«Estimation des coûts et des avantages de la mise en œuvre de Bâle III dans les économies émergentes nord-africaines: application à l'Egypte et à la Tunisie», tel est l'intitulé d'une étude récemment publiée par la Banque africaine de développement (BAD). Le choix d'approfondir cette question a été dicté par un ensemble de facteurs et notamment par la conjoncture politique et économique particulière qui caractérise ces pays. On note, à ce propos, que la transition politique qui s'est opérée dans ces pays ouvrirait la voie à des réformes. L'étude met en avant les surcoûts liés à la crise financière mondiale et que des pays tels que la Tunisie et l'Egypte devraient supporter. On souligne, ainsi, qu'outre les montants considérables nécessaires au redressement de leurs économies dévastées, ces deux pays devront faire face aux nouvelles normes définies par le comité de Bâle sur le contrôle bancaire. L'étude rappelle, dans ce même ordre d'idées, que c'est dans le sillage de la débâcle financière que la communauté internationale s'est accordée sur la nécessité de mettre en place des normes pertinentes intitulées «Bâle III» afin de régir la solidité des institutions financières à l'échelle mondiale. L'étude pose un ensemble de questions dont celles de savoir si un cadre uniforme de règles serait contraignant et coûteux pour les économies émergentes, si ces règles primordiales sont nécessaires pour les pays émergents comme l'Egype et la Tunisie qui ont déjà entrepris des réformes bancaires globales et si ces exigences sont essentielles pour des pays dont l'ensemble du secteur financier est globalement superficiel et non exposé à d'importants risques de marché. Ainsi l'étude se fixe comme objectif d'établir si les règles de Bâle III sont draconiennes ou indispensables pour les secteurs bancaires égyptien et tunisien, alors que ces deux pays sont engagés dans un processus de redéfinition de leur cadre institutionnel dicté par la transition politique qu'ils ont connue. Cette analyse est également nécessaire, précise-t-on encore, dans la mesure où la conformité aux normes de Bâle III est l'une des conditions requises pour l'augmentation de la notation de crédit des économies concernées. L'étude revient ainsi sur les réformes bancaires engagées durant les dernières années par l'Egypte et la Tunisie et sur l'efficacité de ces réformes pour préserver ces économies des effets de la crise financière mondiale. Il ressort de cette analyse que les instances de réglementation de la plupart des marchés émergents dont l'Egypte et la Tunisie ont fait des progrès en matière de réforme de leur secteur bancaire afin de les préparer convenablement à la mise en œuvre en temps voulu des règles de Bâle III. L'étude rapporte, en outre, que les économies émergentes ont essentiellement reproché au comité de Bâle le fait que les régulateurs mondiaux ont négligé les circonstances qui les caractérisent. Ainsi la pondération élevée du risque attribuée à la dette bancaire émergente à long terme a favorisé les transactions de capitaux fébriles, ce qui a provoqué une hémorragie de capitaux en devises et placé certains pays au bord de l'effondrement financier. Par ailleurs, la surestimation des risques des crédits commerciaux et souverains pour les économies émergentes a entraîné une revalorisation des coûts d'intermédiation et a nettement réduit le ratio crédits/ dépôts dans les pays émergents. Le dispositif de Bâle III intègre, lui, des exigences prudentielles de fonds propres. Il couvre, en effet, des aspects micro-prudentiels et macro-prudentiels et détermine des fonds propres de qualité supérieure de même qu'une couverture de risque plus étendue. Ainsi le nouvel accord de Bâle sur les fonds propres repose sur trois piliers, à savoir des exigences de fonds propres minimales, une surveillance prudentielle des risques et une discipline de marché. Lors de son sommet tenu en novembre 2010, le G20 a recommandé au comité de Bâle d'évaluer l'impact des dispositifs réglementaires notamment pour les pays à faible revenus, d'autant plus que les réglementations, qui doivent être prochainement mises en œuvre pourraient diminuer le rythme d'expansion du PIB. L'étude qui vise à établir une simulation de l'impact de l'accord de Bâle III sur les économies de la Tunisie et de l'Egypte révèle que l'Egypte sera moins touchée que la Tunisie , ce qui s'explique par un secteur bancaire bien préparé pour respecter l'adéquation des fonds propres, constat qui souligne le fait que les politiques applicables à tous ne sont pas pertinentes et notamment que l'accroissement des fonds propres et le renforcement des agences de surveillance dans le cadre de Bâle II n'ont ni amélioré l'efficacité de l'intermédiation bancaire ni réduit la corruption liée aux activités de prêts. L'enquête réalisée dans le cadre de cette étude montre, en outre, que les règles de Bâle devraient entraîner trois impacts indésirables: la capacité à lever plus de fonds propres diminuera significativement la rentabilité des banques, la restriction du financement interbancaire qui en découle entraînera des épisodes sporadiques de resserrement des liquidités et la contraction et/ ou la fermeture de certaines activités commerciales pourraient pousser les clients institutionnels et particuliers à reporter leur recherche de risque du marché vers le système financier parallèle non réglementé. L'étude révèle par ailleurs qu'en cas d'incapacité de l'Egypte et de la Tunisie à respecter les exigences coûteuses de cet accord, la notation de leur dette souveraine serait sérieusement menacée de dégradation.