A beaucoup d'égards, le passage de Najet Attia au festival de la Médina aura fait l'événement. Le nom le justifiait, à coup sûr. Malgré ses apparitions espacées, Najet Attia demeure très populaire. Le public adulte adore sa voix, et le personnage, au charisme juvénile, plaît visiblement aux nouvelles générations. Mais ce passage, force est de l'admettre, a été précédé, aussi, d'une campagne publicitaire et médiatique a nulle autre pareille cet été. Enorme «battage», tous azimuts, grosses affiches en ville, mobilisation de la presse écrite, des télévisions, des radios. Et a «compte d'auteur» sans aucun doute. Les moyens, seuls, du festival de la Médina ne l'auraient pas permis. L'artiste, en plus, a un peu rêvé la place, la veille, en «épinglant», sur «Mosaïque F.M», quelques-un de ses collègues. Cela n'était probablement pas de bon ton, ni de la meilleure éthique, il n'empêche , la polémique ajoute toujours à l'attraction. Au final, la bonbonnière grouillait de monde, samedi soir — peut-être pas le record — mais le public des grandes occasions, des caméras et des équipes «télé» partout, sans compter le personnel à l'entrée pour vous offrir, gratis, photos et copies du tout dernier Sans chercher si ce gros coup de «com» a été concocté «à la régulière» (les organisateurs, semble-t-il, y avaient beaucoup à redire). Une remarque s'impose à nous, plutôt positive... démonstration a été faite, ainsi, que lorsqu'on s'y met vraiment pour ébruiter les sorties de nos chanteurs, les Tunisiens répondent logiquement à l'appel. Le message s'adresse tout particulièrement à nos grands festivals publics et au ministère de la Culture qui rechignent toujours aux dépenses publicitaires dès qu'il s'agit de participation locale. Un triomphe, pas d'autre mot Côté musique maintenant : la prestation de Najet Attia, ce samedi, a-t-elle égalé l'impressionnante présentation qui l'a précédée et entourée? Aucune réserve si l'on se fie à la réaction de l'assistance. Ce fut un triomphe, il n'y a pas d'autre mot. Les «kalthoumiats» proposées en début de concert, «Fat el miâd», «Ya dhalemni», l'extrait épilogue d'«El Atlal» entre autres ont secoué le théâtre. Une onde de choc ! La chanteuse a été bissée, applaudie à tout rompre. En fin de partie, toute la salle saluait debout. L'idée de commencer par les «kalthoumiats» a dû prendre. Les deux chansons qui ont suivi («Maa inni sibtou» et «Daïman ana», «transfuges» d'un séjour égyptien), encore que moins connues et d'un style plus moderne, ont été bien accueillies. L'atmosphère était devenue propice. Courtes et pimentées mélodies du folklore djerbien (l'inspiration natale) puis le rappel aux succès de répertoire des années 80 «Ach dirtilak», «Chemss annahar» et autres, tout passait, scène et public en totale fusion. Rarement, cette année, on aura vu le public tunisien vibrer à ce point pour l'un de ses chanteurs pas de doute : Najet Attia est bien là, toujours là. Les interruptions fréquentes, les apparitions espacées, n'ont décidément pas eu les effets que nombre de mélomanes et de critiques redoutaient. Surplus d'efforts... D'autant plus remarquable qu'en termes de voix et de chants, on n'aura pas eu non plus à se plaindre. Loin s'en fallait. On a retrouvé le beau timbre, velouté, limpide des meilleures périodes de la chanteuse. De même que ses belles nuances chaudes et ses fines et toujours mesurées ornementations. Beaucoup de simplicité chez Najet, la simplicité est la porte d'accès à la saveur et à l'émotion dans le chant. Aucune surcharge, aucun gruppetto inutile, c'est la marque des bons interprètes. Curieusement, néanmoins, ces belles qualités étaient plus perceptibles dans les chansons personnelles, dans les compositions «courtes» que dans les «tarabiats» de Oum Kalthoum. Sur ce point, on n'était pas tout à fait d'accord avec le public. En ce moment précis de sa carrière, au moment où le registre vocal diminue naturellement, où la tonalité ne peut plus atteindre certaines hauteurs, il n'était peut-être pas très indiqué pour elle d'aligner coup sur coup, quatre chansons aussi complexe, et d'un aussi long souffle que celles de Oum Kalthoum. C'était une gageure, improbable dans ces conditions. Même si l'émotion passe, même si le plaisir y est, techniquement, on allait dire artistiquement, tôt ou tard, le surplus d'efforts se fait sentir. Ce n'était pas une obligation. Une, à la limite deux chansons ardues de la Diva, auraient parfaitement suffi pour preuve supplémentaire : les difficultés ont disparu aussitôt que Najet Attia s'est attaquée aux gammes plus fluides et plus aisée de ses chansons de répertoire. Aujourd'hui, à notre humble avis, c'est ce qui lui convient le mieux. C'est ce qui la maintient le plus dans son meilleur niveau d'interprète. C'est ce qui épouse le mieux sa voix, qui permet à celle-ci de s'exprimer dans ses qualités réelles et entières. Juste cette petite remarque (à prendre pour ce qu'elle vaut, on peut se tromper) mais pour l'essentiel, pour tout le reste, on insiste : Najet Attia nous a gratifiés d'une excellente soirée de chant.