«Nous sommes prêts» ! «La Tunisie vote» ! Ce sont les deux phrases qu'il faudra probablement retenir de la conférence de presse tenue hier à Tunis par l'Instance supérieure indépendante pour les élections. Devant la presse nationale et internationale, Kamel Jendoubi, Souad Triki, Mondher Bethabet et d'autres membres de l'Isie ont fait le point sur l'avancement de la campagne électorale, les candidatures aux élections, l'argent politique, le financement de la campagne et le climat sécuritaire… Un état des lieux évident et plutôt rassurant. «La Tunisie vote» est le slogan de la prochaine campagne de communication de l'Isie qui, après la célèbre campagne «Je m'inscris», entame, dans quelques jours, sa dernière opération de sensibilisation, conçue cette fois autour des modalités du scrutin. Outre le guide de procédure et le guide des électeurs qui seront incessamment publiés, des spots télévisuels devront mettre en scène l'exercice même du vote. Une campagne sous surveillance 2.0 En attendant, arrêt sur cette étape cruciale qu'est la campagne électorale : «Historique, inédite, l'expérience de la première compétition politique libre et transparente en Tunisie se distingue, encore visiblement à son troisième jour, par des débuts timides et une certaine lenteur, du côté de l'affichage et des meeting et un climat plutôt serein, du côté de la sécurité». Les prémices sont bien réelles d'un climat de sécurité et de stabilité où l'on constate un arrêt quasi total des grèves, des manifestations et des sit-in qui ont marqué la période passée, et les rares incidents enregistrés se révèlent insignifiants ou alors sans rapport aucun avec les élections, explique M. Kamel Jendoubi, président de l'Isie. Quant au rythme de la campagne, il est encore emprunt d'une certaine lenteur et l'on s'attend à ce qu'il atteigne sa vitesse de croisière à la deuxième semaine de la campagne. Pour cela, un travail minutieux est mené par l'Isie, question d'assurer toutes les conditions du bon déroulement de cette étape comme de garantir l'égalité des chances des candidats. Sont évoqués dans ce sens les dispositions du décret-loi n°35, interdisant les appels à la violence et à la discrimination, l'utilisation des lieux du travail et du culte, des moyens et des agents de l'administration à des fins de propagande électorale… Libres, les réunions n'en sont pas moins visées par les autorités publiques et déclarées, à titre d'information, à l'Isie 72 heures à l'avance. Quant aux mécanismes de contrôle, l'Isie en compte trois : des contrôleurs de terrain, dont le nombre, 810 actuellement, va augmenter au fil des jours, une unité de monitoring chargée d'observer les médias écrits et audiovisuels et de relever les dépassements tels que la publicité réelle ou déguisée, le traitement inégal en unités temporelles ou en surfaces rédactionnelles des candidats et, enfin, un mapping de contrôle. Il s'agit d'une carte numérique opérationnelle dès hier qui affiche l'état des lieux, montre les abus et les dépassements où qu'ils soient, et ce, par le biais de rapports instantanés fournis en live par les observateurs accrédités. Un «kit électoral» complet et bien gardé Côté logistique, le rendez-vous électoral est déjà en possession de toute l'économie de ses moyens techniques. Rien de moins qu'un dispositif opérationnel, sorte de «kit électoral» approvisionné sous contrôle militaire. Il y aurait, selon M. Jendoubi, 12.000 urnes, plus de 30.000 isoloirs et quelque 200.000 cachets, outre les guides de procédure et les guides des électeurs qui finiront bientôt d'être imprimés… «Nous sommes prêts ! voyez vous», lance-t-il avant d'annoncer le démarrage de la prochaine campagne «La Tunisie vote». Les choses ne sont pas aussi au point du côté du financement de la campagne. Près du quart des indemnités n'ont pas encore été octroyées aux partis et aux listes indépendantes, mais ces décalages ne seraient dus qu'au retard d'envoi de leurs relevés d'identité bancaire (RIB). Précisant que l'argent politique n'est pas du seul ressort de l'Isie, qui fait œuvre de contrôleur à côté des structures de l'Etat (Cour des comptes, Tribunal administratif), le président de l'Isie évoque le soutien apporté aux jeunes partis et aux listes indépendantes qui n'ont pas d'expérience en matière de comptabilité. Des guides leur auront été fournis simplifiant la bonne tenue des comptes. Journalistes et candidats : la rencontre taboue Quant aux règles du jeu de l'argent politique, elles interdisent le financement étranger, le financement privé ainsi que le dépassement du plafond de financement qui correspond au triple du montant de l'indemnité octroyée par l'Etat proportionnellement au nombre d'électeurs. Le contrôle des abus financiers s'opère à même les sièges des partis et des listes candidates, autour de critères relatifs aux dimensions même de leurs activités. A un troisième niveau, les preuves fournies par d'autres parties pourraient servir à étoffer le travail de contrôle effectué par l'Isie. Sur la question du vote des Tunisiens vivant au Canada, Mme Souad Triki avance que les négociations se poursuivent et qu'il aura été convenu que le vote se déroule à l'intérieur de nos services consulaires, comme extraterritorialités tunisiennes. La spécificité du scrutin du 23 octobre sera par ailleurs invoquée par le président de l'Isie en réponse à la question sur l'interdiction des rencontres et des entretiens entre journalistes étrangers et candidats. «Ce ne sont pas des élections présidentielles ou parlementaires traditionnelles. Nous sommes devant l'élection d'une Assemblée constituante qui devra représenter tous les Tunisiens et rédiger une Constitution. D'où notre souci majeur que ces élections soient régies par le principe de l'égalité des chances entre tous les candidats». Les journalistes accrédités ont le droit de couvrir toutes les activités relatives à la campagne des partis et des listes et tous les débats. Ce qui est interdit, ce sont les rencontres directes avec les candidats et l'usage des médias à des fins de propagande. Histoire de ne pas influencer les choix électoraux comme seuls les médias savent le faire ! Voilà une pédagogie dont la campagne ne peut faire l'économie.