Washington (AP) — En se dotant d'une loi controversée sur l'immigration, l'Arizona a propulsé ce thème sur le devant de la scène nationale plus tôt que beaucoup ne l'auraient voulu. A environ six mois des élections de mi-mandat, le sujet s'annonce en effet sensible tant pour les républicains comme pour les démocrates. Il est presque certain que les démocrates, majoritaires au Congrès, et les républicains auraient préféré éviter un tel débat si près des élections de novembre. Le dernier débat sur l'immigration, en 2007, avait mis au jour des divisions au sein des deux partis. Les républicains, qui cherchent à gagner du terrain auprès d'un électorat hispanique en pleine expansion, craignent d'être taxés de xénophobie tandis que les démocrates redoutent d'être présentés comme laxistes en matière de sécurité nationale. L'immigration représente un défi pour les deux partis, explique Catherine Lee, professeure de sociologie à l'université Rutgers, spécialiste de la politique d'immigration. L'immigration apparaît déjà comme un thème majeur dans une série de primaires républicaines, où des candidats à des sièges de représentant, sénateur ou gouverneur doivent choisir entre une politique dure et une approche plus modérée. Le Parti républicain a une mission compliquée: séduire sa base conservatrice et les militants du nouveau mouvement ultraconservateur "Tea Party", sans pour autant s'aliéner davantage les Hispaniques et d'autres franges de l'électorat. Confronté à une primaire difficile, la gouverneure républicaine sortante de l'Arizona, Jan Brewer, candidate à sa réélection en novembre, a signé vendredi une loi qui criminalise les clandestins dans cet Etat de l'ouest américain. Le texte adopté au Congrès local, contrôlé par les républicains, oblige la police à interroger les personnes sur leur statut d'immigré s'il y a une raison de soupçonner que ce sont des clandestins. En outre, les journaliers en situation irrégulière pourront être arrêtés pour avoir sollicité du travail, et les forces de l'ordre faire l'objet de poursuites si elles n'appliquent pas la loi. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Phoenix ce week-end contre la mesure. Ses adversaires estiment qu'elle conduira à un ciblage racial rampant et transformera l'Arizona en Etat policier. De leur côté, les partisans de la loi, qui doit entrer en vigueur en juillet ou en août, affirment qu'elle est nécessaire pour protéger les habitants de la criminalité attribuée aux clandestins, qui seraient 460.000 en Arizona, et 12 millions dans l'ensemble du pays. Le Président Barack Obama a ordonné au ministère de la Justice de vérifier que cette loi, selon lui "peu judicieuse", ne menaçait pas de "miner des notions basiques d'équité". Et il a une nouvelle fois plaidé pour une loi nationale sur l'immigration, expliquant que cela permettrait d'éviter ce genre d'initiative locale. Le vote de l'Arizona a en tout cas remis le thème de l'immigration au premier plan à Washington. Le chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, qui devra livrer une rude bataille pour être réélu au Nevada, où vit une importante communauté hispanique, a renouvelé sa promesse d'œuvrer à une réforme de l'immigration, même si la chambre haute travaille déjà sur d'autres gros dossiers: la régulation financière et la lutte contre le changement climatique. En réaction, le sénateur républicain Lindsey Graham a menacé de retirer son soutien à une loi sur le climat si les démocrates choisissent de s'occuper d'abord de l'immigration. "Ce n'est pas le bon moment pour aborder cette question (de l'immigration) à Washington", a estimé de son côté, Mitch McConnell, chef de la minorité républicaine au Sénat. Mais, qualifiant la loi de l'Arizona de "scandaleuse", le sénateur démocrate Chris Dodd a estimé pour sa part qu'il était nécessaire d'agir. Les gains enregistrés par les républicains dans l'électorat hispanique sous la présidence de George W. Bush se sont évaporés après une tentative avortée en 2007 de réformer la politique d'immigration. Si la loi de l'Arizona met la Maison-Blanche et les démocrates sous pression pour s'attaquer au dossier plus tôt que prévu, l'adoption de la réforme de l'immigration promise par Barack Obama pourrait renforcer le soutien des hispaniques en faveur des démocrates.