Par Soufiane BEN FARHAT "La France aux Français", "Pas d'Arabes ici", "Heil Hitler". Telles sont, parmi tant d'autres, certaines des inscriptions découvertes le 8 février dernier sur des façades de la Grande mosquée de Saint-Etienne en France. Le 25 avril, la mosquée d'Istres et une boucherie halal à Marseille avaient été la cible de mitraillages. Et pas plus tard qu'il y a trois jours, sept stèles de soldats musulmans morts pour la France au cours de la Première Guerre mondiale ont été profanées dans le carré militaire du cimetière de Tarascon (Bouches-du-Rhône). Des actes islamophobes, forcément. Ils sont de plus fréquents même. L'association SOS Racisme l'a fait observer : "La multiplication des actes de profanation de sépultures et des lieux de culte témoigne du climat pour le moins malsain qui règne en France, et plus particulièrement dans la région Paca (Provence-Alpes-Côte d'Azur)". Le ministre français de la Défense, Hervé Morin, s'est exprimé dans un communiqué : "Je veux faire part de ma profonde indignation devant un acte ignoble et lâche. Je m'incline devant la mémoire de ces soldats avec d'autant plus d'émotion que cet ultime outrage semble les avoir volontairement visés pour leurs croyances religieuses. Mes pensées, à la veille de la commémoration du 8 mai 1945, vont à tous les combattants qui ont offert leur vie de manière humble ou éclatante pour que vivent une France et une Europe, libres, justes et généreuses". De son côté, le secrétaire d'Etat français aux Anciens combattants, Hubert Falco, a estimé que "la civilisation commence avec le respect dû aux morts. Il s'y ajoute, pour tout Français, le devoir d'honorer ceux qui sont morts pour la patrie, la liberté et les valeurs de la République, sans distinction d'origine ou de religion". Le carré militaire du cimetière de Tarascon comprend 130 tombes dont 17 de soldats musulmans. Les sept stèles des soldats musulmans ont été renversées. Trois d'entre elles ont été littéralement brisées. En fait, si quelques politiques ont réagi, les médias français ont escamoté en général cette profanation. Lorsque, il y a 20 ans, des tombes juives avaient été profanées dans le cimetière de Carpentras, la classe politique et les médias français avaient vigoureusement et bruyamment réagi. Avant-hier, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) a relevé qu'il y a 20 ans, la profanation du cimetière de Carpentras avait mis la France "en émoi". "C'est aujourd'hui dans l'indifférence générale que des lieux de mémoire sont régulièrement vandalisés", ajoute la Licra. La prestigieuse association française fait par ailleurs valoir que "la multiplication des profanations, et plus généralement des actes antireligieux, dénote un regain violent et désinhibé des idées racistes dans notre pays". Ainsi donc, on se retrouve de nouveau face aux commandos du crime de la peste brune. Avec, en l'occurrence, la phalange islamophobe nécrophile. Et derechef en présence de certains mutismes et silences. Et en pareilles situations, est-il besoin de le rappeler, le silence est compromission. A bien y voir, le dangereux passage à l'acte est une manifestation concrète de pernicieux développements quantitatifs. Ceux-ci sont distillés quotidiennement dans un processus pervers, diabolisant à loisir l'Islam et les Musulmans en France. Les renvois sémantiques et les associations d'idées les plus tendancieuses sont mis à profit, particulièrement dans les médias. Tel un faisceau d'indices, ils émaillent la texture du discours islamophobe. La force anesthésiante de l'habitude aidant, ces actes sont tellement banalisés qu'ils en arrivent à faire partie du décor ambiant. Dans certaines régions françaises particulièrement, l'incitation à la haine de l'Arabe et du Musulman est monnaie courante. Rien n'est fait — ou presque — pour l'enrayer. L'impunité de l'énonciatif débouche sur la promptitude à passer aisément à l'acte. Le corpus de propagande islamophobe larvée ou ouverte agit comme un puissant stimulant. Parfois, cela s'apparente ouvertement à un appel au meurtre. Et tant que c'est l'Arabe, le Musulman, le Maghrébin, le Sud-Méditerranéen ou l'Africain qui est stigmatisé, vogue la galère. Mais les barbouzes sont aux aguets. Et ils finissent par embarquer tout le monde dans la même souricière.