Comment réagissez-vous à l'annonce faite par Cheikh Rached Ghannouchi, président du mouvement Ennahdha, concernant l'élargissement de la coalition gouvernementale, à l'issue du 9e congrès du mouvement, décision qui a été entérinée et confirmée par Hamadi Jebali, chef du gouvernement, dans une déclaration à une radio privée tunisienne ? Si votre parti est invité à prendre part à la prochaine coalition gouvernementale, quelle sera votre réponse ? Voilà les deux questions que La Presse a posées à certains représentants des partis politiques de l'opposition, parmi ceux qui disposent de sièges à l'Assemblée nationale constituante et aussi parmi ceux qui ne sont pas représentés au palais du Bardo. Une décision du ressort du chef du gouvernement Abdelwaheb Hani, président du parti Al Majd, souligne : «Pour ce qui est de la forme, nous pensons que le président du parti au pouvoir Rached Ghannouchi qui n'a aucune fonction officielle a outrepassé ses prérogatives et s'est immiscé dans l'action du gouvernement en annonçant un remaniement ministériel imminent. Nous sommes d'avis qu'au sein du congrès d'Ennahdha, il y a eu des dissensions, des critiques de l'action gouvernementale et l'absence de compétence et d'expérience de certains ministres. Le cas le plus emblématique est l'échec de Lotfi Zitoun, l'un des faucons du mouvement, qui a ramassé tout juste 17 voix sur plus d'un millier de congressistes, en se portant candidat à la présidence du congrès, ce qui témoigne de l'absence totale de la légitimité de ce conseiller et de certains ministres. Il est donc tout à fait normal que le congrès en tire les conclusions. Nous pensons qu'il revient au chef du gouvernement d'agir en homme d'Etat et de mener les consultations avec les acteurs du paysage politique national en vue d'opérer un remaniement qui s'avère des plus nécessaires. A El Majd, nous avons appelé, à plusieurs reprises, à un remaniement en vue d'élargir la base du consensus politique et de remplacer les ministres et les conseillers incompétents. Le remaniement attendu doit toucher également les conseillers défaillants du cabinet présidentiel !». Quant à une participation au prochain gouvernement élargi, Abdelwaheb Hani précise que «le parti Al Majd tend toujours la main à tous les partenaires politiques dans l'objectif de réussir la transition démocratique. Nous ne cherchons pas à occuper des postes ministériels, mais à proposer des alternatives et des solutions à même de dépasser la crise actuelle. Nous sommes ouverts à la discussion, nous avons des propositions à faire et nous attendons que le gouvernement prenne l'initiative de nous consulter à l'instar des autres partis politiques». Un aveu d'échec Quant au Pr Abdeljelil Bédoui, vice-président d'Al Massar (la voie démocratique et sociale), il considère que l'annonce par Rached Ghannouchi de l'élargissement de la coalition gouvernementale constitue «un aveu d'échec de la Troïka. Ennahdha a, en effet, montré son incapacité à respecter ses alliés du CPR et d'Ettakatol. Je vois mal d'autres partis accepter d'être traités d'une manière aussi humiliante. Pour participer à un gouvernement élargi, il ne s'agit pas de jouer le rôle de simple figurant, mais d'être efficace et de faire montre de volonté de servir l'intérêt général. Malheureusement, le gouvernement actuel est préoccupé par les échéances électorales. L'appel de Ghannouchi vient trop tard et l'expérience de la Troïka n'encourage pas les bonnes volontés à participer à un gouvernement. Quant à El Massar, je ne le vois pas répondre par l'affirmative, au cas où Ennahdha l'appellerait à se joindre à la prochaine coalition. Le message de Ghannouchi Issam Chebbi, membre du bureau exécutif du parti Al-Joumhouri, estime que l'annonce d'un remaniement ministériel, à l'issue des travaux du 9e congrès d'Ennahdha, «traduit l'interpénétration entre le parti dominant de la coalition gouvernementale et les institutions de l'Etat. Si Cheikh Rached Ghannouchi a le droit d'appeler à un remaniement ministériel ou d'évaluer le rendement du gouvernement, il n'a, en aucune manière, le droit d'annoncer à la presse un remaniement de l'équipe gouvernementale en place. Une telle annonce fait partie des attributions du chef du gouvernement. Peut-être Ghannouchi voulait-il adresser un message à la classe politique nationale lui signifiant qu'il est l'homme fort du régime et le détenteur effectif du pouvoir. Je ne pense pas qu'un tel message est à même de renforcer la confiance des Tunisiens dans le gouvernement de la Troïka. Il révèle, plutôt, que ce gouvernement dit de coalition est, en réalité, sous la coupe d'un appareil relevant d'un parti dominant et d'un leader qui n'occupe aucune fonction officielle». Toutefois, le parti Al-Joumhouri est disposé à participer à la consultation au cas où il serait invité à faire partie d'un gouvernement élargi. «Nous demanderons, souligne Issam Chebbi, d'ajuster le programme du gouvernement avant de réviser sa composition. Et même si nous rejoignons la vision de beaucoup de militants de la base d'Ennahdha à propos de l'échec de certains ministres qui n'ont pas été à la hauteur de la confiance qui leur a été accordée, nous sommes partisans d'une vision plus profonde et globale qui va au cœur des problèmes en vue de résoudre les situations les plus difficiles. Nous considérons que la solution ne réside pas dans l'élargissement de l'assise du pouvoir mais plutôt dans le changement du système de gouvernance et la mise au point d'un programme de salut dont la conduite sera assurée par une équipe de compétences nationales bénéficiant du soutien de toutes les sensibilités politiques».