La Constituante est le siège de débats très animés, parfois violents, et tout indique que cette tendance va s'accentuer au cours des prochaines semaines, décisives pour la finalisation de la Constitution. L'un des sujets les plus délicats et les plus importants a été tranché par la commission droits et libertés, le lundi 30 juillet, et dans un sens libéral. Soumis au vote des membres de la commission, les articles ayant trait aux libertés d'expression et de création ont été votés par 11 voix contre 10. Des libertés que le futur texte fondamental sera appelé à garantir et à protéger, selon cette mouture qui ne deviendra officielle que lors du vote final en plénière. C'est ce que nous confirme Salma Baccar, vice-présidente de cette commission qui annonce fièrement que la question a été «magnifiquement tranchée dans le bons sens et pour la première fois». D'après la cinéaste convertie en tenace constituante du parti d'opposition El Massar, «nous n'avons rien laissé au hasard, la liberté de penser, d'expression, des médias et de création est garantie sans aucune limite. La pratique ne pouvant être limitée que par une loi qui définit et qui protège les droits, la dignité et la santé, et la sécurité de l'autre. Nous avons aboli toute forme de censure préalable sur aucune production médiatique et aucun acte de création et nous avons garanti les droits d'auteur». L'instance des élections, le grand chantier qui vient de s'ouvrir Si le Bloc démocratique a gagné cette bataille, plusieurs autres fronts sont ouverts dans cette semaine décisive avant les vacances parlementaires annoncées pour le 6 août. Cela est vrai pour le projet de loi portant organisation de l'instance des élections. Le projet de texte gouvernemental, présenté à l'ANC et expliqué dans notre édition d'hier, consacre selon les observateurs et plusieurs acteurs concernés par la question l'hégémonie des partis majoritaires sur l'instance des élections. Ce qui a poussé Ahmed Néjib Chebbi, président du haut comité politique du parti Al Joumhouri, à envoyer un message clair aux trois présidents de la Troïka: «Vous ne pouvez pas être juges et parties et décider entre vous de la personne du chef de l'instance». Interrogé par La Presse, le chef de file de l'opposition explique sa position. Ahmed Nejib Chebbi: «La validation par l'Assemblée constituante du chef de l'instance des élections est un simulacre» S'exprimant sur le projet de loi gouvernemental portant organisation de l'instance des élections, M.Chebbi nous déclare que la légitimité issue des élections du 23 octobre peut fonder la constitution d'un gouvernement mais ne peut pas fonder la nomination d'une instance qui va superviser les prochaines élections. La Troïka n'est pas une force neutre, explique-t-il, dans cette compétition électorale. Elle est partie et ne peut pas en même temps être juge, estime-t-il. Le constituant du Parti républicain affirme posément et avec insistance qu'il ne peut revenir aux trois présidents de nommer le chef de l'Instance. Mais qu'il faudrait trouver une procédure qui permette l'élection ou le choix d'un président de cette instance dans «la transparence la plus absolue et la neutralité la plus grande». En insistant sur le fait que les trois présidents sont dépositaires du pouvoir légitime au vu des dernières élections, «mais il est non moins vrai qu'ils sont des candidats potentiels aux prochaines élections et ne peuvent en aucun cas être juges et parties». M.Chebbi ajoute que la validation par l'Assemblée du choix des trois présidents n'est qu'un simulacre, à cause du rapport de force que l'on sait. «Les magistrats étaient soumis à la volonté du prince» Invité à s'exprimer sur l'instance de la justice, M.Chebbi rappelle l'expérience malencontreuse qu'avait eue la Tunisie pendant 50 ans où les magistrats étaient soumis au pouvoir de l'exécutif, qu'ils pouvaient être déplacés arbitrairement, leur avancement professionnel pouvait être bloqué, ils pouvaient être transférés devant le conseil de discipline sans raison valable et cela dépendait de la volonté du prince. Il me semble insensé et impensable, déclare-t-il, que l'on puisse remettre en cause l'indépendance du magistrat. Notre interlocuteur met en avant la meilleure formule qui consacrerait l'autonomie et l'indépendance de cette instance de la justice, à travers la composition de son corps. Par exemple, explique-t-il, si le corps de l'instance est nommé pour moitié et élu pour moitié, il assurerait moins son indépendance que s'il était élu majoritairement aux deux tiers. Il est clair qu'avant la remise du draft de la Constitution par les six commissions comme il a été annoncé avant le 6 août, les batailles seront rudes pour consacrer ce que chaque camp croit être les valeurs démocratiques.