Des chiffres hallucinants ont été révélés dans le rapport publié récemment par la Cour des comptes sur le contrôle du financement public de la campagne électorale relative aux élections de l'Assemblée nationale constituante qui se sont déroulées le 23 octobre 2011. Aussi, l'on découvre que les sommes servies aux partis politiques, aux listes indépendantes et aux listes coalisées ont atteint 8 milliards 396 mille dinars, à raison de 5,065 MD au titre de la première tranche et 3,330 MD au titre de la deuxième tranche. Le hic est que plusieurs centaines de listes indépendantes ou représentant des partis politiques (911 au total) n'ont pas réalisé le pourcentage requis, soit 3% des sièges de la Constituante, et se trouvent dans l'obligation de restituer à la trésorerie publique les sommes dont elles ont bénéficié. Malheureusement, ils ne sont que 39 partis politiques sur 77, 223 listes indépendantes sur 739 et une seule liste coalisée sur 40 à avoir remis, dans les délais légaux, leurs livres de comptes à la Cour des comptes pour vérification et évaluation. Parmi ceux qui ont oublié de remettre leurs registres à la Cour des comptes, on dénombre 5 partis politiques dont le CPR et 14 listes indépendantes ayant remporté 48 siège au sein de la Constituante. Un autre chiffre a marqué le rapport de la Cour des comptes : 4 milliards 840 millions de nos millimes doivent être restitués à l'Etat dans la mesure où «il n'a pas été possible d'établir qu'ils ont été dépensés dans le domaine (campagne électorale) pour lequel ils ont été accordés aux bénéficiaires». Dans un précédent article, La Presse a mis l'accent sur les différents aspects de l'opération électorale (les dépenses électorales, le financement privé, le financement étranger, la gestion du compte bancaire unique ouvert exclusivement pour la période de la campagne électorale...) et a fourni une idée aussi exhaustive que possible sur les actions à entreprendre afin qu'il y ait, à l'avenir, davantage de transparence et d'équité dans la répartition du financement public. Des plafonds à ne pas dépasser Dans l'article d'aujourd'hui, l'on se propose de traiter des recommandations émises par la Cour des comptes à propos du montant de la subvention publique, de la nécessité de réviser l'opération d'octroi de la deuxième tranche de cette subvention, de la nécessité d'instituer un cadre juridique de comptabilité chargé du financement des partis politiques et des campagnes électorales, des sanctions à mettre en œuvre à l'encontre de ceux qui contreviennent à la législation en vigueur, du dépassement du plafond des dépenses électorales, etc. Le rapport montre qu'il existe des disparités flagrantes en matière de montants des subventions publiques accordées aux candidats des partis ou aux listes indépendantes, en fonction de la densité des habitants de chaque région (10.550 dinars pour les circonscriptions à haute densité et 2.100 dinars pour celles à faible densité). Pour parer à ces disparités, les spécialistes de la Cour des comptes recommandent «la mise au point d'un système de subvention qui prendrait en considération le nombre des électeurs ainsi que d'autres données qui ont un impact certain sur le coût des services et des prestations à assurer en vue de l'organisation d'une campagne électorale». Quant à l'octroi de la deuxième tranche du financement public (la seule astreinte actuellement au contrôle du ministère des Finances), la première tranche ne pouvant être contrôlée avant l'octroi de la deuxième, il est conseillé «de mettre en place un système de financement sur la base de la récupération des dépenses réalisées durant la campagne électorale, et ce, une fois que leur véracité et leur compatibilité avec les procédures en vigueur et le plafond à ne pas dépasser sont établies». «Cette précaution, ajoute le rapport, est de nature à préserver les deniers publics et à limiter les candidatures non sérieuses ou opportunistes». Volet instauration d'un cadre juridique de comptabilité en matière de financement des partis politiques et des campagnes électorales (flou total actuellement sur ce qui est de l'autofinancement en nature, prestations rémunérées qui peuvent être servies aux candidats, acquisition d'équipements à installer dans les sièges qui accueillent les campagnes électorales etc.), s'est imposée la nécessité de créer ce cadre juridique en vue «de fixer les règles de l'enregistrement des dépenses ainsi que des ressources dont peuvent bénéficier les partis, tout en optant pour une certaine souplesse en traitant avec les listes indépendantes». Le rapport de la Cour des comptes relève, d'autre part, qu'il n'a pas été établi que les listes partisanes, indépendantes ou coalisées ont dépassé le plafond des dépenses électorales. «Toutefois, il est nécessaire de penser à des sanctions contre ceux qui contreviendraient à la règle du plafond convenu». Idem pour ceux qui commettraient des erreurs en recourant au financement privé. «Il est impératif que le prochain code électoral traite cette question, le but étant que de telles contraventions ne restent pas sans sanctions», font remarquer les auteurs du rapport de la Cour des comptes. Reste la récupération des subventions publiques auprès de ceux qui les ont dépensées à des effets non électoraux et l'annulation des résultats réalisés par des partis ou des listes indépendantes ayant bénéficié du financement privé. Les recommandations de la Cour des comptes sont claires et précises : «Il convient d'obliger, juridiquement, les listes qui dépensent l'argent public à des fins non électorales à le restituer à la trésorerie publique. Côté annulation des résultats des élections de ceux qui n'ont pas résisté au financement privé, il est recommandé de réviser les procédures relatives à la déclaration de ces résultats caducs et de renforcer les compétences de l'instance en charge de la prise de cette décision».