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Rude semaine dans la transition
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 06 - 2012


Par Kmar BENDANA (*)
Après trois jours d'un couvre-feu (limité à huit gouvernorats et mal respecté dit-on), le pays se «calme» alors qu'on déplore un mort (à Sousse, avec deux balles dans la tête!), des ravages et des menaces contre les agriculteurs, les restaurateurs et marchands d'alcool, les artistes. Le sentiment d'insécurité, exprimé depuis des mois, a rencontré des événements qui lui ont donné raison. Flottant sur une réalité et une légitimité fragiles, notre gouvernement ne semble pas mesurer la dégradation de la confiance qui s'ajoute à un état général déjà très difficile. Le pays est mis, une fois de plus, à rude épreuve, face à l'autisme désordonné d'une direction éclatée, dont la seule cohérence est de nier la gravité des faits. Les discours électoralistes entretiennent la division dans les têtes et les cœurs, dispensant nos responsables de vaquer au travail ingrat, obscur et provisoire de gérer les affaires. Attitude incontrôlée et mécanique héritée de nos mœurs politiques. L'autorité actuelle n'émet de signaux rassurants que pour elle-même ; aucun désir de démocratie, de culture démocratique tout court ne transparaît de son action. L'appareil pléthorique en hommes et sans boussole actionne un hégémonisme primaire, étend ses nominations et érige des querelles idéologiques en moyens d'exploiter la fracture sociale, voire de l'accentuer.
Le corps social se défend comme il peut : les actes de désobéissance, plus ou moins déclarés et visibles, sapent la crédibilité de l'Etat. Flou et manque de cohérence ne peuvent qu'encourager des crescendo progressifs, dont la semaine qui vient de s'achever, avec un couvre-feu le mardi 12 juin, proclamé 8 mois après les élections. Malgré ce coup sévère porté à la légitimité électorale, le gouvernement renvoie dos à dos les « extrémismes », sans réaliser que les violences non sanctionnées pendant des semaines, ont causé l'escalade. La panique de la société laisse les gouvernants indifférents, braqués sur les mêmes réflexes de justification et d'accusation des autres. Nos politiciens, usés par la dictature et le manque d'expérience souffrent d'un mal qui déborde sur l'opinion: la haine. Les militants des années 1970/1980 aujourd'hui en scène, ont emporté cette haine dans leurs exils et leurs emprisonnements ; elle a nourri leurs soliloques, elle rejaillit aujourd'hui, comme une revanche de vaincus, incapables de la dépasser. La haine de Ben Ali ne les unit plus, ils sont en train de la convertir en politique et de la retourner contre la société.
Autre héritage de Ben Ali qui a méprisé l'art et culture: le gouvernement s'en prend courageusement aux artistes. Cette malveillance ne grandit pas l'Etat, pas plus que son déni de responsabilité. Céder à la facilité de monter les esprits contre des producteurs d'œuvres nécessaires à notre vie et à notre survie est grave en ces temps où chacun cherche à s'accrocher à l'espoir ouvert depuis quelques mois.
Le pouvoir continue à incriminer anciens RCDistes et artistes, alors que depuis des mois des «salafistes» (entité obscure, unie par la violence, le chômage et la marginalisation) et beaucoup de faux barbus, sans compter la population criminelle qui prolifère habituellement dans les périodes de troubles, déstabilisent le pays, son économie et son image à l'étranger. Les artistes ont bon dos et l'exposition d'art contemporain d'Al Abdelliya est lâchement raccordée (par hasard?) à une longue suite de troubles qui ont secoué la transition (février 2011, mai 2011, février 2012, mai 2012...).
Les artistes excédés répliquent à un ministre de la Culture qui n'a pas donné un signe en faveur de leur protection. Comme ses collègues, il se défausse sur les citoyens, oubliant que le devoir de protéger est la première responsabilité de l'Etat. L'idéologisation sectaire et dangereuse à laquelle se livrent nos ministres alourdit l'inventaire de leurs impairs et de leur insensibilité face à l'aggravation de la situation. L'intrigant Rached Ghannouchi lance de son côté un appel à une marche pour défendre le «sacré»: un mot d'ordre populiste et assassin. Pourquoi ce chef de parti cède-t-il à cette démagogie alors que le congrès de sa formation se tient à la mi-juillet ? Serait-il en difficulté dans ses rangs? Qu'a-t-il besoin de prouver ?
L'instabilité que l'on vit tient à ces centres multiples, opaques et concurrents. Médias et magistrature pourraient contrebalancer cette multipolarité dangereuse à laquelle les réseaux sociaux ajoutent une intox qui entraîne le gouvernement dans son tourbillon. L'autonomisation des systèmes médiatique et judicaire, entravée par l'exécutif, serait d'un grand secours pour tous.
Le pays a besoin d'accoucher d'une classe politique plus mature, plus consciente des exigences de la transition. Cela demande du temps, un travail souterrain, solide et continu que l'actuelle opposition ne peut pas faire : émiettée, benalienne, et sans programmes, elle est prise dans ses remous de recomposition et use son énergie à «répondre» aux cascades de provocations, arcboutées autour de la laïcité et de la liberté d'expression. Combats essentiels certes mais chronophages et diviseurs, éloignant la classe politique des besoins immédiats d'une société endolorie par des décades d'inégalités et d'injustice sociale. Si les démocrates ont pour eux leur pacifisme et une certaine tenue dans les idées et le comportement, ils n'arrivent ni à se prononcer sur une plate-forme minimum, ni à instaurer une stratégie unifiante, empêtrés dans les processus de scissiparité qui les déchirent.
Face à l'immaturité politicienne, la société montre une certaine santé. Alors que le chômage augmente, que l'ANC s'installe dans un comportement oligarchique (les députés ont demandé une hausse de salaires !) où règnent absentéisme et dialogue de sourds, que le gouvernement est obnubilé par l'accaparement des postes (négligeant un dossier aussi symbolique que celui des victimes de la Révolution), que la roue de la production peine à repartir, que les prix volent, on s'en prend à une paisible exposition d'art contemporain, le dernier jour ! La provocation est relayée par une série de destruction des symboles de l'Etat dans le pays, preuve qu'un feu couvant depuis longtemps a trouvé là une occasion en or et une organisation pour se propager. Le gouvernement se retrouve dans une tourmente alors que certains de ses membres espéraient orchestrer une campagne de plus contre «mécréants» et «laïcs». Conséquence d'un laxisme soutenu face aux précédentes manifestations, le mouvement se retourne maintenant contre l'autorité de l'Etat. La leçon est classique, le bon sens, les militaires et la police la connaissent. Nos gouvernants la découvrent, aux dépens d'un pays apeuré.
Cette semaine coûteuse sur les plans matériels, humains et symboliques signe une déstabilisation du gouvernement et d'Ennahdha en particulier, même si une fois de plus on s'en est pris aux artistes, cibles faciles dans un pays qui doit rompre avec la peur et la lâcheté. La défense des artistes signe le franchissement d'un cap, un ras-le-bol qui s'émancipe: les ministres de l'Intérieur, des Affaires religieuses et de la Culture sont attaqués en justice. On enregistre le même phénomène qui s'est passé face à la crise de l'Université de La Manouba (entre décembre 2011 et mars 2012), celle des médias (après le sit-in de deux mois devant la télévision nationale en mars-avril 2012), des diplômés chômeurs (après la bastonnade du 7 avril 2012), des victimes de la Révolution (maltraités dans les locaux du ministère des Droits de l'Homme), des juges (après les révocations arbitraires de 82 juges en mai 2012) : la société civile se structure, des solidarités se construisent, la prise de parole s'ordonne, les revendications se précisent. Avancées microscopiques certes devant l'arrogance du pouvoir, son silence obstiné et une impuissance inavouée, mais elles marquent le développement de foyers horizontaux plus fermes et plus déterminés alors que le gouvernement, braqué et bloqué, ne cède que devant la menace sécuritaire. Faut-il se réjouir de ces fissures qui rappellent le processus qui a conduit à l'effondrement du système de Ben Ali ? Le couvre-feu est une montée au créneau de l'armée et des cadres du ministère de l'Intérieur, imposé à un ministre hésitant qui a dû se plier aux sirènes d'alarme (comme Ben Ali a dû céder aux conseils de prendre l'avion le 14 janvier 2011 ?).
L'Etat faible et divisé, tangue autour d'une majorité inconsciente et irresponsable, peu encline à poursuivre un processus qui, s'il est mené normalement, verrait les trois partis qui composent sa locomotive devenir aussi insignifiants que leurs adversaires actuels, tellement la société est excédée par leurs politicailleries de farce qui peuvent mener à la tragédie.
L'Ugtt se retrouve en selle pour un rôle d'arbitrage dans cette crise. Nous évitera-t-elle la prochaine ?
* (Universitaire)


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