Par Dr Moncef Guen Le gouvernement compte lancer une consultation au niveau des régions sur les options de développement dans chaque région pour déterminer les programmes et projets qui pourraient y voir le jour dans les mois qui viennent. C'est une excellente initiative qui n'a pas été tentée dans le pays depuis les années soixante. Cette consultation, menée par des commissions régionales, regroupera les représentants de la société civile et devrait recueillir les desiderata et les propositions des populations en vue de faire jaillir les fruits futurs d'un développement régional équilibré et procurer les opportunités d'emploi et de revenu basées sur les potentialités déjà existantes des régions – et elles sont légion. Elle devrait, si tout se passe bien, aboutir à une liste de séries de projets susceptibles d'être étudiés du point de vue de leur faisabilité par les services administratifs régionaux et centraux et qui devraient être reliés à des ensembles de programmes aboutissant à une stratégie nationale de développement. Une telle stratégie pourrait servir de base à une programmation budgétaire pluriannuelle glissante avec indicateurs de performance. Le grand avantage d'une telle approche est la participation effective des représentants des populations régionales à l'élaboration de leur stratégie de développement et l'appropriation de cette stratégie par les intéressés eux-mêmes, ce qui lui donnera un appui crucial pour son application effective. Cela aussi implique la responsabilisation des populations régionales et des composantes civiles dans la réalisation effective des programmes et projets proposés et adoptés. Le risque de cette approche, il faut le souligner, est l'atmosphère tendue prévalant dans ces régions, surtout celles qui ont été laissées pour compte par l'ancien régime et qui représentent l'essentiel du territoire de notre pays. Les populations ont été appauvries par des décennies de négligence grossière, certaines d'entre elles vivant sans eau potable et sans logement décent, assujetties à un chômage permanent, même pour leurs jeunes qui ont fait des efforts pour mener des études et récolter des diplômes. Leur colère, après des années de privations et de répression, qui éclate aujourd'hui ne peut qu'être compréhensible. C'est pourquoi, il faut se préparer à ce que la consultation légitime et nécessaire tourne à la confrontation. Les populations et surtout les jeunes disent : assez de temps perdu, assez de promesses, nous voulons des emplois et des revenus décents. L'année 2011 aura été une année sans réalisations économiques ni sociales. Les jeunes ne comprennent pas qu'une année entière se soit écoulée depuis la Révolution sans que leurs conditions de vie ne s'améliorent ; en fait elles ont empiré. Et ce ne sont pas les discours et les promesses non tenues qui pourraient changer un tant soit peu ces conditions. C'est pourquoi, il est important que le gouvernement se prépare et avant de lancer la consultation, il devrait prendre une mesure courageuse et audacieuse qui, à mon avis, est capable d'apaiser fortement les tensions et les souffrances. Le gouvernement devrait préparer et faire adopter par l'Assemblée constituante une loi promulguant la garantie d'emploi pendant au moins une centaine de jours par an à tout demandeur d'emploi dans les zones rurales de tout le pays. C'est ce qu'a fait l'Inde avec un programme qui a transformé la vie rurale et procuré emploi et dignité à des centaines de millions de gens. Il faut rompre avec les chantiers du chômage qui n'ont jusqu'ici rien donné, sauf peut-être la corruption. Il faut élaborer rapidement des programmes régionaux de développement rural et créer à travers eux des emplois décents et constructifs pour les jeunes. Dans nos zones rurales, il y a de l'eau à faire jaillir et canaliser, des pistes à construire, des arbres à planter, des terres à cultiver. Il est impensable qu'on laisse des terres en friche alors que les énergies de nos jeunes chômeurs est en train de s'effriter. Que l'on mette les deux ensemble pour le bien de notre agriculture et de notre développement économique, en même temps que la paix sociale.