Par Taoufik CHARRADI* Considérée comme un préalable du développement économique et social, l'immatriculation foncière reste le moyen par excellence de garantir la sécurité de la propriété foncière. Son caractère facultatif soulève des interrogations sur la lourdeur et le coût de cette procédure. D'où l'urgence de mener des reformes qui revêtent une importance cruciale pour la promotion de l'investissement et un préalable du développement économique. L'immatriculation foncière facultative L'immatriculation foncière facultative comprend un ensemble de procédures juridiques, techniques et administratives visant à enregistrer et à protéger la propriété foncière contre toute éventuelle revendication ou éviction. Cette procédure est réalisée sur la demande individuelle et au frais de l'intéressé par l'intermédiaire d'un avocat dont le ministère est devenu obligatoire. Cette demande d'immatriculation est sanctionnée par un jugement d'immatriculation qui débouche sur l'obtention d'un titre foncier qui confère le droit de la propriété foncière et offre une véritable sécurité. Un préalable du développement économique Aujourd'hui, le domaine foncier est devenu une préoccupation majeure sous les effets conjugués de la croissance démographique, de l'urbanisation, de l'augmentation du prix du foncier, de la densification des constructions et de la forte demande des terrains à bâtir avec pour conséquence la recrudescence des conflits fonciers. De ce fait, l'immatriculation foncière est devenue une condition préalable à tout projet de développement devant engendrer le progrès social. Les entraves de l'immatriculation foncière facultative L'immatriculation foncière facultative reste le moyen par excellence de garantir la sécurité de la propriété foncière et un préalable du développement économique. Néanmoins, cette procédure d'immatriculation facultative est complexe et coûteuse. Cette procédure compte plusieurs étapes et nécessite l'intervention de divers organes dans son application (le Tribunal immobilier, la Conservation foncière, l'Office topographique, l'Imprimerie officielle, les autorités locales). Tout retard provoqué par l'un de ces organes occasionne un retard de la procédure. On constate un délai de quelques années entre la date de dépôt initial du dossier au Tribunal immobilier et la date d'obtention du titre foncier à la conservation foncière. Les facteurs de retard tiennent essentiellement à des problèmes d'organisation et à des relations mal établies entre les organismes concernés par l'immatriculation foncière facultative. L'importance du coût de l'opération d'immatriculation serait un autre facteur limitant l'accès à ce type d'immatriculation foncière. Ces coûts impliquent les frais de la soumission de l'affaire auprès de la recette des finances, les frais de publicité, les frais des travaux techniques (le déplacement d'un géomètre) et les frais de l'avocat dont le ministère est devenu obligatoire pour ce type d'immatriculation. Sans même tenir compte des surcoûts dus aux déplacements de l'intéressé, pour s'informer sur l'état de leurs dossiers. Ces dépenses s'avèrent souvent trop élevées en regard du prix d'acquisition de la parcelle. Ainsi, la décision d'immatriculation est l'aboutissement d'un processus long mais nécessaire qui vise à clarifier la situation juridique du foncier, à reconnaître les droits de propriété et à protéger les droits des citoyens. Réformes Compte tenu de l'ampleur de l'immatriculation foncière, il convient de concevoir des solutions ambitieuses qui pourraient inspirer une restructuration de l'immatriculation foncière facultative. Les actions à mener dans ce cadre consistent à assouplir cette procédure, à réduire les coûts et à sensibiliser les gens et les conduire à recourir à cette formule d'immatriculation. L'amélioration des échanges entre les trois organismes concernés par cette procédure (le Tribunal immobilier, l'Office de topographie et la Conservation foncière) est aussi un facteur important d'accélération de l'immatriculation sans asphyxie des services. Ces modifications ne changent pas fondamentalement le caractère judiciaire de l'opération d'immatriculation en confirmant le Tribunal immobilier dans son rôle d'arbitre central. Depuis son introduction en 1885, c'est-à-dire après 126 ans d'histoire, la loi sur l'immatriculation foncière en Tunisie est le résultat d'un long processus de maturation conceptuelle, de reformes institutionnelles et d'évolution des pratiques foncières. Ainsi, cette loi n'est pas tout à fait un produit «clés en main». Elle doit être réactualisée, modernisée et mise en adéquation avec les réalités économiques et sociales de la Tunisie post-révolution. Il faut reconnaître que cet instrument constitue une composante nécessaire, mais non exclusive au développement économique. Le bon fonctionnement de cette loi foncière n'est donc pas uniquement une question d'ordre juridique, technique et administrative ; elle dépend aussi grandement de la confiance que la population exprime envers un tel système de protection des droits fonciers. Il n'est un secret pour personne que les institutions financières sont soucieuses de la sécurité de leurs crédits, les investisseurs sont préoccupés par la célérité des formalités garantissant la rentabilité et la sécurité de leurs capitaux, autant de choses qui freinent le développement économique. * (Cadre à la Conservation de la propriété foncière)