• Un imbroglio politico-syndicalo-financier éclate au grand jour • Le gouverneur de la Banque centrale à La Presse : «De graves déviations étrangères à la BCT»… Une partie du personnel de la Banque centrale de Tunisie a organisé un sit-in les 19 et 20 janvier dans les couloirs de l'administration, scandant le fameux «Dégage !» contre le gouverneur de la BCT, M. Mustapha Kamel Nabli, et le vice-gouverneur. Ce qui au départ n'était qu'un « simple» sit-in au siège de la Banque s'est très vite mu en un sérieux bras de fer avec le gouverneur. A l'origine, pourtant, et comme l'a souligné un membre du syndicat de base de la BCT, le sit-in vient en réaction à l'absence de réponses du gouverneur à plusieurs demandes qui, dit-il, ne revêtent aucun aspect matériel (voir notre édition d'hier, page 4). Ce qu'infirme une source autorisée au sein de la BCT. Dérapages ou manipulation ? La question mérite d'être posée parce que, par-delà la légitimité des revendications, il est des attitudes qui n'honorent en rien une grande institution comme la BCT et qui ne rehaussent guère le prestige de l'Etat. L'ambiguïté quant aux réelles motivations des sit-inneurs est d'autant plus grande que le secrétaire général de l'Union a déclaré ne pas avoir été alerté auparavant par les sit-inneurs, et a souligné que l'Ugtt n'est pas derrière son organisation. Autre élément de perplexité : le sit-in organisé par quelques «agents» de l'Institut d'émission intervient le jour de la publication d'un communiqué du conseil d'administration de la BCT où il est recommandé «d'œuvrer à l'élaboration d'un schéma de développement et l'adoption d'une politique économique et financière claire tout en mettant en place un programme de financement qui tienne compte des capacités du pays à mobiliser des ressources intérieures et extérieures et à préserver les équilibres globaux». Pure coïncidence ? Contacté par La Presse, M. Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, a déclaré qu'il ne peut pas «se hasarder à désigner d'éventuels instigateurs» et qu'il n'est pas de ceux «qui jugent les intentions. Toutefois, le déroulement de ce sit-in et les graves déviations qui l'ont marqué sont étrangères à la BCT ». Dans leur communiqué, les représentants syndicaux revendiquent la révision des résultats de promotions et ont exprimé leur mécontentement quant au refus du gouverneur de la BCT à prendre en compte la liste de rattrapage préparée par le bureau syndical. Le même communiqué appelle à l'intégration directe des contractuels, demande réfutée par le gouverneur de la BCT qui privilégie le recours aux concours. En plus des revendications à caractère purement social, le syndicat de base de la BCT a soulevé la question de l'affectation d'anciens Rcdistes à des postes de responsabilité au sein de la Banque et a pointé du doigt certains directeurs généraux, «accusés de corruption» et qui ont été affectés à d'autres postes. Le même syndicat a appelé à l'introduction de réformes structurelles et à la nécessité de faire rendre des comptes à ceux qui ont octroyé des crédits faramineux à des symboles du régime déchu. Pour le gouverneur de la BCT, «les motivations de ce sit-in restent ambiguës». Car s'il considère le recours aux mouvements sociaux comme «légitime tant qu'il se base sur des revendications syndicales», il reste «perplexe quant à l'évolution de la situation, qui a connu un dérapage tant dans les revendications ou le discours que dans le comportement avec des pratiques qui restent étrangères aux traditions de la BCT». Et d'ajouter que d'après «la partie syndicale, son action a dérapé à tel point qu'elle ne pouvait plus contrôler les débordements. Ceci est d'autant plus vrai que nous avons constaté, lors de cette manifestation, la présence de personnes étrangères à la BCT». Cependant, M. Nabli souligne que « quand les discussions avec le bureau syndical répondent aux règles de respect mutuel, de l'ordre et de la bonne organisation et tout en privilégiant l'intérêt de la BCT, les portes de mon bureau demeurent toujours ouvertes. Mais quand les choses dévient et que les demandes ne sont plus d'ordre syndical, ce sont des lignes rouges à ne pas dépasser». Mais qui se cache alors derrière ces agissements ? Le gouverneur estime qu'il ne peut pas «se hasarder à désigner d'éventuels instigateurs» et qu'il n'est pas de ceux «qui jugent les intentions. Toutefois, le déroulement de ce sit-in et les graves déviations qui l'ont marqué sont étrangères à la BCT». Néanmoins, M. Nabli se demande si ce ne sont pas les vrais coupables, compromis dans des affaires de corruption ou de malversations, qui sont derrière ces agissements, et ce, afin de handicaper le travail de la BCT dans ce sens. Justement, la «réticence» de la BCT à coopérer avec la justice a été évoquée par les sit-inneurs. Position réfutée par le gouverneur de la BCT qui souligne : «Depuis ma prise de fonctions, la BCT a coopéré sans relâche avec les instances judiciaires ainsi qu'avec la Commission d'investigation sur les affaires de corruption et de malversation. Il s'agit pour nous d'un devoir national. Quant à ceux qui prétendent que la BCT ne divulgue pas les malversations ayant trait aux banques de la place, il importe de préciser à ce sujet que des centaines de dossiers sont devant la justice et ont été étudiés par la commission d'investigation». Pour ce qui est de la corruption au sein même de la BCT, le gouverneur réplique : «A l'heure actuelle, je n'ai pas encore reçu de preuves formelles quant à ces accusations, qui restent au stade des rumeurs. De par ses attributions, la BCT ne peut pas entamer une action avec la présomption de culpabilité et non d'innocence ! (...) Personnellement, je suis pour la poursuite des auteurs des malversations financières, mais je reste toutefois fermement opposé aux accusations gratuites ou infondées qui peuvent être motivées par des intérêts personnels». S'agissant de la question du retour des Rcdistes dans des postes de responsabilité, M. Nabli précise qu'il s'agit de «cadres de la BCT qui étaient en détachement auprès d'organismes publics et qu'avec la fin de leur détachement, ils ont fait valoir leur droit de regagner leur institution d'origine. D'ailleurs, il serait contraire à la loi que la Banque leur refuse la réintégration ! Quant à la désignation aux postes de responsabilité, elle prend en considération tous les éléments pertinents à la capacité des personnes à assumer ces fonctions et il n'y a aucune intention à privilégier ou avantager d'anciens Rcdistes, les promotions à la BCT ne se feront que selon les critères de la compétence».