Au 5e jour du (Fikaf) Festival international du film amateur de Kélibia, les festivaliers étaient toujours aussi nombreux et enthousiastes. Le théâtre continue d'être plein et l'ambiance bon enfant accompagne les projections qui finissent très tard dans la nuit. A retenir les films tunisiens qui s'améliorent progressivement en cette fin de festival. Les films d'école, en particulier les fictions, sont plus centrés sur des réflexions intimes et personnelles, mettant les personnages face à leur limite. C'est le cas de Elle...venue d'ailleurs de Imène Dellil (Isamm). Un homme rencontre une jeune fille qu'il ramène à son café. Après hésitation, elle finit par accepter de travailler comme serveuse. Le film met en exergue l'état psychologique des personnages et leurs désirs de dépasser les obstacles qu'ils sont eux-mêmes. Peu de dialogues pour ce film qui reste quand même assez hermétique. Toujours dans la même catégorie des films d'école, nous citons Dwamiss (Tunnels) de Bouhlel Yabraoui (Esteg), un documentaire qui a pour cadre la Société des phosphates de Gafsa. Il s'agit autant d'un témoignage que d'un regard critique sur des mineurs qui ont perdu leur vie pour extraire le fameux minerai. Morts dans l'indifférence totale, ces travailleurs ont peu profité de la vie et surtout de l'argent qui est allé alimenter les caisses des clubs de foot pour l'achat de joueurs. Y a-t-il besoin de jouer sur la culpabilisation pour apporter sa reconnaissance aux mineurs de Gafsa et Métlaoui. Le film pèche aussi par son manque d'audace, en utilisant le bip pour cacher les noms de ceux prétendus être les responsables de la condition de ces ouvriers auxquels il était intéressant de rendre justice. La machine qui tue Au sujet de la compétition nationale, le niveau des films est assez remarquable. En effet, le documentaire Checkpoint Mellassine de Ahmed Ezzeddine est un savoureux moment de cinéma. Prenant à contrepied le documentaire classique, le réalisateur retrace les heures inquiétantes de la nuit du 17 janvier ayant succédé à la Révolution du 14 janvier, où la population s'est constituée en comités de quartier pour contrecarrer les tueurs d'élite qui ont quand même fait de nombreuses victimes. Le film est, d'ailleurs, dédié à la mémoire des martyrs de la Révolution. Ici, c'est le quartier populaire de Mellassine, avec ses personnages haut en couleur, que le film décrit. Une ambiance lugubre apparaît dans les quartiers vides occupés seulement par quelques hommes armés de bâton. On aperçoit juste les silhouettes de ces habitants qui utilisent un langage cru contre Ben Ali. Checkpoint Mellassine est un témoignage courageux et stylisé d'un moment de l'Histoire d'une Révolution. D'un autre côté, le film d'animation semble faire des progrès considérables. Evilution de Youssef Bouafif (Ftca Kélibia) part de l'idée de Metropolis de Fritz Lang, une machine qui crée des clônes humains parfaits qui seront utilisés comme des machines de guerre pour détruire des ennemis potentiels. De bonne facture, ce dessin animé introduit également des images d'archives en noir et blanc de l'Allemagne nazie. Le titre du film est un jeu de mot qui s'adapte parfaitement au propos à la fois grave et satirique. On retrouve aussi l'animation dans Murs de banlieue de Fares Ben Khélifa (Ftca Hammam-Lif) qui décrit avec humour le face-à-face de deux personnages l'un laïc et l'autre religieux. Des graffitis sur les murs qui en disent long sur la situation politique en Tunisie avec un parti-pris pour les laïcs contre les barbus. Dans le même sillage, Kich Mametech de Nadhir Bouslema et Malek Ferjeni propose une partie d'échec où chacun des pions cherche à imposer ses règles. Bref et incisif, le film ne laisse pas indifférent. Après l'attente... la mort Pour ce qui est de la participation étrangère, à noter en particulier, No de l'Espagnol Guillermo P Bosh qui dépeint l'angoisse d'un mannequin qui voit surgir un furoncle à la main. Il décide alors de la couper, mais voilà que le furoncle apparaît sur son front. Et c'est là que le film s'arrête. Une belle idée bien ficelée avec une chute subtile mais le film peut paraître choquant. J'ai habité l'absence deux fois de l'Algérienne Drifa Mezenner est un excellent documentaire sur l'absence et l'exil, le passé, le présent et le futur d'une famille et d'un pays qui attend une nouvelle naissance. Réalisé dans le cadre des ateliers du festival de cinéma de Bejaïa, ce documentaire de création joue sur la polyphonie des voix, des textes et des images et entrecroise le passé et le présent, la mobilité et l'attente, la petite histoire familiale avec la grande histoire du pays. Emouvant jusqu'aux larmes, surtout la chanson de la fin sur les images d'une mère qui attend le retour de son fils. Le reverra-t-elle ? La mort plane sur le film turc L'attente de Kutay Denizler et Burak Cevik. Terrible attente d'une femme vivant dans un village isolé dont le mari est en agonie. Presque muet, le film est juste ponctué par la respiration difficile du vieillard qui vit ses derniers instants...puis, tout à coup, le silence. Et c'est la fin de l'histoire. C'est beau, c'est grand. A-t-on besoin d'en dire davantage ?