Une semaine s'est déjà écoulée depuis la clôture de la 27e édition du Fifak qui coïncide avec son cinquantième anniversaire. Des images et des voix persistent encore dans notre tête de festivalier fidèle à l'une des plus importantes manifestations cinématographiques du pays. Le Festival international du film amateur de Kélibia (Fifak) créé au tout début des années 1960, continue à proposer de nouvelles visions du monde, liées à la réalité de chaque pays, de grandes variétés de styles et de regards, des révélations et des découvertes. N'ayant pas besoin de reconnaissance, mais plutôt de faire entendre leurs voix, de s'exercer aux techniques de l'image et du son, et de faire exister une expérience personnelle, les cinéastes amateurs se donnent le droit à l'erreur. Par conséquent, même si leurs films passent parfois à côté d'un genre, ils ne peuvent qu'être sincères et porteurs d'un propos. Le Fifak, quel que soient ses dirigeants ou ses organisateurs, ne peut être « façonné» ni utilisé pour en construire une «représentation». « Bon an», « mal an », il est le plus résistant de nos festivals. Plusieurs centaines de spectateurs habitant Kélibia se retrouvent chaque soir sur ces gradins pas du tout confortables. Ils n'y trouvent pourtant pas de têtes d'affiches ni de vedettes égyptiennes. Mais cet air de fête les attire, et ils sont tout de suite mordus par ces images qui les racontent. D'autres spectateurs viennent de Tunis ou des régions avoisinantes, pour assister à une soirée ou deux, partager un verre de l'amitié. Il arrive que les lieux de pèlerinage soient aussi ceux des festivals. L'histoire des religions nous l'enseigne, celle du cinéma le confirme. Les fidèles ou amis du Fifak font chaque année leur retraite hors du monde, ils vont à Kélibia se nourrir d'eau de mer et de films, leur pitance spirituelle. Pour les critiques, ce festival incarne le frémissement, car l'acte d'écrire, et de rendre compte d'un film n'est plus promotion ni devoir d'information, il redevient acte de résistance. Quant aux jurys, ils oublient pour une fois de jouir d'un certain rituel où l'on glorifie certains noms en sacrifiant d'autres. Ils doivent juger les films en compétition et leurs réalisateurs avec relativisme et au même pied d'égalité. Ces derniers, étant inconnus, sont présumés innocents jusqu'à preuve de leur professionnalisme. Malgré son amateurisme, côté organisation, et le manque de moyens, le Fifak est un lieu où le cinéma est contraint à l'imagination. Il respire la liberté. C'est sûrement pour cela que nous continuons à le fréquenter et à le défendre. Il permet aux cinéphiles de se retrouver rituellement entre eux, au milieu d'un univers qui leur appartient, pour se perdre au cœur des films, absorbés sous hypnose, observant ces formes qui pensent pour eux et par eux. Il n'est donc jamais trop tard pour souhaiter bon anniversaire au Fifak !