Le retour en force du phénomène de la contrebande des produits pétroliers y est pour quelque chose «Si la situation ne venait pas à être régularisée au lendemain de l'Aïd, la grève deviendrait inévitablement un mal nécessaire», nous confie M. Mustapha Tekaya, trésorier et porte-parole de la Chambre des propriétaires des stations-services relevant de l'Utica. Et d'expliquer: «Il y a quelques mois, notre grève a été reportée in extremis suite aux promesses des autorités compétentes d'anéantir le phénomène, alors à son comble, de la contrebande des produits pétroliers. Or, entre les mots et les actes, le fossé s'est avéré grand, étant donné que ledit phénomène a récemment repris de plus belle après une légère accalmie». Réseaux incontrôlables ? Plus qu'une simple menace de grève, il s'agit là d'une nette expression de dépit mêlé d'exaspération. «Il est malheureux de constater, s'indigne notre interlocuteur, que les trafiquants des produits pétroliers qu'on croyait rentrés dans les rangs sont revenus à la charge, avec curieusement une omniprésence plus remarquable aussi bien dans les villes qu'au bord des routes. Là où les bidons d'essence et de gasoil exposés anarchiquement sont redevenus plus nombreux que par le passé, défiant police, garde nationale et douane. Avouez que trop c'est trop». Evidemment, ce come-back tonitruant des revendeurs clandestins ne peut que porter un coup dur au secteur dont les professionnels évoquent, à l'unisson, un manque à gagner de plus en plus lourd, les consommateurs préférant, bien sûr, s'approvisionner auprès des contrebandiers offrant des prix plus bas, parce que tout simplement ils ont tout à gagner, rien à perdre. «Les trafiquants qui sont devenus notre bête noire n'ont ni taxes à payer, ni dettes à honorer, ni d'autres charges à subir. C'est pourquoi ils s'en donnent à cœur joie, motivés en cela par cette impensable impunité dont ils bénéficient», déclare le propriétaire d'une station-service basée du côté de Ben Arous, qui assure que «notre malheur qui perdure vient de nos frontières avec la Libye et l'Algérie où les réseaux de contrebande, de mieux en mieux structurés, continuent de faire la loi et sont devenus pratiquement incontrôlables». Pour ses victimes, la contrebande tire sa force de la collaboration étroite entre les trafiquants des trois pays, particulièrement dans «le triangle Jendouba-Le Kef-Kasserine» dont les régions montagneuses et les pistes abandonnées constituent un terrain de prédilection pour les passeurs. Parmi ceux-ci, on compte des agriculteurs, des bergers et, bien entendu, des repris de justice et des chômeurs qui, la baisse de vigilance sécuritaire aidant, ont fait de ce boulot leur gagne-pain aux recettes sûres et tentantes. Avant qu'il ne soit trop tard Dès lors, la question est posée de savoir si cette crise sera désamorcée, s'agissant assurément d'une véritable bombe à retardement. Il est vrai qu'une grève des stations-services serait le pire des scénarios pour tous les automobilistes du pays. «Notez bien que nous ferons tout pour éviter l'escalade», tempère M. Mustapha Tekaya qui demeure néanmoins persuadé que «la balle est désormais dans le camp du gouvernement qui est appelé à réagir d'urgence, en prenant le taureau par les cornes, avant qu'il ne soit trop tard». Pourvu que ce carton jaune ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd.