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Du ministère à l'exil, un long combat au service de la Tunisie
Mémoire: M'hamed Chenik (1889-1976)
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 03 - 2012


Par SaId MESTIRI
En ce jour du 26 mars 1952, il y a soixante ans, le général Garbay, «commandant supérieur des troupes de Tunisie», agissant en vertu des pouvoirs conférés par l'Etat de siège, prenait un arrêté stipulant l'arrestation et la déportation du ministère tunisien en exercice. M'hamed Chenik, Premier ministre, et les ministres Mahmoud Materi, Mohamed-Salah Mzali et Mohamed Ben Salem sont conduits manu-militari et assignés à résidence dans une caserne de Kébili, dans les territoires militaires du Sud. Ainsi est conclue cette tentative fallacieuse prônée par le gouvernement français en vue d'aboutir à l'autonomie interne de la Tunisie par voie de négociation.
Pour M'hamed Chenik, ce sera pour la seconde fois dans qu'il va achever ses fonctions de Premier ministre par la prison et l'exil. Nous avons pensé utile de saisir l'opportunité historique de cet anniversaire pour évoquer les grandes étapes de ce long combat, au service du pays, qui fut le sien.
Pour la plupart, les figures dominantes du nationalisme tunisien du début siècle dernier, ont vécu, tout comme leurs aînés les premiers modernistes, dans le souvenir atroce et néfaste, encore tout proche de ce cycle infernal des lamentables dégâts financiers et des désastres économiques (emprunts ruineux , corruption à large échelle, disettes et révoltes) qui ont marqué, fin du XIXe siècle, l'époque de Sadok Bey et précipité l'avènement du Protectorat français. S'ils ont tenu à affirmer de façon péremptoire leur détermination à œuvrer pour la libération du pays, mais on ne peut s'empêcher de constater à quel point l'impact de la situation économique a été très peu ou très diversement pris en compte dans leurs appréciations.
Dès ses premiers pas dans la vie publique, M'hamed Chenik a pressenti, avant beaucoup d'autres, l'intensité de cet impact et proclamé sa vocation à réussir l'édification d'une base économique saine et solide, orientée vers la modernité, comme étant la voie la plus passante pour arriver à l'émancipation effective du pays. Il a d'emblée pris conscience qu'il lui fallait pour cela satisfaire à deux conditions primordiales : d'une part, obtenir l'adhésion sans réserve de la ‘'bourgeoisie nationale'' et de ses potentialités économiques, et d'autre part, négocier le projet au mieux des intérêts tunisiens avec la partie adverse, le pouvoir colonial du Protectorat.
Ce sera un long et difficile parcours, hérissé d'obstacles à tous les niveaux. Né en 1989, il quittera le collège Sadiki en seconde, après le décès subit de son père Sa formation sera désormais essentiellement axée sur l'acquisition des fondements de l'économie moderne et va lui conférer de précieux atouts pour franchir sans encombres les échelons d'une carrière complexe. Ce sera d'abord la minoterie Zaouche et Ramella, grâce à l'aide Abdeljélil Zaouche, un ami de son père et un vétéran des premiers mouvements nationalistes. Ce sera ensuite la direction de ‘‘union commerciale'', important groupement de commerçants djerbiens, qui lui donnera l'occasion de visiter l'Europe de l'immédiate après-guerre, de 14-18. Installé à Marseille pour évaluer les marchés, réceptionner et écouler les expéditions tunisiennes de produits dits ‘‘coloniaux'', il va acquérir une bonne connaissance des échanges économiques internationaux
Nul besoin de rappeler qu'en ces circonstances particulières de l'immédiate après-guerre où, en Tunisie, comme un peu partout ailleurs, on discutait du traité de Versailles, où on commentait fébrilement les 14 points des propositions du président américain Woodrow Wilson, l'attention des milieux nationalistes et de la société civile était, à juste titre, hautement préoccupée par les problèmes spécifiquement politiques. Thaâlbi et ses compagnons élaboraient le nouveau parti, «le Destour» et tentaient de faire aboutir leurs revendications auprès des gouvernements français. La priorité était, de ce fait, largement donnée à l'action politique.
«They were less concerned with the economic implication of the Protectorate policies than with their own political demands», écrira, à ce sujet, l'historien américain. Clément M. Henry, (The Mediterranean Debt Crescent)
On sait ce que sera l'amère désillusion après ces vaines et multiples démarches auprès des colonisateurs et les effets délétères du piège grossier tendu par le Résident général Lucien Saint. Les «Réformes» imposées par lui (1922), mettent fin brutalement aux revendications nationalistes. Thaâlbi est contraint à l'exil, et des membres éminents du parti prennent leurs distances. Le Destour proclame le boycott des élections prévues par les «réformes» et jette l'anathème sur les participants éventuels , traitées de «collaborateurs».
Pour M'hamed Chenik, ce sera incontestablement, à ce moment là, l'heure des choix décisifs. Il va les assumer, «franchir le Rubicon», rassuré et confiant en ses moyens, en dépit des vives attaques et des campagnes de presse virulentes déclenchées par les caciques du Destour; Car, il voyait, avec satisfaction ses convictions confortées par le ralliement de nombreuses personnalités, par de larges secteurs de la société civile. Une équipe solide et ambitieuse se constituera bientôt autour de lui, personnifiant ce qui sera, selon l'expression de Juliette Bessis : «cette fraction de la bourgeoisie nationale qui a jugé utile d'occuper le créneau vacant des organismes économiques et des assemblées budgétaires».
M'hamed Chenik participera aux élections prévues et prendra successivement en charge la «Chambre de commerce tunisienne et accédera, ensuite à la présidence du ‘‘Grand Conseil de la Tunisie''. Les discussions budgétaires fouillées et rigoureuses, qui seront menées par les délégués tunisiens mettent souvent en difficulté les tenants de l'administration du Protectorat et des grandes organismes économiques, qui vont réagir de manière répressive. Les caciques destouriens en jubilent et déclenchent une violente campagne de presse contre M'hamed Chenik et ses amis : The leaders of Destour were délighted to see an old ennemy in trouble'', (écrit Liza Anderson, p. 171)
Seul Bourguiba réussira à briser l'anathème jeté contre M'hamed Chenik et défendra farouchement ‘'le seul établissement financier tunisien qui agit selon les intérêts nationaux''. Ce fut le départ d'un projet d'avenir remarquable qui fournira au Néo-Destour naissant la plateforme économique et financière dont il avait besoin : «Bourguiba begun to organise a new political movement, supported by Chenik's expérience, connections and financial backing». Liza Anderson p.171.
Bourguiba évoquera l'affaire, de son côté, dans une lettre adressée à M'hamed Chenik, le 26 janvier 1953, depuis son exil de l'île de la Galite, où il écrit notamment : «Non vraiment, je ne regrette pas d'avoir tenu bon en ce lointain mois de janvier 1933, d'avoir choisi la bonne route, de lui avoir tout sacrifié et de m'y être tenu contre vents et marées. J'y ai gagné le succès de mon œuvre, la réussite de ma vie et... votre précieuse amitié». Lettre de Bourguiba à Chenik, (archive personnelle).
Le Néo-Destour, à l'émergence duquel il a si efficacement contribué, est l'objet de mesures répressives de la part du nouveau Résident général Marcel Peyrouton. M'hamed Chenik qui n'a guère hésité à manifester publiquement, à plusieurs reprises son soutien aux leaders néo-destouriens, exilés dans le Sud-Tunisien se retrouve du jour au lendemain, dépouillé, par décret-scélérat, de tous ses mandats électoraux et placé en résidence surveillée. L'arrivée du ‘'Front populaire ‘'en France qui viendra corriger les dérives du «satrape», revêt les allures d'une petite ‘'embellie''. Ce ne sera, hélas !qu'une courte parenthèse, vite refermée, laissant place aux douloureux événements du 9 avril 1938 et à un état de siège qui va durer jusqu'en…1955.
Les signes annonciateurs de la guerre se précisent .Le règne d'Ahmed Bey s'éternise dans l'indifférence générale et contribue à amplifier la morosité et cet étrange sentiment général d'attente et d'inquiétude.
L'arrivée sur le trône de Moncef Bey (19 juin 1941) va changer radicalement la donne au cours d'un règne fort bref (11 mois) et apporter à cette population angoissée et meurtrie, le rêve et la confiance en soi qui lui manquaient. Ce sera la joie et les débordements émotionnels, l'enthousiasme parfois délirant lors des réceptions du Bey de ses déplacements .Nommé Premier ministre de ce souverain hors pair (31 décembre 1941), ce sera pour lui, un peu le couronnement de toute une carrière. Après les premiers mois d'euphorie, parfois d'insouciance, vont surgir des difficultés d'une autre nature; ce sera vraiment la guerre, le déferlement des armées belligérantes et l'occupation avec ses tragiques conséquences, suivies d'une ‘'libération'' qui prendra l'aspect d'une revanche. Moncef Bey et M'hamed Chenik tentent d'y faire face avec leurs faibles moyens et subiront le plus gros lot des affrontements houleux et de la morgue menaçante des généraux, procureurs chamarrés de tous bords. Moncef Bey part en exil (13 mai 1943), accompagné par les larmes de tout un peuple. M'hamed Chenik est en prison, après des interrogatoires éprouvants.
Mais déjà le ‘'moncefisme'' a pris naissance. M'hamed Chenik en est l'âme et le moteur .Le combat pour la réhabilitation de Moncef Bey démarre, solidement ancré à la lutte pour l'émancipation nationale. Le consensus qui a été réalisé alors pendant ce ‘'Congrès de la nuit du destin'' (23 août 1946), par ce petit peuple qui sortait du cauchemar, était digne et exemplaire et s'était assigné le double objectif de la réhabilitation de Moncef Bey et la proclamation de la souveraineté nationale. Il va imprimer au mouvement national une nouvelle envergure et une reconnaissance internationale, plus sensible encore après la mort de Moncef Bey (1er septembre 1948).
Dès lors ,le gouvernement de la France, ‘'pour aller dans le sens de l'Histoire'', va juger opportun d'engager en Tunisie un processus de réformes conduisant à l'autonomie interne. Avec l'acquiescement de Lamine Bey et la participation du Néo-Destour, la responsabilité de conduire les négociations, a été confiée à M'hamed Chenik. Le voila de nouveau Premier ministre, avec cet objectif ambitieux, déclarant y croire : «il avait foi en la clairvoyance des dirigeants politiques français».
On sait comment cette ‘'clairvoyance'' se muera en ce stupide aveuglement émanant de la fameuse ‘'Lettre du 15 décembre 1951'', venant conclure des négociations fallacieuses et tronquées, par une fin de non recevoir brutale.
Mais l'amertume et l'écoeurement furent de courte durée, laissant place à la révolte. Déjà le premier acte libre de politique étrangère de la Tunisie, depuis l'institution du Protectorat, était fin prêt. La requête adressée à l'Organisation des Nations unies, (ONU), pour régler le ‘'Différend Franco-Tunisien'', parviendra au siège de l'organisation, à Paris, après un parcours certes chaotique, mais parfaitement réussi. Le document était signé par M'hamed Chenik et par l'ensemble des ministres. Ce fut pour lui, dit-il, la satisfaction suprême et la ‘'consécration ‘'.
Bourguiba, présent à Radès à cette dernière séance de signature de ce document fera part à Chenik de ses chaleureuses félicitations, «sahha lik, sahha lik !», répétera-t-il en arabe, avec peut-être une petite pointe de jalousie, dira Chenik sur le ton de la plaisanterie.
Rien ne pourra plus désormais changer le cours des choses, ni l'état de siège ressuscité, ni la répression aveugle, encore moins les menaces verbales et écrites du nouveau Résident Jean de Hautecloque ni même l'exil dans le Sud.
(Comble du cynisme, quelques jours avant cet épisode, de Hautecloque avait adressé une lettre manuscrite à Chenik lui disant que l'état de santé de son fils Saïd gravement malade à l'époque pouvait en pâtir, s'il continuait à refuser de démissionner).
Maintenant l'aube de l'Indépendance pointe clairement à l'horizon, la résistance populaire se développe en lutte armée et en guérilla urbaine et les pressions internationales se font plus nettes. Les gouvernements de la IVe République Française ne pourront plus résister longtemps ‘'au cours de l'Histoire‘'. Un premier ministre ,cette fois réellement clairvoyant et déterminé, Pierre Mendès-France prend la décision d'apporter la solution logique au problème tunisien . Le message qui sera délivré le 31 juillet 1954 à Lamine Bey à Carthage par PMF sera une date historique et un échelon crucial dans le processus qui aboutira à l'Indépendance.
M'hamed Chenik. ne présidera pas le nouveau gouvernement prévu qui devrait en toute logique lui revenir. Pierre Mendès-France et l'ensemble des milieux politiques Français se sont radicalement opposés à la nomination de M'hamed Chenik, qui avait signé la requête à l'ONU, et qui sera interprété comme une revanche et un ‘'affront'' inacceptable pour la France. Bourguiba et les négociateurs néo-destouriens n'ont pas jugé utile d'insister. Son ami Aziz Jellouli a été pressenti mais a décliné l'offre. La mission échoira à Tahar Ben Ammar.
M'hamed Chenik accueillera l'Indépendance dans la sérénité et ne cessera d'affirmer qu'elle ne constitue qu'une étape mineure par rapport à l'objectif majeur de la modernisation du pays représenté par la lutte contre le sous-développement . Prêchant d'exemple, il va désormais orienter l'essentiel de ses préoccupations et de ses activités à la rénovation de la S.T.U.F.I.T., en retrouver avec joie les pionniers et les nouveaux partenaires, et se remettre à l'œuvre en parfaite harmonie avec ses convictions initiales. N'est-ce pas là le meilleur des accomplissements d'une existence aussi bien remplie ?


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