La feuille de route proposée par le président de la République concernant l'achèvement de la rédaction de la Constitution en octobre 2012, l'adoption, en janvier 2013 du contrat social, l'organisation des élections générales en mars 2013 et des élections municipale au cours de l'été 2013 est-elle réalisable ? Comment saisissez-vous l'appel présidentiel «à associer d'autres partis politiques à la prise de décision et vous-a-t-il proposé quand il vous a rencontré en début de semaine l'éventualité de faire partie d'un probable gouvernement d'union nationale ? A l'issue de l'intervention télévisée, vendredi soir, du Dr Moncef Marzouki, président de la République, La Presse a donné la parole à certains représentants des partis politiques qu'ils soient présents au sein de l'Assemblée nationale constituante ou qu'ils n'y aient pas de sièges. Réactions. Issam Chebbi, membre du bureau exécutif du parti Al Joumhouri Un discours qui intervient trop tard Je ne pense pas que cette feuille de route ait apporté du nouveau. Tous les Tunisiens ont déjà convenu d'une feuille de route qui comprend, au moins, la date d'achèvement de la rédaction de la Constitution et de l'organisation des élections ainsi que le consensus sur la création d'une instance indépendante pour les élections et la promulgation d'un nouveau code électoral. Nous considérons que le discours présidentiel est venu très tard, le chef de l'Etat devait intervenir dans le feu de la crise qui a failli faire tomber le gouvernement. On ne s'attendait pas à ce qu'il passe en revue les indicateurs de l'étape, mais à ce qu'il avance, plutôt, des propositions concrètes et à ce qu'il nous propose un calendrier clair et précis pour le débat national dont notre pays a, aujourd'hui, plus que jamais besoin. Ce débat national, sérieux et approfondi, devrait aboutir, à la mise en place d'une feuille de route en vue de la gestion de la période qui reste de la deuxième phase de la transition démocratique. D'autre part, je voudrais faire remarquer que pour la première fois, l'un des alliés principaux de la Troïka ne fait pas assumer à l'opposition la responsabilité de la crise que vit le gouvernement et reconnaît que la solution de cette même crise ne peut être trouvée qu'à travers un dialogue entre ceux qui gouvernent actuellement et le reste des forces nationales. Malheureusement, en réaffirmant sa position concernant la révocation de M. Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque Centrale, le Dr Marzouki confirme que la crise perdure toujours au sein de la Troïka et que le bras de fer entre les deux têtes de l'exécutif se poursuit. Au parti Al Joumhouri, nous considérons que la résolution de la crise au sein de la Troïka n'est plus suffisante et nous appelons à l'organisation, sans plus tarder, d'un débat national sur la meilleure stratégie à mettre au point en vue de réussir la transition démocratique. L'appel du Dr Marzouki à associer d'autres partis politiques à la prise de décision montre que la prochaine étape commande le consensus et que la légitimité électorale de la Troïka doit être renforcée par une légitimité consensuelle garantissant la stabilité du pays et le succès de sa migration vers la démocratie. Abdelwaheb Hani, président du Parti Al Majd La légitimité consensuelle à la rescousse de la légitimité électorale Sur le plan de la forme, nous aurions souhaité que cette feuille de route soit annoncée à l'issue d'une concertation nationale réunissant les partenaires politiques et sociaux, pour rompre avec les décisions qui viennent d'en haut, aussi justes soient-elles. Il nous faut aujourd'hui une appropriation collective d'une vraie feuille de route nationale qui nous permettra de réussir la deuxième phase de la transition. Les annonces faites par le Dr Marzouki confirment ce qui a été déjà avancé par le chef du gouvernement et le président de la Constituante. Une telle réaffirmation ne peut être que bénéfique. Nous aurions souhaité que le chef de l'Etat tire les conclusions de la récente crise institutionnelle qui a failli faire éclater la Troïka. Quant à son appel à élargir la participation à la prise de décision, il est très positif et il confirme les appels répétés d'Al Majd et d'autres partenaires politiques à consolider la légitimité électorale par une légitimité consensuelle et à élargir la base politique de l'alliance gouvernementale, ce qui veut dire la fin de la Troïka et le début d'une phase plus consensuelle et plus large que l'actuelle coalition. A El Majd, nos mains sont tendues et nos cœurs sont ouverts pour examiner avec les trois présidences la définition de nouvelles relations politiques dans l'intérêt de la Tunisie. Mohamed Brahmi, secrétaire général du mouvement Achaâb Non aux décisions unilatérales Je voudrais exprimer mon inquiétude de voir le président de la République décider, unilatéralement, d'une feuille de route qui intéresse l'ensemble des Tunisiens et des Tunisiennes. Pour ce qui est des élections, c'est bien l'Instance supérieure indépendante des élections qui fixe leur date, encore faut-il que cette instance soit mise en place, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Quant à la date d'achèvement de la rédaction de la Constitution, elle revient exclusivement à la Constituante qui a la charge de ce dossier. Les élections municipales relèvent de la compétence du prochain gouvernement qui sera issu des prochaines élections générales et qui sera élu à la lumière d'un code électoral qui n'a pas été encore voté par l'ANC. D'autre part, ni le président de la République, ni le chef du gouvernement et ni aussi le président de l'ANC n'ont le droit, à titre individuel ou d'un commun accord, de décider d'une feuille de route dont il ne possèdent pas les détails. La crise actuelle au sein de la Troïka qui ne constitue que l'un des clignotants de la crise complexe que vit la Tunisie commande, en effet, l'association de l'ensemble des Tunisiens ainsi que la nécessité de tirer profit de leur intelligence collective afin de gérer leurs affaires et de décider de leur sort. Ce choix ne peut être appliqué que dans le cadre d'un consensus national dont l'objectif est de réaliser les objectif de la Révolution. Au mouvement Achaâb, nous avons toujours appelé à la mise en place d'un programme de salut national, à travers un dialogue national sérieux et responsable. Ce dialogue devrait se dérouler sous la supervision de forces patriotiques qui laisseraient leurs engagements partisans, en dehors de la salle où ce dialogue aura lieu. Pour qui est de la constitution d'un gouvernement d'union nationale, nous sommes convaincus au mouvement Achaâb que c'est une solution de replatrage. D'ailleurs, nous n'avons pas évoqué cette question lors de notre rencontre avec le président de la République. Notre position est claire : nous ne participerons à aucun gouvernement que sur la base d'un programme de salut national clair et précis.