Par Soufiane BEN FARHAT Israël et sa béquille dorée — les Etats-Unis d'Amérique — sont passés maîtres dans l'art de noyer le poisson. Suffit-il d'invoquer quelque grief légitime pour qu'ils en renvoient à un autre déjà vidé de sens. La dérobade tient lieu d'argumentaire. Fallacieux, il va sans dire. Tout récemment, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) Yukiya Amano a demandé à Israël de signer le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Son courrier, daté du 7 avril, n'a été rendu public qu'avant-hier. Les 151 membres de l'Aiea y sont invités à adopter une résolution exigeant qu'Israël accède au TNP. Ce qui suppose qu'il ouvre ses installations nucléaires aux inspections onusiennes. La divulgation du contenu de ce courrier intervient à point nommé. En effet, les pays arabes ont plaidé pour un Proche-Orient sans arme nucléaire au deuxième jour de la conférence d'examen du TNP aux Nations unies. Ils ont également pointé à l'index Israël pour son refus de dévoiler ses capacités nucléaires. Jusqu'ici, ce dernier a maintenu l'"ambiguïté nucléaire". Mais sa possession de centaines de têtes nucléaires relève du secret de polichinelle. Raison pour laquelle Israël a stigmatisé en coulisses la proposition de l'Egypte en faveur d'un plan prévoyant de négociations sur la situation nucléaire au Proche-Orient au début l'année prochaine. Cette initiative pourrait devenir l'un des principaux points de débat au cours des discussions, prévues pour tout un mois. La proposition égyptienne a reçu l'aval, du bout des lèvres il est vrai, des Etats-Unis d'Amérique. Mais ceux-ci y ont d'emblée mis un bémol. Motif ? Le processus de paix israélo-palestinien est prioritaire. Israël s'est empressé d'appuyer l'objection américaine. Le processus de paix, parlons-en. Il fait du surplace entre deux instances de refus israélien sur fond d'une réalité éprouvante. L'épreuve de l'occupation militaire israélienne et du blocus économique hermétique des territoires occupés palestiniens est désespérante. Elle a tôt fait de réduire les millions de Palestiniens à l'âge de pierre. La solution négociée s'estompe au fil des jours. Depuis des années que ça dure. L'émissaire américain pour la paix, George Mitchell, a repris son bâton de pèlerin en début de semaine pour séjourner en Israël et en Palestine occupée. Son objectif : lancer les discussions dites "de proximité" qui devraient débuter incessamment. La Ligue arabe a déjà donné son aval à l'ouverture de négociations indirectes sous l'égide de M. Mitchell, censées durer quatre mois. Comme on le sait, Israël a plombé la reprise des pourparlers de paix. Son refus de stopper la construction de colonies de peuplement juives, notamment à Al Qods-Est, frise le déni diabolique. Les Etats-Unis d'Amérique ont eu beau afficher leur mécontentement, rien à faire. Le gouvernement Netanyahu a même trouvé le moyen de narguer l'administration américaine à ce propos. Alors même que Mitchell entamait une précédente visite en Israël, le gouvernement israélien a annoncé son intention de construire 650 nouveaux appartements dans une colonie juive à Al Qods occupée. Et aujourd'hui, pressé de signer le traité TNP, Israël argue qu'il aurait particulièrement à cœur la reprise du processus de paix. Trompe-l'œil pour trompe-l'œil, autant dire proposer une coquille vide en guise d'échappatoire. Parce qu'en l'état actuel des choses, le processus de paix — ou les lambeaux qui en restent — s'apparentent davantage au vide intégral qu'à autre chose. En même temps, Israël rameute le ban et l'arrière-ban des pays occidentaux pour clouer au pilori l'Iran pour ses activités nucléaires. Téhéran est déjà signataire du TNP et il soutient que ses activités d'enrichissement de l'uranium sont à des fins strictement civiles. Israël, qui n'est pas signataire du TNP tout en étant une puissance nucléaire militaire avérée, joue quant à lui la sainte nitouche offusquée par l'attitude de l'Iran. Encore une fois, le subtil jeu de l'être et du paraître tient le haut du pavé. L'interversion des rôles et des significations réelles ou non avouées est vicieuse. Et ce qui débute dans l'esbroufe finit toujours dans l'imposture. Au grand dam des peuples saignés à blanc par des décennies de guerres israéliennes pour un pseudo-motif ou un autre…