A un jour du verdict des urnes, les travaux du 22e congrès de l'Ugtt, qui prennent fin aujourd'hui, à Tabarka, ont été marqués par des rebondissements qui ont bousculé tous les pronostics. Dans les couloirs, l'ambiance électorale est électrique. Certains congressistes candidats essaient de jouer leur va-tout, d'autres font discrètement campagne en se dissimulant derrière leurs manifestes électoraux. Alors que d'autres noms, par crainte ou par lucidité, ont décidé de se retirer de la course. Reste que la liste consensuelle a fait encore l'objet de longues discussions et négociations autour du principe d'une vraie représentativité régionale, sectorielle et partisane. De ce fait, le nouveau bureau exécutif, dans sa nouvelle structure, se trouvera certainement à la croisée des tendances politico-syndicales. Personne ne sait comment aboutir au consensus tant attendu, ni l'identité du candidat le plus susceptible de diriger l'organisation ouvrière ? « Jusqu'à présent, rien n'est clair ni définitif. Les listes en lice ont commencé à prendre forme et les campagnes électorales s'ensuivent également», c'est ce qu'a précisé hier M. Abid Briki, porte-parole de l'Ugtt, lors d'une conférence de presse tenue au terme d'une longue séance matinale, où le débat des congressistes a abordé plusieurs sujets d'actualité. Et d'ajouter que le nombre des candidats resterait important, en dépit des retraits enregistrés. «En tout cas, l'on ne pourra pas trouver moins de trois listes, en plus de quelques candidatures indépendantes», a-t-il révélé, sans aucune réserve. Il a expliqué à propos des retraits qu'ils n'ont rien d'extraordinaire, car lors des congrès, celui qui se révèle avoir peu de chance dans la course des grands se retire automatiquement. Pour la légitimité du congrès, tout a été fait pour la valider, puis la confirmer. Selon lui, le rapport de la commission chargée de l'examen des congressistes et du tri des bulletins a été déjà approuvé à l'unanimité et les oppositions formulées ont également été discutées. Quant au débat matinal, il a été particulièrement axé sur une série de questions dont, notamment, celle relative à l'évaluation du rôle de l'Ugtt. Des congressistes se sont exprimés sur les dernières déclarations émanant de certains membres du nouveau gouvernement. La première réaction a consisté à prendre position contre certaines procédures sécuritaires que le gouvernement envisage d'entreprendre pour stopper la vague des grèves et sit-in. «Non à la violence et aux actes destructifs, mais non aussi aux solutions sécuritaires» : tels sont les slogans scandés par tous les congressistes qui considèrent que les solutions sécuritaires en matière de traitement des manifestations ouvrières ont déjà échoué à l'époque de l'ancien régime. A leurs dires, l'engagement d'un dialogue social avec les sit-inneurs est la meilleure solution qui pourrait donner des résultats positifs. D'ailleurs, fait-on valoir, «l'Ugtt est reconnue pour son rôle de négociateur et de dialogue constructif dans tous les dossiers, quels qu'ils soient» ! Cependant, a ajouté M. Briki, l'Ugtt appelle aux protestations pacifiques, sans recours à la violence, pour ne pas porter atteinte aux biens publics et privés, étant donné que la loi garantit le droit de manifester. Autre point débattu, la sous-traitance dans le secteur public : question qui est restée longtemps en suspens jusqu'à l'avènement de la révolution, où l'Ugtt a joué un rôle avant-gardiste dans la résolution de ce dossier. La centrale syndicale, poursuit M. Briki, n'a pas non plus ménagé ses efforts pour appuyer le secteur médiatique et défendre la causes des journalistes, et ce à travers les différents plateaux télévisés. Mais la restructuration de l'Ugtt est un thème qui s'est taillé la part du lion dans les interventions des congressistes. Ces derniers ont été unanimes sur le fait que la situation actuelle de l'organisation ne peut plus répondre aux exigences de l'étape. D'où, tout d'abord, l'impératif de la revoir dans la perspective d'optimiser le rôle des syndicats de base en augmentant le nombre de leurs affiliés. Sans pour autant oublier de consolider le rôle des structures régionales. Ensuite, il est aussi question d'intégrer la gent féminine et la jeunesse au sein du bureau exécutif, et de faire en sorte que ces deux catégories demeurent désormais le moteur de l'action syndicale. Sur un autre plan, le conférencier a annoncé que l'Ugtt sera confinée, au cours de la prochaine étape d'élaboration de la Constitution, soit un an ou plus, à un rôle purement politique. Il convient au nouveau gouvernement provisoire de s'engager sur la base de toutes les conventions signées avec l'Ugtt, dont notamment les négociations sociales sur la majoration salariale. A propos de la démarche du congrès et des conditions de son déroulement, M. Fethi Tlili, président de l'Union des travailleurs tunisiens établis en France, invité au sein d'une délégation d'observateurs d'Italie et de Suisse, a lancé un appel pour que les intérêts des travailleurs soient loin de ceux des partis politiques, et au-dessus de toutes les tendances idéologiques. «Aujourd'hui, il est plus qu'intéressant de préserver l'union de l'organisation syndicale et d'unifier les rangs des syndicalistes pour le plus grand bien des forces ouvrières», explique-t-il. «Cela est pour la stabilité de l'Ugtt et pour l'intérêt national», ajoute t-il. Au sujet du nombre record des candidats et la recherche du consensus autour d'une seule candidature, M. Tlili considère qu'il s'agit là d'un bon combat démocratique qui respecte la pluralité des listes et leur diversité. «Ce qui compte, c'est le vote de demain. J'ai entendu parler d'une certaine liste consensuelle que je trouve très légitime pour défendre l'intérêt général des syndicalistes», a-t-jugé. Cependant, «ce que j'ai remarqué, c'est que les congressistes ont porté beaucoup plus d'intérêt aux listes candidates, au détriment du débat autour des orientations de l'Union», a-t-il conclu. En marge de ce congrès, les alentours de l'hôtel qui l'abrite ont été pris d'assaut par d'autres syndicalistes venant de plusieurs régions du pays, désireux d'y assister. Ces derniers n'ont pu cependant trouver leur place parmi les congressistes, et c'est pour cette raison qu'ils ne portaient pas de badges. Ce qui a provoqué des protestations et quelques accrochages. Espérons que le verdict d'aujourd'hui pourra créer la surprise et calmer tensions et divisions. Message de Jebali à Jerad M. Hamadi Jebali, chef du gouvernement, a adressé un message de félicitations à M. Abdessalem Jrad, secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail, à l'occasion de la tenue du vingt deuxième congrès de l'organisation syndicale. Le Premier ministre a salué le rôle nationaliste et syndicaliste d'avant-garde de l'Ugtt, sa contribution effective à réaliser les objectifs de la révolution de la liberté et de la dignité, et son souci à placer l'intérêt supérieur de la nation au-dessus de toute considération. Il a exprimé sa conviction que l'Union n'épargnera aucun effort pour contribuer à relever les défis et à favoriser les conditions adéquates afin de concrétiser les aspirations de la communauté nationale vers le progrès et la prospérité.