquement de traîner des pieds pour voter les textes. Le Président arménien, Serj Sarksian, a prévenu récemment que le Parlement arménien attendrait que le Parlement turc les ait ratifiés pour l'imiter. Il devait s'exprimer à la télévision dans la journée. «Le refus de la partie turque de répondre à l'exigence de ratifier l'accord sans condition préalable et dans un délai raisonnable rend inutile la poursuite du processus de ratification au Parlement national», a déclaré la coalition au pouvoir en Arménie. «Nous considérons nécessaire de suspendre ce processus jusqu'à ce que la Turquie soit prête à poursuivre le processus sans condition préalable», ajoute-t-elle dans un communiqué. Cette décision, précise-t-elle, est la conséquence des déclarations de Tayyip Erdogan conditionnant la ratification des accords à la conclusion d'un traité de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan sur la question du Haut-Karabakh. A Ankara, un responsable du ministère des Affaires étrangères a fait savoir que la Turquie n'avait pas été officiellement informée de la suspension du protocole de ratification en Arménie. La condition posée par la Turquie vise à satisfaire l'Azerbaïdjan, un pays allié riche en pétrole et en gaz. Les Arméniens de souche du Haut-Karabakh, soutenus par l'Arménie chrétienne, ont rejeté l'autorité de l'Azerbaïdjan musulman et pris le contrôle de sept districts voisins au début des années 1990, lors d'un conflit qui a fait 30.000 morts. Le Président américain Barack Obama a récemment exhorté l'Arménie et la Turquie à «engager tous les efforts possibles» pour normaliser leurs relations. Il doit prononcer demain un discours à l'occasion des commémorations du 95e anniversaire du 24 avril 1915, date du début des massacres d'Arméniens.