Le syndicat national des médecins de la santé publique, le syndicat des médecins internes et résidents de Tunisie et l'association des jeunes médecins sont sur le pied de guerre contre la loi n°17 d'avril 2010 que le gouvernement actuel vient de réactiver. Dénonçant une injustice à l'encontre des jeunes médecins, les protestataires ont observé un sit-in, samedi et lundi derniers, devant le siège du ministère de la Santé publique, qui a débouché sur des négociations avec le chef du cabinet ministériel et deux des conseillers du ministre. Les représentants des médecins en sont sortis avec des promesses, mais l'inquiétude persiste face à la multitude des problèmes qui gangrènent le secteur vital et stratégique de la santé publique. De quoi s'agit-il ? La loi en question, amendée en avril 2010 afin de supprimer la dispense du service civil pour les jeunes, garçons et filles, à partir de 28 ans, est jugée par les médecins «anticonstitutionnelle et irrespectueuse des droits de l'homme». Les médecins se sentent particulièrement visés par cette mesure à cause de leurs longues études et considèrent injuste le fait de devoir les interrompre même s'ils certifient que le service national est une obligation et un droit. «Les médecins veulent servir la nation, personne n'est en droit de mettre en doute cela, mais cette loi ne respecte pas l'égalité des chances et des droits entre tous les citoyens», explique le docteur Youssef Zied Elhechmi, président de l'association des jeunes médecins. En remplacement du service militaire, un devoir national, les médecins nouvellement diplômés, comme d'autres diplômés du supérieur, ont la possibilité d'effectuer le service civil d'une durée d'un an dans un des hôpitaux régionaux du pays. Avant son amendement d'avril 2010, la loi n°17 stipulait un certain nombre de critères d'exemption au profit de la jeune mère, de la femme mariée, de l'enfant unique et /ou soutien de famille mais également pour toute personne ayant dépassé l'âge de 28 ans. L'amendement de cette loi, qui a supprimé l'exemption, peut être justifié par les besoins importants et urgents des régions surtout en médecins spécialistes. «Nous en sommes conscients et nous nous engageons à servir le pays, mais cet amendement introduit une forme d'injustice vis-à-vis des jeunes mamans, des femmes mariées et des étudiants eux-mêmes car à 28 ans, un jeune médecin n'a pas encore terminé son cursus hospitalo-universitaire et cet amendement signifie l'interruption de ce cursus ou l'annulation de ses droits à l'exemption», explique le jeune médecin réanimateur, ajoutant à l'occasion que si le service civil est indispensable, il ne représente pas pour autant une solution durable aux problèmes du secteur de la santé publique. Les régions ont besoin de solutions globales et durables Pour les médecins, les problèmes des régions en santé publique sont effectivement importants et multiples et les solutions doivent être globales et durables. Les hôpitaux régionaux ont besoin d'équipes médicales spécialisées, d'équipements appropriés et d'une gestion efficace en mesure de hiérarchiser les priorités et de faire en sorte que l'hôpital ne devienne pas lui-même un danger pour les patients. «Ce sont là des revendications anciennes de la profession mais qui ont été ignorées par le passé, amenant les médecins à démissionner du secteur public et c'est ce qui explique l'absence ou le manque de médecins spécialistes dans les hôpitaux régionaux», ajoute le jeune médecin. Et d'expliquer encore que la simple affectation d'un médecin spécialiste à un hôpital régional ne suffit pas pour garantir des soins de qualité et urgents aux malades, le médecin étant un maillon d'une longue chaîne dont la moindre défaillance est susceptible d'engendrer divers problèmes dont la violence comme cela est le cas depuis le déclenchement de la révolution. Rendez-vous le 4 juillet prochain Les revendications des médecins ne sont pas stériles et un ensemble de recommandations a été proposé aux autorités de tutelle à partir «d'études scientifiques, objectives et rationnelles». Le tout se résume en une stratégie de promotion de la santé publique dans les régions basée sur des mesures à court, moyen et long termes. Les grandes lignes de cette stratégie seraient la sélection de quatre hôpitaux régionaux qui se transformeront en centres hospitaliers pilotes, l'affectation dans ces centres d'équipes médicales entières couvrant toutes les spécialités et l'aménagement des services de soins en équipements adéquats, et au besoin la création de nouveaux services spécialisés là où ils n'existent pas. A ce titre, les médecins proposent que «le service civile ne soit pas un obstacle pour le recrutement effectif des médecins spécialistes dans la santé publique, d'autant qu'un grand nombre des médecins diplômés des facultés de médecine ne sont pas de la capitale et qu'ils veulent retourner dans leurs régions pour y travailler et s'installer». Les médecins, qui tiennent à exprimer leur considération pour les efforts récemment consentis par le ministère de tutelle, suggèrent que la stratégie spécifique aux régions émane d'une concertation étroite entre le ministère, la profession et la société civile spécialisée dans les affaires médicales, et ce, dans le cadre d'une commission mixte qui serait chargée d'étudier tous les problèmes et de proposer des solutions consensuelles. En attendant, les médecins ont proposé que la date du test d'aptitude et de l'affectation pour le service civil prévue du 2 au 10 juillet prochain soit reportée après celle du concours d'assistanat prévue le 12 juillet. Selon le Dr. Elhechmi, les représentants du ministère de la Santé publique ont promis que les contacts nécessaires seront établis avec le ministère de la Défense, concerné lui aussi par la question. De même que le rendez-vous est pris pour le 4 juillet prochain pour la signature de probables nouvelles conventions sur la base des négociations de lundi dernier. Affaire à suivre.