Par Hédia Baraket Le rideau est tombé hier sur le long feuilleton électoral entourant le scrutin du 23 octobre. Avec l'annonce des résultats définitifs de l'élection de l'Assemblée Nationale Constituante, l'instance supérieure indépendante pour les élections ponctuait une aventure inédite et colossale dont il lui reste dans quelques jours à étoffer le rapport ; un récit et une addition pour l'histoire. L'Isie y inclurait, ses recommandations, ses conclusions et celles des rapports des observateurs qui lui sont parvenus. En attendant, elle fournissait, hier, une somme de données aux multiples chapitres des voix, des choix des votants, des bulletins blancs, des bulletins nuls et des taux de participation des électeurs qui, bien au-delà de leur signification politique, donneraient aux chercheurs de tout bord une matière à décoder cette Tunisie de l'après dictature dans toute son instantanéité. Car, quand elle se sera familiarisée avec le chemin des urnes, quand elle aura pris connaissance des vrais programmes des partis, des figures des dirigeants et, surtout, des débats politiques de fond, cette Tunisie votante changera évidemment. Entretemps, le rideau tombé hier cède la place à un paysage qui appelle, au moins, à une grande humilité. L'humilité d'une administration électorale à pérenniser tout au moins dans l'esprit et les pourtours : ceux d'une instance indépendante qui prendra en charge nos multiples élections à venir si l'on se conforme au principe démocratique de l'alternance chèrement payé par la révolution et résolument défendu par la transition et si on lui en donne les moyens à commencer par une nouvelle loi électorale. L'instance qui a accumulé les performances et restauré la confiance électorale chez des millions de tunisiens n'en a pas fait moins avec les lacunes. Un fichier électoral incomplet, un cadre juridique faible, un espace temps réduit, en général l'inexpérience d'une première fois et tout ce qui aura empêché d'appliquer de robustes codes de bonne conduite qui aurait dissuadé les partis de frauder en toute impunité... Voilà autant de failles à combler pour que soit préservée une administration électorale de haute technicité et déliée de toute dépendance. L'humilité, surtout, d'un paysage politique qui gagne à se regarder tel qu'il est : un échiquier embryonnaire caractérisé d'une prédominance de la droite conservatrice et d'une forte dispersion de la gauche. Des acteurs qui gagnent à relativiser leurs victoires au regard de leurs dépassements respectifs, à reconsidérer leur haute mission constituante et à privilégier le débat démocratique sur la convoitise des portefeuilles. Car, à ce stade, et à sept jours seulement de leur première réunion effective en constituante, les nouveaux acteurs brillent par des bribes de négociations qui peinent à s'inscrire, selon la majorité de l'opinion tunisienne qu'elle soit de droite ou de gauche, dans la cohérence tant attendu du débat crédible et de qualité. La déferlante indépendante en dispersion nommée «Al aridha» ajoute à la confusion du futur échiquier de la constituante. Avec ses vingt six sièges en tout, elle ne représente, ni parti ni même le courant dont elle se définit. Aux yeux de la loi et au vu de ses derniers coups de théâtre, «El aridha» n'est concrètement que vingt six listes indépendantes les unes des autres, légalement libres de tout lien envers un guide ou une mouvance. Elles seront en conséquence capables de s'allier comme de se dénier, de se revendiquer d'un courant unique ou de voler de leurs propres ailes comme cinq d'entre elles l'ont déjà fait... Humilité, c'est peu dire !