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«Le meilleur reste à venir»
L'entretien du lundi : Fawzi Chekili (jazzman) :
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 03 - 2012

Né le 27 mai 1950 à Kélibia, musicien et compositeur, Fawzi Chekili est avant tout un amoureux des cordes pincées. En autodidacte, il a appris la guitare, le piano et le luth. Diplômé en lettres anglaises à l'Université de Tunis, il découvre que sa vocation pour le jazz est à vie, lors d'un séjour en Angleterre, au début des années 1970. Depuis, il se consacre entièrement à cette musique en tant qu'artiste et en tant qu'enseignant à l'Institut supérieur de Musique. «Sa musique est née dans le jazz avec ses harmonies et son phrasé, mais reste largement ouverte à diverses influences ethno-culturelles, et plus particulièrement à la chaleur des modes orientaux, tunisiens et arabes», selon le site (Wikipédia). Entre 1979 et 2007, il donne plusieurs concerts au festival international de Carthage, à celui de la Médina de Tunis en 1996, au Tabarka Jazz Festival entre 1997 et 2005 et au Festival international de Hammamet en 2003. Il anime également de nombreux concerts dans plusieurs villes européennes. En mars 2004, il participe à la création de l'école de jazz au sein du Centre des musiques arabes et méditerranéennes (Ennejma Ezzahra). En juin 2005, il reçoit le Prix du jury de l'International Massimo Urbani Award... Fawzi Chekili est notre invité de ce lundi.
A quel moment avez-vous compris que vous serez un musicien de jazz?
Je l'ai toujours su. Ma passion pour le jazz me rappelle l'histoire d'Asterix qui est tombé, tout petit, dans le pot magique. Il a, avidement et spontanément, tout bu avant même de comprendre le vrai pouvoir de cette substance. Cette musique était pour moi, le pot magique dans lequel, enfant, j'ai plongé. Je ne savais pas, à cette époque, où cette passion pouvait me mener. Je fabriquais mes guitares tout seul : la grande boîte de conserve de la pâte sucrée la «Chamiya» servait de caisse que je rattachais à un long bâton constituant le manche. Les cordes n'étaient autres que des fils de cannes à pêche, fins et sonores, que l'on trouvait partout à Kélibia, ma ville natale... Lycéen, je jouais déjà dans les bals et les hôtels de la capitale, afin de pouvoir financer mes études.
Où cette passion vous a-t-elle mené, aujourd'hui?
(Soupir). Vous savez, quand on est possédé par l'amour du jazz, tout le reste paraît dérisoire. Jouer du jazz n'est pas ma seule finalité, former est également un objectif, une raison d'être. C'est à travers les jeunes talentueux et passionnés que je mesure, personnellement, ma réussite. Je crois, ou plutôt j'affirme que nous avons aujourd'hui, une génération de musiciens de jazz d'un niveau bien avancé, qui sont capables de s'affirmer aussi bien sur le plan national qu'international... Ces artistes ont créé le club de jazz de Tunis. Chaque vendredi, ils organisent un concert dans un lieu différent, afin de toucher un maximum de public.
Est-ce que vous parlez de vos étudiants à l'Institut supérieur de musique (ISM)?
Oui, absolument. Je fais aussi allusion aux élèves de «couleur jazz» à Ennejema Ezzahra. Cette école, tenue surtout par des Belges, nous révèle, chaque année, de vrais virtuoses.
Considérez-vous l'enseignement du jazz à l'ISM comme une réussite?
Sans aucun doute. Cette expérience a commencé sous forme d'ateliers que j'animais occasionnellement. Elle n'a pu être officialisée qu'avec l'ancien directeur, Mohmed Zinelabidine. Désormais, ces ateliers sont intégrés dans le programme des cours de l'Institut. La guitare est l'instrument le plus sollicité. Mais on compte beaucoup de bons batteurs et même d'excellentes voix. Nous étudions le jazz classique et moderne, en nous référant, évidemment, aux répertoires des grands jazzmen. Les étudiants apprennent aussi les codes et les techniques de l'improvisation.
Considérez-vous qu'un bon artiste est nécessairement un bon enseignant?
Concernant le jazz, oui. L'enseignement est une gratification d'un autre type. Il nous apprend à partager le savoir et à transmettre la motivation et la passion. Le jazz est la musique généreuse par excellence. On s'efface pour faire passer l'autre avant nous. Dans un groupe, chaque intervenant peut être la star d'un solo. Les Stars Ship existent, certes, mais ils n'instaurent pas la règle générale du jazz. D'ailleurs, le Jam-session (ou faire le bœuf) met en valeur cette notion du partage. Il s'agit d'inviter les musiciens à jouer avec le groupe sans y être préparés à l'avance. Un moment d'improvisation, apparemment spontané, mais qui a été durement travaillé. Chaque musicien de jazz ne se lasse jamais de se remettre en question et de s'améliorer. Il est souvent nourri par le groupe qui l'entoure et surtout par l'effervescence d'un instant de plaisir et d'amour, sans mesure.
Franchement, êtes-vous content, aujourd'hui, de votre carrière de musicien?
Je n'ai pas de regrets. Je suis assez fier de ce que j'ai pu accomplir durant ces longues année de vie artistique. (Silence, puis hésitant, il reprend)... Si vous m'aviez posé cette question la semaine dernière, j'aurais répondu d'une manière plus obscure. Il m'est arrivé un incident qui m'a profondément découragé. Un animateur radio était étonné de voir un homme comme moi, d'un certain âge, continuer à courir derrière la promotion de mon dernier album, Tyour el fajr (Les oiseaux de l'aurore)... Il ignore qu'un artiste, surtout un jazzman, ne vieillit jamais et qu'il ne compte pas les années... Heureusement, que ma déception n'a pas beaucoup duré. Quelques jours plus tard, j'ai appris qu'une de mes récentes compositions Rêves d'Oasis a été sélectionnée parmi les morceaux les plus téléchargés sur le prestigieux site du Jazz (All About Jazz.com). Un site qui regroupe, chaque saison, toutes les nouvelles créations du monde entier. Je compte désormais parmi ses cinq artistes vedettes. J'avoue que cet événement m'a donné des ailes.
Voulez-vous donc dire que vous êtes davantage connu ailleurs qu'en Tunisie?
Je dirais que je suis peut-être plus estimé à ma juste valeur, ailleurs qu'ici. J'ai l'impression que les auditeurs tunisiens, d'une manière générale, ne s'intéressent qu'aux rythmes saccadés. Ils aiment être secoués plutôt que bercés. Ils ont peu de patience pour écouter jusqu'au bout un duo de piano et de guitare. Les paramètres de l'écoute sont de plus en plus bizarroïdes.
Pourtant, les Tunisiens aiment le jazz...
Bizarrement, oui. Et ce, depuis longtemps. Le jazz est ancré dans notre culture. On m'a raconté que les Italiens et les Maltais, au début du siècle dernier, animaient au Palmarium de grands clubs de jazz. On m'a rapporté aussi que les grandes figures de l'époque fréquentaient ce lieu prestigieux. Les bals et les concerts de qualité étaient nombreux. La frénésie artistique de l'époque a donné naissance à un public de jazz bien averti.
Il faut aussi reconnaître que cela est dû aussi à la présence, quasi constante, de cette musique dans les programmations de beaucoup de festivals...
Oui. Absolument. Le jazz a été un des piliers du festival international de Carthage. Tabarka a été, pendant des années, un lieu de « pélerinage » pour tous les artistes. Des grands musiciens de jazz y étaient invités, ainsi que les critiques spécialisés. C'était, pendant des années, la grande fête. Hélas, ce rendez-vous artistique a perdu, au fil des ans, de son prestige et de son originalité. Il a fini par disparaître.
Depuis quelque temps, le jazz est à l'affiche de plusieurs festivals. Il a apparemment quitté Tabarka pour s'installer à Tunis...
Je ne veux pas dire du mal des festivals actuels. Le jazz est un océan ouvert à toutes les préférences. Comme je vous l'ai dit, il est tellement généreux qu'il se donne à toutes les tendances, tels le jazz pop ou encore le free-jazz dont le maître, à mon avis, est le pianiste Cecil Taylor qui fait preuve de tant de liberté, soutenue par un grand savoir musical... Mais je reste toujours un nostalgique du jazz des grands maîtres new-yorkais : Wes Montgomery ou Django Reinhardt.
Pensez-vous créer votre propre festival?
Organiser un festival réservé uniquement au jazz, le vrai, figure parmi les objectifs du club de jazz de Tunis. Ce projet nous tient vraiment à cœur.
Avez-vous l'appui des organismes officiels?
Vous savez, le jazz a toujours été le parent pauvre de la culture. Mais lorsqu'on est passionné, comme nous le sommes, on n'attend pas d'être soutenu. Notre amour et notre dévouement pour cette musique nous procurera toujours autant de volonté que de force. Nous nous sentons capables de réaliser nos ambitions et nos rêves, même les plus audacieux.
La révolution a-t-elle changé le jazz tunisien? A-t-elle engendré un mouvement de «révolte»?
(Hésitation). Je ne peux pas dire que la révolution n'a pas touché ce domaine musical. Je ne peux pas, non plus, confirmer un quelconque bouleversement ou une «révolte» jazzy. Je crois que les artistes du jazz ont été, comme tout le peuple tunisien, secoués par ce nouveau souffle de liberté et il y a eu, sûrement, une énergie nouvelle qui a donné du punch à cette génération d'artistes. Je suis très optimiste quant à l'avenir du jazz en Tunisie. Grâce à ces jeunes passionnés, nous atteindrons des sommets. Je le crois vraiment.


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