• Aucune décision concrète concernant la Constitution, les élections et les instances nationales Quelle lecture faites-vous des discours prononcés par les trois présidents, Marzouki, Jebali et Ben Jaâfar, à l'occasion de la célébration, hier, de la fête de la République? Avez-vous le sentiment que les dissensions qui traversent la Troïka, depuis quelques semaines, persistent toujours? Considérez-vous que la Troïka a raté, encore une fois, l'occasion de définir une feuille de route claire et concise à même d'accélérer la 2e phase de la transition démocratique par aboutir aux élections générales tant attendues par les Tunisiens ? Ce sont là les questions que La Presse a posées à quelques-uns parmi les responsables des partis politiques tunisiens qui siègent à la Constituante ou ceux qui n'y disposent pas de représentants. Rien n'a été tiré au clair Maher Hanine, membre du bureau exécutif du parti Al-Joumhouri, pense que « les dissensions au sein de la Troïka sont on ne peut plus claires et apparentes. L'affaire de la désignation du Pr Chédli Ayari au poste de gouverneur de la Banque centrale a montré qu'il existe un véritable désaccord politique au sein de l'Alliance au pouvoir. Le choix d'un ancien symbole du RCD pour occuper un poste aussi important a discrédité la Troïka. D'autre part, je pense qu'on n'est pas dans un Etat qui porte un discours clair sur la date des élections. De plus, on ignore tout sur la loi électorale et sur quelle base seront organisées les prochaines élections. On ne sait pas encore si ces élections concerneront un régime parlementaire ou un régime semi-présidentiel. Et l'Instance supérieure indépendante des élections qui est censée organiser cette échéance n'a pas encore vu le jour. Le gouvernement prend toujours son temps pour présenter un projet à l'ANC concernant la création de cette même instance. Pour moi, rien n'a été tiré au clair et les discours prononcés, hier, constituent des discours de circonstance dans le seul but de marquer tout simplement une présence médiatique». Quant à Hichem Hosni, constituant et fondateur du Parti de la lutte progressiste, il est convaincu qu'il est devenu, aujourd'hui, certain que «la future constitution sera soumise à un référendum, eu égard au fait qu'Ennahdha campe sur ses positions concernant le choix du régime parlementaire alors que les autres composantes de l'ANC sont pour le régime semi-présidentiel. Ainsi, avec le référendum, il devient impossible, sur le plan technique et logistique, d'organiser des élections générales au cours du printemps 2013, que ce soit le 20 mars ou en juin de l'année prochaine. Quant à la Troïka, je pense qu'elle est devenue fragile à la lumière des divisions et des divergences entre ses membres et qui ont éclaté au grand jour, mardi 24 juillet, lors du vote pour le choix de Chédli Ayari au poste de gouverneur de la Banque centrale où seuls 76 constituants nahdhaouis, 10 membres d'Ettakatol et deux du CPR ont cautionné le choix du gouvernement, le reste des votants étant des constituants indépendants. Pour ce qui est de l'attachement d'Ennahdha au régime parlementaire, je pense que c'est une carte politique que le mouvement est en train de jouer pour gagner du temps dans l'attente du moment où Rached Ghannouchi tranchera et imposera le régime parlementaire régulé». Des spéculations politiciennes De son côté, Azad Badi, constituant appartenant au mouvement Wafa (dissident du CPR), est persuadé que «les élections générales ne peuvent plus être organisées au cours du printemps 2013, puisqu'il est devenu impossible, au plan technique, qu'elles se tiennent dans ce délai. Les spécialistes s'accordent à dire qu'il faut au moins huit mois pour organiser de telles élections. Malheureusement, le gouvernement n'a pas encore soumis de projet concernant la création de l'Instance qui gérera les élections. En écoutant les discours de Marzouki, Jebali et Ben Jaâfar, j'ai le sentiment qu'il n'y a plus de Troïka et que chacun d'eux fait sa propre campagne électorale avant terme. Quant au passage en revue par Jebali des réalisations accomplies par son gouvernement, je pense que le moment ne s'y prêtait pas». Des erreurs, rien que des erreurs Ridha Belhaj, porte-parole de Nida Tounès, souligne que la situation actuelle «est la résultante des erreurs accumulées par le gouvernement qui a refusé, dès sa constitution, de mettre au point une feuille de route claire et précise. Nous avons déjà tiré la sonnette d'alarme dans notre déclaration en date du 26 janvier 2012. Malheureusement, nous n'avons pas été écoutés à temps et le retard accumulé est devenu, aujourd'hui, difficile à gérer. Aujourd'hui, la Troïka, et plus particulièrement Ennahdha, se trouve obligée, sous la pression des autres composantes du paysage politique national, de définir des dates qu'il est nécessaire de respecter à tout prix. Pour ce qui est du délai de la rédaction de la Constitution, Nida Tounès maintient toujours sa position et si l'on est obligé de dépasser l'accord convenu, soit le 23 octobre prochain, nous appelons à ce que le prolongement du délai soit le fruit d'un consensus national, sur la base d'une décision qui serait prise par la prochaine Isie». L'impératif de respecter les échéances fixées Les allocutions prononcées, hier, par les trois présidents, à l'occasion du 55e anniversaire de la proclamation de la République, ont suscité des réactions divergentes. Certains constituants et personnalités nationales ont estimé que ces allocutions sont généralement harmonieuses, alors que d'autres voient qu'elles viennent consacrer la politique de tergiversation et d'atermoiement face aux exigences de l'étape et plus particulièrement des prochaines élections. Le président du groupe Ettakatol, Mouldi Riahi, a estimé que les allocutions des trois présidents sont «complémentaires». Selon la constituante Samia Abbou (CPR), le président de la République provisoire Moncef Marzouki a, dans son allocution, parlé largement de la fête de la République, alors que le chef du gouvernement et le président de l'Assemblée nationale constituante n'ont pas évoqué cette question. Quant au secrétaire général de l'Ugtt, Houcine Abassi, il a estimé que les allocutions des trois présidents sont de bon augure, mettant l'accent sur l'impératif de respecter les échéances fixées dont la réalisation est tributaire de la promulgation d'une loi organisant l'Instance supérieure indépendante pour les élections. Plusieurs constituants du groupe démocratique étaient absents à cette séance, tels que Ahmed Néjib Chébbi, Issam Chebbi, Maya Jéribi et Iyad Dahmani. Ils protestaient contre la nomination de Chedli Ayari, l'un des symboles de l'ancien régime, à la tête de la Banque centrale de Tunisie (BCT), précise un représentant du groupe.