Les travaux de la journée de dialogue ouvert avec les différentes composantes de la société civile organisée, hier, au siège de l'Assemblée nationale constituante, sous la devise : «Pour une élaboration participative de la Constitution» auront mis en évidence la soif du tissu associatif tunisien, toutes tendances confondues, de faire entendre sa voix et d'insister pour faire insérer ses propositions et ses rectifications dans le texte final de la Constitution. Sur un autre plan, ces travaux auront révélé, encore une fois, le déficit de communication de la Constituante avec les acteurs de la société civile ainsi que son échec à faire connaître, au moins, auprès des représentants invités à ce grand rendez-vous de dialogue, l'avant-projet de la Constitution soumis, hier, à la discussion et à l'analyse des participants. Aussi, l'écrasante majorité des intervenants ont-ils souligné avoir reçu une copie de l'avant-projet de la Constitution quelques minutes à peine avant le démarrage du débat au sein des trois ateliers de réflexion qui ont planché sur ce qu'ont confectionné les commissions constituantes du préambule et des principes fondamentaux, des institutions constitutionnelles et des collectivités locales et publiques. Et même «si les portes du palais du Bardo ont été ouvertes à grands battants devant la société civile et ses représentants», et que «leurs apports seront pris en considération lors de la finalisation du texte de la Constitution» comme a tenu à le souligner le Dr Mustapha Ben Jaâfar, président de l'ANC, il fallait fournir un peu plus d'effort en matière d'organisation afin d'éviter l'embarras dans lequel se sont retrouvés plusieurs intervenants qui ont préparé leurs allocutions d'avance et qui ont découvert que plusieurs de leurs suggestions existent déjà dans l'avant-projet de la Constitution. Les mêmes intervenants avaient également le devoir de s'informer, via la presse nationale ou via le site internet de l'ANC qui a tout publié sur l'évolution des travaux des différentes commissions constituantes. Il demeure, cependant, que le dialogue engagé n'a éludé aucune question considérée comme un point de discorde ou de conflit à l'instar du fameux article 28 proposant que la femme soit complémentaire de l'homme et non son égale, de la criminalisation de l'atteinte au sacré, de la liberté du culte, de la primauté des traités internationaux sur la Constitution, de la non-référence au système international des droits de l'Homme et des droits humains, de la création d'un conseil supérieur islamique indépendant qui sera chargé de lutter contre l'interférence du religieux dans le politique, etc. Et si pour certains, il est essentiel, voire impérieux de mettre au point une feuille de route consensuelle en vue de bien gérer la période restante de la deuxième étape transitoire, d'autres participants ont préféré se concentrer sur le contenu de l'avant-projet de la Constitution et exprimer leur déception quant aux oublis qui ont marqué l'avant-projet de la Constitution. Et les propositions de fuser de la part des présidents des associations qui se sont donné le mot — paraît-il — pour appeler à la création d'institutions constitutionnelles ayant un rapport direct avec le champ d'activités où opèrent leurs associations. Les défenseurs de l'environnement suggèrent la mise en place d'une instance supérieure pour la préservation de l'environnement et de la santé, ceux s'activant dans le domaine des médias insistent sur l'indépendance de l'instance de régulation de l'information qui sera consacrée exclusivement à l'audiovisuel comme dans les pays européens alors que ceux qui militent pour la consécration des droits de l'Homme sont pour «l'introduction de garanties, dans la Constitution, sur les droits humains» et vont jusqu'à exiger que la Déclaration universelle des Droits de l'Homme soit ajoutée au préambule de la Constitution. Et s'il y a un constat général qui se dégage des différentes interventions, c'est bien celui relatif à une volonté partagée de tout inclure dans le texte de la Constitution et un attachement à ce que chacun y retrouve sa touche personnelle.