Par Abdelhamid Gmati Les nouvelles mœurs introduites dans la vie politique tunisienne s'implantent et se développent. Partira, partira pas? Il s'agit de M. Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque centrale, démis de ses fonctions par une décision de dépit du président provisoire de la République, outré d'avoir été ignoré dans la décision d'extradition l'ex-Premier ministre libyen. Seulement, cette décision n'est valable que si elle est entérinée par le chef du gouvernement et par la Constituante. Quelques jours plus tard, le Premier ministre s'entretient avec M. Nabli ; puis le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des dossiers économiques annonce que «Mustapha Kamel Nabli restera gouverneur de la BCT et que le président de la République n'a pas eu l'aval du chef du gouvernement pour le limogeage». Un peu plus tard, un communiqué du Premier ministère affirme qu'aucune décision officielle n'a été prise et que la question est à l'étude au sein de la Troïka. Que reproche- t- on à cet honorable personnage ? D'avoir veillé à l'indépendance de l'institution ? Ou, probablement, de veiller à ce que la planche à billets ne fonctionne pas, ce qui déclencherait une inflation horrible et ruinerait l'économie tunisienne. Que penser de ces hésitations et de ces pratiques? Une semaine durant, la classe politique et des représentants de la société civile se sont inquiétés et se sont interrogés sur le bien-fondé d'une décision annoncée par un secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères concernant l'entrée des ressortissants maghrébins en Tunisie qui se ferait sur simple présentation d'une carte d'identité (plus de passeport) et leur accordant un certain nombre d'avantages. Nos voisins algériens, plus sérieux et plus responsables, refusent la réciprocité et se déclarent non concernés par ces mesures. Du coup, notre ministre des Affaires étrangères monte au créneau et dément que de telles mesures aient été prises. Il précise que son secrétaire d'Etat n'a fait qu'exprimer des souhaits, des vœux, et que le sujet sera débattu au cours du prochain sommet maghrébin. Que penser de ces hésitations et de ces volte-face ? Il ne faut pas se méprendre: cette volonté d'ouvrir les frontières tunisiennes existe et est partagée aussi bien par M. Marzouki que par les nahdhaouis. Le premier a récemment déclaré : «La Tunisie n'a aucun avenir en Tunisie...et on va bâtir un nouveau Maghreb, effacer toutes les frontières et les identités... ». Les 3.000 ans de la Tunisie vont apprécier. Le ministre des Affaires étrangères va se présenter prochainement devant l'Assemblée constituante et s'expliquer pour avoir enfreint la loi et offert des privilèges à son beau père, M. Rached Ghannouchi. Celui-ci a reconnu avoir reçu un passeport diplomatique «à l'instar des autres dirigeants des partis tunisiens ». Ceux-ci ont démenti et affirmé n'avoir que des passeports ordinaires. Cela n'a pas empêché le directeur du bureau de M. Ghannouchi de démentir que son chef dispose d'un document diplomatique et de déclarer: «Cette information est dénuée de tout fondement». Le ministre, lui, l'a reconnu, soulignant que «c'est un droit». Selon l'article 11 de l'organisation des pouvoirs publics, le passeport diplomatique n'est délivré que pour des raisons spéciales et imprévues et après l'accord des trois présidents (République, gouvernement, Constituante). Que penser de ces pratiques ? Il s'agit tout simplement d'une danse que pratiquent nos gouvernants depuis qu'ils sont au pouvoir. Le tango argentin où l'on avance d'un pas, puis on recule, pour virevolter, revenir au point de départ, repartir dans une autre direction, improviser ; selon les réactions du partenaire (le peuple, en l'occurrence). Et cela se fait quotidiennement dans tous les domaines. On sait qu'Ennahdha place les siens à des postes importants dans l'administration nationale et régionale, dans les sociétés et agit, quitte à renoncer, selon les réactions. Ainsi en a- t- il été récemment avec la nomination d'un «omda» dans une délégation de Regueb. Devant le refus et la colère des habitants, le nouvel «omda» s'est rétracté affirmant que sa nomination «n'est pas officielle et qu'il n'a rien reçu de l'administration». Et lorsqu'il n'y a aucune réaction négative, on fait comme si de rien n'était. Ainsi en est-il de la pièce de théâtre Bourguiba, dernière prison censurée aux festivals de Hammamet et de Sfax. Pourtant les contrats étaient signés et les dates de représentation fixées. Le directeur du festival de Hammamet, Fathi Haddaoui, pourtant homme de théâtre, élude la question et n'explique pas son revirement. Au ministère de la Culture, on se décharge de toute responsabilité. Pourtant, la pièce est jouée depuis six mois dans plusieurs villes et connaît un grand succès. Sur les réseaux sociaux, on condamne ce retour à la censure. Il est vrai qu'Ennahdha hait Bourguiba et aimerait bien effacer de grandes parties de l'Histoire de la Tunisie. Il est à craindre pour les gouvernants que le bon peuple tunisien ne soit pas en phase et refuse certaines mesures de ce tango et qu'on lui préfère le bon vieux mezoued, bien tunisien.