La tenue, hier, de la première réunion de la haute commission de suivi gouvernement-Ugtt et les résultats auxquels elle a abouti, dont en premier lieu l'accord sur l'ouverture dans les prochaines semaines d'un nouveau round de négociations sociales relatives à l'augmentation des salaires pour le compte de l'année 2012, peuvent-ils être considérés comme l'annonce de la fin de la crise qui vient d'opposer ces derniers jours les syndicalistes de la place Mohamed Ali aux locataires du palais du gouvernement à la Kasbah ? Comment les différents protagonistes réagissent-ils au retour du dialogue Ugtt-gouvernement et comment envisagent-ils l'avenir? Et quel regard les acteurs de la société civile portent-ils sur la crise et sur son dénouement ? La Presse a posé ces deux questions aux représentants des deux camps en conflit et à des acteurs de la société civile qui ont largement convenu que « l'enseignement essentiel à tirer des derniers événements est que l'Ugtt et le gouvernement sont condamnés à dialoguer et à coopérer au service des intérêts supérieurs du pays». L'Ugtt, partenaire incontournable dans la dynamique de développement Sami Tahri, membre du bureau exécutif et porte-parole de l'Ugtt, souligne que «la réunion de la haute commission mixte de suivi a permis à l'Ugtt de souligner son attachement à son indépendance et son rejet des agressions dont elle a été la cible ces derniers temps. La délégation gouvernementale a fait part de son engagement à respecter la Centrale syndicale et à traiter avec elle en tant que partenaire essentiel et incontournable dans la dynamique de développement». «La réunion, précise-t-il, a abouti à ce que la commission conjointe chargée de proposer les solutions d'application de la convention relative à l'éradication de la sous-traitance finisse ses travaux, et présente son rapport, d'ici fin mars. D'autre part, et volet négociations sociales en prévision des augmentation salariales au titre de 2012, il a été décidé de créer une commission qui se réunira prochainement, en présence du chef du gouvernement et du secrétaire général de l'Ugtt en vue de définir le cadre dans lequel se dérouleront les négociations relatives au secteur et à la Fonction publique. Pour ce qui est du secteur privé, une commission centrale a été créée en vue de mener des négociations visant à l'augmentation des salaires dans les secteurs qui n'ont pas connu de majorations, à l'instar du secteur du tourisme». A propos du retour du dialogue avec le gouvernement, il précise: «A l'Ugtt, nous pouvons avoir des différends avec nos partenaires mais nous ne fermons jamais la porte du dialogue. Aujourd'hui, nous attendons l'application des conventions déjà signées et la mise en œuvre des accords qui ont sanctionné la réunion de la journée du samedi 3 mars. Nous attendons la concrétisation et non des promesses qui resteront lettre morte. Nous ne considérons pas que nous avons vécu une crise avec le gouvernement puisqu'il est dans l'essence même de notre mission en tant qu'organisation syndicale, d'avoir des positions différentes de celles du gouvernement et de nous mobiliser, dans le cadre de la législation en vigueur, en vue de les défendre». Pour Walid Bennani, membre de la direction du mouvement Ennahdha que l'on peut considérer comme la principale composante de l'alliance tripartite au pouvoir, «les derniers événements qui ont opposé le gouvernement à l'Ugtt sont à considérer comme un malentendu qui vient d'être dissipé. Aujourd'hui, on est retourné au dialogue et la voix de la raison a fini par prévaloir. Nous ne pouvons que nous réjouir de la position aussi bien du gouvernement que de l'Ugtt qui demeure un partenaire incontournable dans l'œuvre nationale de développement. Notre espoir est que la réunion de la haute commission de suivi Ugtt-gouvernement et les accords qui l'ont couronnée puissent ouvrir la voie à l'instauration d'une paix sociale réelle et à la concrétisation des objectifs de la révolution». Walid Bennani conclut en précisant : «Pour nous, il n'y a pas eu de crise ou de confrontation entre l'Ugtt et Ennahdha qui sont condamnées à s'entendre et à travailler ensemble». Le choix du dialogue La société civile, qui a été longtemps tenue à l'écart sous l'ancien régime de tout ce qui s'entreprend dans la vie politique nationale, doit réagir pour faire entendre sa voix et proposer ses approches. Aussi, Abdeljelil Bédoui, président du Parti du travail tunisien (PTT), est-il convaincu que « le gouvernement n' a autre choix que de dialoguer avec l'Ugtt, qui ne peut être marginalisée ou ignorée, eu égard à son rôle historique dans la libération de la Tunisie et l'édification de l'Etat moderne et à sa contribution à la réussite de la Révolution du 14 janvier 2011». «Seulement — ajoute-t-il — le dialogue a ses propres règles et son éthique dont en premier lieu l'application des conventions déjà signées et la négociation sur la base de dossiers préparés à l'avance. Aussi et afin que ce dialogue puisse produire les effets escomptés, le gouvernement est-il appelé à abandonner les méthodes d'action auxquelles il a recours, à l'instar de la mobilisation de ses troupes contre les syndicalistes et de les faire descendre dans la rue à n'importe quel moment et à accuser ses opposants ou contradicteurs d'être comploteurs qui cherchent à semer la zizanie et à confisquer le pouvoir aux dépens des intérêts du peuple». De son côté, Me Mokhtar Trifi, président d'honneur de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme (Ltdh), estime que «le retour au dialogue est extrêmement important et positif puisque le pays ne peut pas fonctionner sans entente entre l'Ugtt et le gouvernement. L'essentiel est que ce dialogue se déroule dans le respect de l'indépendance de l'Ugtt qui a toujours été au centre de l'intérêt général, un contre-pouvoir incontournable et un partenaire à part entière dans le processus national de développement». Me Trifi insiste sur l'impératif pour les partis au pouvoir (la Troïka) de «reconnaître ce rôle fondamental : idem pour ceux qui accéderont à la gouvernance du pays à l'avenir : ils doivent savoir et être convaincus qu'ils ne pourront jamais diriger le pays tout seuls. La société civile avec toutes ses composantes sera toujours aux aguets et ne permettra jamais à quiconque de lui voler sa révolution». Les salaires seront augmentés en 2012 On apprend que la séance de travail qui a groupé, hier, au siège du ministère des Affaires sociales une délégation de l'Ugtt et plusieurs membres du gouvernement a abouti, à la suite de discussions franches et transparentes, aux décisions suivantes : — la réunion de la haute commission des négociations présidée par le Chef du gouvernement et le secrétaire général de l'Ugtt en vue de définir les grandes orientations qui présideront aux négociations pour l'augmentation des salaires au titre de 2012 — la réunion de la commission centrale des négociations dans le secteur privé en vue d'examiner les problèmes inhérents à la non-augmentation des salaires dans certains secteurs au titre de 2011 — l'accélération des travaux de la commission chargée d'examiner les problématiques inhérentes à l'application de la convention du 22 avril 2011 relative à la suppression de la sous-traitance dans le secteur public — la constitution d'une commission commune pour l'examen de la situation des travailleurs des chantiers — l'examen de la question relative à l'élaboration du pacte social dans le cadre d'une commission de réflexion groupant les parties prenantes — la formation d'une commission pour l'examen de la situation du secteur touristique et de ses perspectives avec la participation de toutes les parties concernées A.D.