«Mon pays ce n'est pas un pays», proclame, amer, un petit homme moustachu C'est au bout d'une quarantaine de kilomètres d'une route infinie, bordée d'arbrisseaux dispersés, que surgit Oum Larayès. Des constructions presque identiques et couvertes de poussière : une école, un hôpital, une municipalité... Ici, les visages sont fermés, à peine quelques salamalecs d'usage. Devant une banque de construction récente, et en marbre s'il vous plaît, qui crée une note dissonante avec l'aspect général du village, des jeunes se sont dressés et ont exigé sa fermeture. Dans les rues sales et poussiéreuses de cette ville de 40.000 habitants et située au beau milieu des mines de phosphate, des jeunes en claquettes sont regroups sans trop savoir où aller. Vous avez dit Etat ? «Si tout le monde persiste à ignorer nos problèmes, nous fermerons toutes les institutions», crie un jeune homme en colère. Devant une municipalité aux portes closes, le même spectacle, des jeunes en mobylette bloquent la mairie et discutent. Chacun évoque ses problèmes, du chômeur ayant une famille à charge à l'ouvrier municipal qui travaille depuis quatre ans sans couverture sociale ni espoir de titularisation. «Depuis 2008, nous travaillons pour la municipalité contre un salaire de misère, sans titularisation ni couverture sociale, nos demandes restent lettre morte», explique Hicham, un des jeunes ouvriers manifestant devant la mairie, d'une voix calme et posée. «Le maire et le délégué sont des vendus qui travaillent pour Ennahdha !», s'écrie un des présents, obligeant ainsi certains sympathisants à défendre le parti au pouvoir et d'autres à enfoncer le clou en insultant Ennahdha et ceux qui le soutiennent, le tout dans une atmosphère kafkaïenne. Le taux de chômage de la région est beaucoup plus élevé que la moyenne nationale déjà alarmante, plus de 38% de la population active. La précarité de la situation des ouvriers des travaux publics reste également un constat inquiétant. Youssef, l'écrivain public dont le minuscule bureau se trouve à proximité de la mairie, est un vieux monsieur qui semble ne prêter aucune attention à ce qui se passe à l'extérieur. «L'Etat fait ce qu'il peut ! Ces jeunes n'ont aucune patience, de plus, ils sont manipulés par les caciques de l'ancien régime», explique-t-il avec nonchalance. «Nous n'avons jamais été libérés de la colonisation, ça a toujours été comme ça par ici, ni développement, ni routes correctes, ni éclairage public, ni bureau régional de sécurité sociale, ni représentant de la Caisse nationale d'assurance maladie, nous sommes livrés à nous-mêmes», s'indigne un retraité venu soutenir les jeunes dans leurs revendications. Des conditions sanitaires qui laissent à désirer L'hôpital de Oum Larayès se trouve à quelques pas de la mairie. A l'intérieur, des patients se bousculent devant la petite pharmacie qui n'ouvre que deux heures par jour, presque tous les médicaments ne sont pas disponibles, y compris le simple paracétamol. «Mon pays ce n'est pas un pays», proclame, amer, un petit homme moustachu. Dans un petit coin sombre, une quinquagénaire est allongée sur un lit rouillé. Elle attend une ambulance depuis quatre heures pour la transporter à l'hôpital régional, à l'entrée de la ville. «Ça fait 4 heures que j'attends une ambulance pour me transfèrer à l'hôpital», dit-elle d'une voix lasse. L'hôpital régional se trouve loin d'ici, à 7 kilomètres de la ville, et selon les habitants, il n'est pas mieux équipé. Des pansements et d'autres saletés jetés à même le sol, l'infirmerie, abandonnée, n'est munie que d'une chaise et d'une table, les pansements usés sont déposés au fond d'une demi bouteille en plastique. Il est 11 heures, aucun médecin sur place, mais une centaine de patients attendent qu'on veuille bien s'intéresser à eux. Spectacle désolant d'un village minier exploité par une entreprise publique qui a réalisé un chiffre d'affaires estimé à 636,408 millions de dinars en 2011. Devant ces contradictions, les villageois n'ont plus confiance en personne, pas même les journalistes, venus rapporter leur détresse à l'opinion publique. Sous la menace de certains, qui les ont accusés de troubler l'ambiance de Oum Larayès, les journalistes ont préféré quitter les lieux, emmenant avec eux l'image d'une ville fantôme, sans aucune présence de l'Etat et l'espoir que leurs récits contribueront à améliorer la situation de ces milliers de gens. La Compagnie des phosphates de Gafsa Découverts en 1885, les gisements phosphatés n'ont commencé à être exploités qu'en 1896 par la Compagnie des phosphate et de chemins des fer de Gafsa d'abord, puis par l'actuelle Compagnie des phosphates de Gafsa à partir de 1976. La CPG emploie actuellement 5.500 salariés dont 480 cadres supérieurs et 311 cadres moyens, mais ce sont plus de 350.000 personnes qui gagnent leur vie grâce à la présence de la CPG, et ce, de façon directe ou indirecte. Constitué des délégations de Métlaoui, Moularès, Redayef et de M'Dhilla, le bassin minier produit annuellement environ 8 mille tonnes de phosphate qui sont acheminées à Sfax et Gabès par voies ferroviaire et routière. 80% de la production nationale est transformée au sein des unités locales du Groupe chimique tunisien, le reste étant exporté à partir du port de Sfax vers plus d'une vingtaine de pays dans le monde. Classée 17e entreprise tunisienne en termes de chiffre d'affaires (636,408 millions de dinars en 2011) les bénéfices qu'elle dégage sont reversés dans les caisses de l'Etat. Pour l'heure, et malgré leur riche contribution à l'économie nationale, aucun traitement de faveur n'est prévu pour les délégations du bassin minier, qui restent largement défavorisées. Aujourd'hui, certaines voix s'élèvent à Gafsa pour réclamer que 20% des revenus du phosphate soient reversés à la région de Gafsa pour soutenir le développement. K.B.S. Concours de recrutement à la CPG : Près de cent dossiers remplacés L'examen des contestations relatives aux résultats du concours de recrutement des agents d'exécution à la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), plus précisément au centre d'El Mdhila, a abouti au retrait de 94 dossiers et leur remplacement par 94 autres, a déclaré M. Mohamed Lamine Chakhari, ministre de l'industrie. S'adressant, hier aux journalistes, le ministre a fait savoir que les dossiers en question ont été retirés parce qu'ils ne répondent pas aux critères de recrutement requis, dont, notamment, l'année d'obtention du diplôme, l'âge du candidat, sa situation familiale et sociale et ses qualifications académiques. Il a indiqué que l'examen des premiers résultats du concours de recrutement au centre d'El M'dhila a permis d'identifier 7 cas de lauréats au concours qui sont diplômés du supérieur, 6 qui poursuivent encore leurs études à l'université, 32 autres qui ont un travail et sont affiliés à la Caisse nationale de sécurité sociale(Cnss) ou à la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale(Cnrps), 7 titulaires d'une patente et un autre qui a obtenu un crédit d'une valeur de 10.000 dinars.