Quelques éclaircies, quand même... C'est le troisième jour du festival. Après la rencontre avec le cinéaste sénégalais Baba Diop autour de la question : «quelles perspectives pour le cinéma de l'Afrique de l'Ouest ?» et les débats des films projetés la veille, le public de Kélibia, toujours aussi nombreux, a eu droit aux fictions des trois compétitions, internationale, nationale et écoles, de la soirée. Le marathon des projections, qui a duré plus de trois heures, a commencé avec la compétition des films d'écoles. La maison de mon père, une fiction de 17 minutes de Hatem Houria de l'Isamm est un film sur la mémoire. Une reconstitution du passé historique de la Tunisie durant la période du protectorat français. Le protagoniste principal du film refuse de vendre la maison familiale, malgré toutes les pressions exercées par le colon. Le film manque d'originalité au niveau du traitement filmique. L'histoire est racontée de façon linéaire, comme dans un téléfilm. Aucun soin n'est apporté aux dialogues qui se caractérisent par leur faiblesse. Idem au niveau vestimentaire, comme de la coiffure de la femme, nettement en décalage par rapport à l'époque évoquée. Excusez-nous, une fiction de 11 minutes de Mohamed Bassoumi (AAC), montre comment des jeunes volent des appareils photo et se rendent chez leur prof pour s'initier à l'art photographique. S'agissant d'images et d'éclairage, le film reste en deçà du niveau requis. Des flous pas du tout artistiques, un cadrage approximatif, sans compter un scénario qui laisse à désirer et qui ne contient aucun élément innovant. Un niveau très moyen pour une compétition de films d'écoles qui aurait pu nous rassurer sur l'avenir des jeunes diplômés. Aucune fantaisie ni sur le plan de la forme ni sur celui du contenu. Misère humaine et cinématographique Les clubs de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs (Ftca) ne dérogent pas à la règle. Au contraire, en poursuivant leur chemin dans une démarche, certes militante qui s'avère parfois efficace pour la mémoire, mais qui demeure dépassée, ils la confirment. Colporteurs de Abdallah Fath Aoun, un documentaire de 17 minutes du club d'El Hamma, donne à voir toute la détresse humaine d'une catégorie socio-professionnelle dont ni la révolution, ni l'Ugtt n'ont arrangé le sort. Le film, très modeste, livre les opinions de ces travailleurs dont la vie est difficile et misérable. Rien d'original non plus au niveau du traitement cinématographique. Le deuxième documentaire indépendant, Breeding the fish (pourquoi le titre en anglais ?) de Aymen Yaâcoub, raconte en 3 minutes l'élevage du poisson à Kébili. Un film faible du point de vue de la maîtrise du genre et n'apporte aucun angle nouveau par rapport à ce que le spectateur connaît déjà à travers les reportages télévisés. Quant au club culturel Tahar-Haddad qui a présenté Fusion, une diction de Idriss Jemaï, n'a pas démérité. L'idée est intéressante, bien que pas nouvelle. Dans une galerie, un visiteur se passionne pour un portrait de femme et tente de la rejoindre en apportant des transformations à l'œuvre. L'utilisation d'effets pour illustrer le tableau métamorphisé est bien rendue, et crée même la surprise. La mort en toile de fond Du côté de la compétition internationale, le documentaire palestinien Combien tu étais seul, fils de ma mère d'Ibrahim Nawajha est un film de montage en noir et blanc utilisant les archives pour marquer la mémoire des Palestiniens et leurs souffrances. Un poème de Mahmoud Derwiche — le film rend hommage à ce monstre des vers — illustre le niveau sonore du film. Traces, un film tunisien de Olfa Ben Chaâbane (Esac), a constitué une bonne surprise. Dans un espace fermé (un appartement), la réalisatrice réussit à dégager une ambiance d'inquiétude et de désespoir d'une jeune fille qui vit une déception amoureuse et tente de se suicider. Bien maîtrisé côtés narration et rythme, Traces peut prétendre à une récompense. Sens de l'Egyptien Mohamed Ramadan se situe aussi dans un espace fermé. Dans une chambre d'hôpital, une infirmière tente de ramener à la vie un homme tombé dans le coma, à travers la parole et le toucher. Le meilleur est resté pour la fin. Sprachlos de l'Allemand Adrian Copitzki est aussi un huis clos illustrant de manière remarquable de l'après-suicide d'un homme. S'appuyant sur un certain nombre de détails qui font comprendre le mal-être de cet homme, le film réussit à refléter la solitude et l'indifférence de la société occidentale, avec une économie certaine de moyens visuels et sonores. Quant à Love is blind du Turc Ertug Tufekçioglu, il s'agit d'une sympathique fiction qui apporte une note gaie à cette sélection. Assez amusant, le film dresse le portrait d'une femme attachée à un panneau de signalisation. Elle s'adresse à lui comme à un homme, en tombe amoureuse, mais se rend compte de son infidélité. Bien ficelé et rythmé, Love is blind nous fait oublier les hésitations d'autres films. Une sélection qui ne vole pas haut et reste en deçà des attentes.