A son deuxième jour, le 22e congrès ordinaire de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) a ouvert, hier, à Tabarka, ses travaux par la lecture de son rapport général, ainsi que de son rapport financier, avant que la séance ne soit levée pour reprendre en fin d'après-midi. Sous l'égide du secrétaire général sortant, M. Abdessalem Jrad, élu président du congrès, les congressistes se sont penchés sur des discussions, parfois controversées, portant sur l'avenir de la centrale syndicale, ses bases et ses structures régionales et sectorielles. Lors d'une conférence de presse récapitulative, M. Abid Briki, porte-parole de l'Ugtt, a présenté aux journalistes les grands défis auxquels devrait faire face l'organisation ouvrière au cours de l'étape transitoire de l'histoire du pays et sa position à l'égard de l'action gouvernementale. Surtout que ce congrès, qualifié de tournant, semble avoir du pain sur la planche pour concevoir un projet de restructuration profonde et élargie touchant le règlement intérieur, afin de conférer à l'action syndicale une nouvelle légitimité. Après avoir abordé le rôle joué par l'Ugtt durant les différentes phases de la révolution et au cours du processus de la transition démocratique, M. Briki a avancé quelques recommandations retenues dans le rapport général soumis au congrès, proposant un projet politico-socioéconomique alternatif susceptible, selon lui, d'aider le gouvernement à repartir du bon pied. Désormais, a-t-il estimé, la relation avec le gouvernement devrait, ainsi, se baser sur un dialogue social fructueux à propos des différents dossiers, dans la mesure où l'on peut agir fermement contre tout ce qui pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes des travailleurs, tous secteurs confondus. «On restera toujours aux côtés du gouvernement s'il fait preuve de bonne volonté à répondre aux revendications des ouvriers et à édifier une Constitution démocratique. Toutefois, cela ne sera plus le cas si des réformes sont mises en place au détriment des intérêts des travailleurs », révèle t-il, déclarant que la relation solide Ugtt-gouvernement n'est plus à démontrer. Il demeure compréhensible que la spirale des grèves et des manifestations de protestation a traîné le pays vers l'anarchie, en créant des turbulences sociales ayant perturbé la machine économique, mais il n'est pas juste d'incriminer ces agissements révolutionnaires, car ils ont été le corollaire des années de despotisme et d'injustice sur tous les plans. D'autant plus que le vide juridique et constitutionnel créé par le premier gouvernement et la lenteur des réponses aux revendications sociales ont attisé le feu des sit-in partout dans le pays. Et M. Briki de poursuivre que la proposition visant à ponctionner quatre jours de salaire n'est qu'une solution de facilité irraisonnable, car même une centaine de jours ne pourraient résoudre le problème. «Alors que les décisions efficaces ne portent leurs fruits que si elles sont prises dans le cadre des négociations avec tous les partenaires sociaux», a-t-il indiqué, ajoutant: «Il serait important que le gouvernement commence sa mission par l'organisation d'une conférence nationale sur l'emploi». Afin de construire une économie solide, le syndicaliste propose certaines conditions à remplir. Il s'agit, à l'en croire, d'élargir le tissu des activités à forts échanges commerciaux, à multiplier les chaînes de production à haut contenu technologique, avec un taux d'encadrement professionnel élevé pour renforcer la compétitivité et la qualité. Il est aussi question de consolider l'exportation de manière à satisfaire la demande locale, de faire évoluer l'entreprise génératrice de produits de consommation vers des entreprises créatrices de moyens de production et de dynamiser le tourisme maghrébin et arabe en l'orientant vers la qualité et la diversification. L'orateur a, en outre, insisté sur la nécessité, aujourd'hui plus que jamais, de faire participer la femme aux postes de décision, annonçant que l'Ugtt devrait repositionner la gent féminine au sein de son bureau exécutif, tout en adoptant ultérieurement, à travers un conseil national spécial, la règle du quota. Dans ce nouveau contexte de pluralité syndicale et de multiples candidats au bureau exécutif (dont le nombre officiel atteint 64, dont 8 femmes), les coulisses du congrès augurent d'un impératif consensuel pour resserrer les rangs des militants et créer une cohésion autour de la centrale syndicale. Selon certains candidats, les listes en lice ne sont pas encore établies et seules les dernières minutes pourraient donner la mesure des perspectives électorales. Se portant candidat, M. Mohamed Msalmi, secrétaire général de l'union régionale de l'Ugtt à Ben Arous, a révélé que le nombre croissant des candidats se justifie par le départ des deux-tiers de l'ancien bureau, soit 9 membres sur 13. «Ce qui a suscité une motivation et donné plus de chances à plusieurs militants qui ont ainsi fait le pas de se présenter», explique t-il. Et de souligner que l'amplification de dossiers sociaux et les phases de tension qu'a vécues l'organisation depuis le 14 janvier n'ont pas manqué de changer la donne. «D'où, l'importance de parvenir à un consensus pour éviter l'éparpillement des listes candidates», conclut-il. De son côté, M. Sami Cheffi, secrétaire général de l'Union régionale de Sfax s'est porté candidat pour la deuxième fois, après le congrès de Monastir en 2006. «L'on cherche cette fois-ci à trouver un consensus représentatif de tous les militants des bases et structures dans toutes les régions et les secteurs», insiste t-il. Car, la prochaine étape commande plus de cohésion pour que l'Ugtt puisse relever les défis socioéconomiques. «C'est l'urne qui va déterminer les nouveaux contours de la centrale syndicale», conclut-il.