Par Riadh JEMAA* Monsieur le Premier ministre, Après le 14 janvier, une grande anarchie s'est installée dans le pays et nous avons assisté à des débordements qui ont touché tous les domaines et secteurs. Il est inadmissible et inacceptable qu'après les élections du 23 octobre et la formation du nouveau gouvernement qu'aucune action sérieuse n'ait été entreprise pour mettre fin à cette anarchie qui prive notamment les municipalités des taxes et réduit considérablement leurs finances, les empêchant de remplir leur mission dans le domaine de la propreté. Il était primordial de faire voter rapidement par la Constituante une loi pour éliminer tous les débordements (constructions anarchiques, occupation des lieux publics ...) intervenus après le 14 janvier afin de rétablir l'ordre, le prestige et l'autorité de l'Etat. Cette inertie et l'absence d'action du gouvernement ne peuvent pas être comprises par le citoyen, comparées à d'autres actions du gouvernement. A titre d'exemple, le vote de l'augmentation des salaires des membres de la Constituante dont certains toucheraient plus de 9.000 dinars et parfois même en devises, va à l'encontre des promesses tenues pendant la campagne électorale et fait perdre la confiance du citoyen dans le politique. La loi sur les indemnisations financières attribuées aux ex-prisonniers politiques est injustifiable et constitue une grave erreur politique. Ces 1.000 milliards (de millimes) auraient dû être utilisés pour créer des emplois ou distribués aux municipalités pour les aider à compenser les pertes qu'elles ont subies à cause de l'anarchie régnant dans le pays. Monsieur le Premier ministre, la question qu'un citoyen est en droit de se poser quand on s'engage dans un parti politique et qu'on décide de militer est-ce pour des fonctions et des avantages et profits financiers qu'offrent certains postes politiques ou pour des principes, des valeurs et des idées auxquels on croit pour servir les intérêts du citoyen et du pays ? Tous les vrais martyrs, qui sont des milliers et qui sont morts pour l'indépendance de la Tunisie, ont-ils demandé et touché quelque chose ? Afin d'écarter toutes les convoitises de certaines personnes (menteurs, voleurs ou profiteurs en tous genres) qui utilisent la politique pour s'enrichir et afin de regagner la confiance des Tunisiens, je me permets de vous proposer, ainsi qu'aux membres de la Constituante, de voter une loi exigeant que soit publié au Journal officiel un état du patrimoine de chaque haut fonctionnaire de l'Etat (président, ministres, secrétaires d'Etat, députés, ambassadeurs, etc..), après sa nomination et en fin de carrière pour éliminer toute tentative d'enrichissement personnel et que ces hauts fonctionnaires toucheraient les salaires qu'ils avaient avant leur nomination (je ne parle pas des avantages). Je suis convaincu que le nombre des partis, qui dépasse la centaine actuellement, diminuerait pour laisser place aux vrais patriotes désintéressés qui désirent uniquement se consacrer au service du citoyen et de la nation en accédant aux hautes fonctions de l'Etat. Monsieur le Premier ministre, je me permets également de vous demander de bien vouloir prendre en considération le problème de la propreté dans notre pays qui, certes, existait avant le 14 janvier mais qui s'est considérablement aggravé et qui est aujourd'hui devenu un véritable fléau après la révolution. Je constate, malheureusement, sur ce point également qu'aucune action efficace n'a été entreprise par le gouvernement pour résoudre ce problème. Les quelques campagnes menées s'apparentent plus à des campagnes de propagande organisées par les ministères de la Santé, des Droits de l'Homme, et de l'Environnement et elles n'ont pas réussi à inverser cette spirale infernale. J'invite Madame la ministre de l'Environnement à se rendre dans la ville de Sousse pour constater par elle-même comment les égouts sont déversés dans la mer et sur la plage au milieu des baigneurs tout le long de la Corniche ainsi qu'à Port El Kantaoui, offrant un spectacle hallucinant aux milliers de touristes qui visitent notre pays. En plus des désagréments des odeurs dégagées, cette situation constitue un terrain favorable à l'apparition de différentes pathologies graves, à laquelle il est urgent de remédier. Encore un dernier point, Monsieur le Premier ministre, sur ce problème qui me tient à cœur. Sans vouloir vous heurter ni remettre en cause votre sincère volonté, l'augmentation du nombre des bennes d'ordures distribuées aux municipalités décidée par le Conseil des ministres n'aura aucun résultat escompté si ce n'est un gaspillage de temps et d'argent et un manque d'imagination. C'est l'ensemble du système de ramassage des ordures en Tunisie qu'il faut en effet revoir. La décision inefficace mise en place par des incompétents depuis l'indépendance, qui consiste à placer des bennes d'ordures à chaque coin de rue, n'a d'autre effet que d'inciter le citoyen à amener et jeter ses ordures tout au long de la journée, transformant nos villes en dépôts d'ordures à ciel ouvert. Je vous soumets un autre système utilisé dans tous les pays développés qui permet à la fois de sensibiliser le citoyen sur ces problèmes d'environnement en lui offrant un minimum d éducation pour le responsabiliser dans ce domaine, tout en associant également des mesures de dissuasion et de répression pour ceux qui ne respecteraient pas les règles élémentaires d'hygiène. Je vous en livre les principaux axes : - Des campagnes de communication dans les médias (télévision, radios et presse) pour l'éducation et la sensibilisation du citoyen - Le vote d'une loi pour instituer l'obligation de créer un local poubelle dans tous les immeubles - Le ramassage des ordures par les services municipaux entre 5 h et 8 heures du matin - L'interdiction de jeter les ordures à n'importe quelle heure, doublée d'une amende pour le citoyen qui ne respecterait pas cette obligation - La distribution par les municipalités de sacs-poubelles au citoyen à des prix symboliques - La création au niveau de chaque municipalité d'une direction de la propreté qui aura pour tâche l'application de ces mesures Toutefois, la réussite de cet objectif qui devient une priorité nationale nécessite également : -une mise à terme à l'anarchie qui s'est installée dans le pays et qui semble être malheureusement tolérée et même favorisée par le gouvernement pour des arrière-pensées électorales. -le renforcement de l'action de la police municipale et des moyens des municipalités, surtout humains mais également en équipements. Je ne doute pas un seul instant que vous aurez à cœur d'étudier ces propositions et de prendre toutes les mesures nécessaires pour pallier ces désagréments qui empoisonnent au quotidien nos concitoyens. *(Professeur universitaire)