Une impression générale dominait, hier, la séance-débat d'urgence organisée avec Ali Laârayedh, ministre de l'Intérieur, à l'Assemblée nationale constituante. A la suite des événements violents du lundi 9 avril 2012, constituants, journalistes et autres observateurs n'avaient qu'une seule interrogation à la bouche : Pourquoi ce gâchis alors qu'on pouvait économiser tant d'énergie avant de reculer et d'annoncer l'annulation pure et simple de la décision interdisant les manifestations sur «l'avenue de la dignité, de la liberté et de la révolution». Que pensent-ils de cette énième «reculade» du gouvernement et qu'attendent-ils des explications que ses proposait de leur fournir le ministre de l'Intérieur ? Considérant-ils est temps que le temps que le gouvernement se décide à écouter les appels de ceux qui estiment que les conditions objective, sont réunies pour la formation d'un gouvernement d'union nationale ? La Presse a posé ces deux questions à quelques uns parmi les membres de la Constituante appartenant aux diverses sensibilités qui y sont représentées ainsi qu'à des responsables de partis qui n'y disposent pas de sièges mais qui ont tenu à suivre le débat, en égard à son acuité et à son importance. Non à la surenchère et aux calculs étriqués Pour Mohsen Kaabi, constituant défendant les couleurs d'Ennahdha, «renoncer à un décision quelconque ne constitue pas une hérésie et c'est un comportement que l'on observez chez plusieurs gouvernements. Pourquoi, c'est une décision qui est venue retirer le tapis sur les pieds de ceux qui ont fait de la surenchère leur occupation première, quelles que soient leurs sensibilités ou appartenances et en premier lieu ceux qui veulent réaliser ce qu'ils n'ont pas réussi à faire lors des élections du 23 octobre dernier en recouvrant à la rue dans l'espoir de réaliser leurs rêves». Le constituant nahdhaoui révèle que «certains ministres disent qu'ils ont commencé à découvrir les secrets de leurs ministères ainsi que les mécanismes de leur gestion et soulignent que la prochaine étape est celle de la réalisation, surtout après l'adoption, dans les prochains jours du budget complémentaire qui comprend, pour la première fois, dans l'histoire de la Tunisie, des crédits de l'ordre de 6400 millions de dinars réservés à l'emploi et au développement régional». «Qu'est-ce que j'attends de l'allocution du ministre de l'Intérieur ? Tout simplement qu'il nous présente des informations claires et précises sur les responsabilités de toutes les parties impliquées dans les événements du 9 avril 2012. Je suis convaincu que tous les fauteurs de trouble et tous les auteurs des actes de violence doivent être poursuivis en justice, y compris ceux qui appartiennent à mon parti Ennahdha, au cas, où l'enquête qui sera formées de personnalités indépendantes, le prouvera». L'hésitation pouvait être évitée Ali Houiji, constituant indépendant (après avoir quitté Al Aridha Chaâbia sur les listes de laquelle il a été élu) trouve, pour sa part, «qu'il fallait, dès le départ, que la décision d'interdiction des manifestations, soit soumise à la consultation de l'Assemblée nationale constituante, sans pour autant interférer dans le droit absolu du ministre de l'Intérieur de prendre les mesures qu'ils estiment indispensable. Quant aux manifestants, ils pouvaient s'adresser au tribunal administratif pour y attaquer la décision en question au lieu de tenir à ne pas respecter la décision ministérielle et à défier le ministre. Je crois, qu'après la révolution, il est important que les échanges entre toutes les parties obéissent au respect de la loi. Pour ce qu'il est de l'annulation de la décision ministérielle, je crois qu'elle est le résultat d'un comportement marqué d'hésitation qui pouvait être évité. Maintenant que la décision est prise, je ne peux que la considérer comme étant positive puisqu'elle a répondu aux revendications des membres de la Constituante. Pour ce qui est de la commission d'enquête, il faut qu'elles soient constituée de personnalités indépendantes dont en premier lieu des membres de la Constituante, à côté d'autres représentants de la société civile. Toutefois, les résultats de cette enquête doivent être révélés le plus rapidement possibles». Que pense-t-il de la manifestation organisée par certains partisans d'Ennahdha devant le siège de l'ANC appelant le ministre de l'Intérieur à poursuivre sa politique d'opposition aux manifestations sur l'avenue Bourguiba, le constituant estime «qu'elle n'aura aucun impact sur la décision autorisant le retour des manifestants à l'avenue principale de la ville. Cependant, je considère qu'en renonçant aussi rapidement à ses décisions, Ali Laârayedh ouvre la voie à ceux qui doutent de sa capacité à maîtriser les choses au sein du ministère et fait que ses mesures pendent de leur crédibilité. Je m'attends à ce que le ministre tranche, une fois pour toutes, cette question de miliciens dont parlent les manifestants et qui ont été pris en photos par la presse. Toutefois, une ligne rouge à ne pas dépasser: la préservation du droit de manifester et son inscription dans le texte de la Constitution, à l'instar du droit syndical». Une absence de mission et de compétence Abdelwaheb Héni, président du Parti Al Majd et l'un des victimes du «lundi noir» souligne: «Ce n'est pas la première reculade du gouvernement et cela illustre l'amenteurisme, l'absence de stratégie et de mission ainsi que l'absence de compétences au sein de ce gouvernement, ce qui remet de nouveau, sur l'agenda national, l'impératif de la formation d'un gouvernement d'Union national avec des compétences confirmées, une mission claire et l'adoption d'une charte civile qui réglemente les relations enter les différentes composantes du paysage politique national, apaise les tensions et rassure l'opinion publique». Comment a-t-il réagi à l'allocution du ministre de l'Intérieur ? «Pour moi, c'est un discours habituel d'un ministre de l'Intérieur habituel et pas le discours d'un ministre post-révolution et d'un ministre de l'Intérieur de tous les Tunisiens. Il est apparu, aujourd'hui malheureusement, comme le ministre de la Troïka alors qu'il s'est déjà comporté auparavant comme le ministre de tous les Tunisiens en réussissant à en lever l'habit du ministre nahdhaoui. Là où le bat blesse, ce sont ces tentatives de créer une division entre les intérêts des commerçants exerçant sur l'avenue Habib Bourguiba et ceux de l'ensemble des citoyens tunisiens, c'est à dire les objectifs de la révolution. Je pense qu'il nous faut un climat et des décisions de consensus qui sauvegardent les intérêts des uns et les sentiments des autres». Une décision de trop Ahmed Khaskhoussi, président du Mouvement des démocrates socialistes (MDS), est d'avis que «cette décision qui était au départ une décision temporaire étant réellement une décision qu'il ne fallait pas prendre. Il ne fallait pas interdire aux manifestants venus célébrer la mémoire des martyrs du 9 avril 1938, l'avenue Bourguiba pour sa symbolique dans la mesure où elle est devenue «l'avenue de la Révolution» qui a vu le couronnement du processus révolution enclenché le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid pour balayer le 14 janvier 2011 Ben Ali et son régime». «Je crois qu'une décision aussi importante devait être prise à la suite d'une consultation nationale dans la mesure où il ne s'agit pas d'une affaire qui concerne un seul parti politique. Pour ce qui est de l'annulation de cette mesure, je suis persuadé qu'elle a pris en considération les positions de toutes les composantes du paysage politique. Mon souhait est que l'on ne prenne pas, à l'avenir, de décisions pareilles. Quant aux actes de violences enregistrés, lundi dernier, ils sont inadmissibles et rien ne peut justifier les agressions qui ont ciblé les citoyens, les membres de l'Assemblée nationale constituante et les représentants de la société civile. Notre ambition est d'œuvrer ensemble, en vue de dépasser les considérations partisanes ou idéologiques et d'apaiser la tension accompagnant cette tendance à bipolariser la vie politique menaçant sérieusement notre tissu social et national».