Par Jawhar CHATTY «La Tunisie n'a aujourd'hui d'autre choix que de réussir», a lancé le chef du gouvernement dans son discours devant l'assemblée plénière de la Constituante. C'est de bonne guerre et ce choix demeure impérieux si le pays veut éviter le pire. Le chef du gouvernement, et c'est tout à son honneur, n'a, par la même occasion, pas manqué de dresser un tableau bien maussade de la situation économique et sociale du pays. Toutefois, il aurait fait montre encore d'un peu plus de réalisme s'il avait consenti à modérer l'ambition de son gouvernement en termes de croissance et de création de nouveaux emplois pour l'année en cours. En regard de l'acuité de l'attente sociale et des exigences de la sphère de l'investissement, ce serait déjà une performance et une prouesse si le pays clôturait l'année 2012 sur une note positive en termes de croissance. De fait, le chef du gouvernement est allé de tout son élan pour dire toute la difficulté de la situation, mais il est resté quelque peu avare quant aux moyens de sa politique économique et sociale à court et moyen termes. Sans doute, nombre d'indicateurs sont-ils au vert ou en passe de l'être, à l'instar des indicateurs relatifs à l'investissement et à l'exportation du secteur industriel ou encore les sérieux prémices de reprise du secteur touristique. Seulement, vouloir remonter doucement et progressivement la pente de la croissance est une chose, et laisser entendre que le gouvernement pourra réussir un bond de 5 points de croissance d'ici la fin de l'année en est une autre. Le réalisme, la lucidité et la connaissance des limites de notre économie et de ses ressources devraient pourtant inciter encore à la prudence. Il ne faudrait, en l'occurrence, tout de même pas éluder le fait que le déficit des paiements courants représente aujourd'hui 2.3% du PIB et que le taux d'inflation est de 5.4%, cependant que le gouvernement entend contenir le taux de déficit budgétaire dans la limite de 6.6%. Et c'est déjà là une limite exceptionnelle et peu tolérable sur le moyen terme. Là aussi, le réalisme invite à la prudence en se souciant un tant soit peu des fondamentaux. A moins que l'on veuille à tout prix faire du chiffre et de la croissance sans se soucier outre mesure des conditions de pérennité et de solidité de cette même croissance.