Par Jawhar CHATTY Les Tunisiens, surtout une certaine «élite» politique et intellectuelle, ont longtemps souffert du complexe du colonisé. Désormais, ils souffrent non seulement de ce complexe mais de celui des pays du Golfe. Alors que le premier les amenait à considérer bon et utile tout ce qui avait une connotation occidentale, le nouveau complexe les conduit, avec la même charge de clichés et de préjugés, à rejeter tout ce qui serait en rapport avec l'Orient et en particulier avec les pays du Golfe. Bien sûr, et dès lors qu'il s'agit de libertés et de droits fondamentaux, il est toujours heureux de s'inspirer des terres où la démocratie est une tradition, une culture et une pratique au quotidien. Même si dans ces grandes démocraties, les notions de liberté et de droits de l'homme sont, somme toute, des notions relatives. Il suffit pour s'en convaincre, de relever l'étendue de la fracture sociale qui existe aujourd'hui entre les classes aisées du centre des méga-métropoles occidentales et une classe moyenne qui s'appauvrit à la périphérie? Il suffit aussi de constater que les droits de l'Homme n'incluent pas toujours les droits «économiques» notamment le droit à l'emploi et à un système équitable de répartition des fruits de la croissance. Le syndrome des pays du Golfe dont nous souffrons, nous empêche de voir la dimension pragmatique du gouvernement dans sa démarche de prospection des investisseurs de ces pays. Pourtant, en regard de la parcimonie dont semblent faire montre les pays du G8 et en regard de la posture quelque peu attentiste des investisseurs traditionnels de la Tunisie, nous devrions voir dans cette démarche une certaine voie de salut pour l'économie nationale, du moins une volonté de diversifier le champ de la coopération internationale et des sources de financement de l'économie. Reste que, dans cette entreprise, la prudence doit être de mise. Les pays du Golfe disposent sans doute de moyens financiers considérables et d'un très fort potentiel d'investissement à l'étranger, mais ce potentiel reste à la merci de la moindre secousse et crise financière internationale et du risque de la volatilité des capitaux, comme cela s'était produit en 2008. Nous gardons, à ce titre, tous en mémoire le cas de Sama Dubaï qui, à l'époque, devait créer en Tunisie plus de... 50 mille emplois.... Aussi, pour le gouvernement tunisien faudrait-il qu'il regarde par deux fois la nature et la soutenabilité des projets et qu'il privilégie, dans la mesure du possible, les investissements dans l'économie réelle, dans les secteurs de l'agriculture et de l'industrie notamment, plutôt que dans des secteurs d'activités sensibles à la volatilité des capitaux et aux aléas de la conjoncture économique et financière mondiale. Les moyens financiers et les potentialités d'investissements des pays du Golfe sont considérables. A telle enseigne que ces pays sont aujourd'hui significativement sollicités par les économies les plus avancées. Les pays européens envisagent même, paraît-il, de réviser leurs réglementations afin qu'elles soient au diapason des attentes des investisseurs et des fonds d'investissement arabes, tournés qu'ils sont vers les produits de la finance islamique. Mais ces pays ont, et c'est le moins que l'on puisse dire, une agriculture et une industrie bien assises ainsi qu'une capacité d'innovation technologique et financière forte qui les rendent moins sensibles aux humeurs des investisseurs étrangers et de la conjoncture économique mondiale. Quoi qu'il en soit, sans faux complexe, la Tunisie a aujourd'hui tout à gagner à attirer les fonds d'investissements et les investisseurs arabes pour peu que ces investissements s'inscrivent sur le long terme, qu'ils offrent une certaine garantie de durabilité et qu'ils contribuent efficacement à la relance de l'économie tunisienne, à la création d'emplois et au développement régional.