«Stop aux violations des libertés individuelles et publiques», tel était le slogan et le message principal de la conférence de presse qu'a tenue, hier, la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'Homme. Indiquant l'absence de dialogue entre la société civile et les pouvoirs publics depuis belle lurette, Abdessattar Ben Moussa, président de la Ltdh, a évoqué, dans son allocution, l'importance de l'apport de la société civile dans cette phase transitoire. Selon lui et le bureau directeur de la ligue derrière lui, le pays passe par une période difficile sur les plans politique, économique et social, sur fond de fréquentes violations des droits et des libertés. «Le dialogue avec les composantes de la société civile se limite à une simple présence occasionnelle, faute de mécanismes nécessaires pour le réussir. Aussi, le financement public, décidé par la loi et dont la charge revient au pouvoir en place, a été marginalisé. Il n'a pas été inscrit ni dans le budget de l'Etat initial, ni même dans le complémentaire. De même, la participation de la Ligue tout comme les autres associations, dans les travaux de l'Assemblée constituante a été limitée à une simple présence aux travaux d'une seule réunion de la commission des droits et des libertés! Cependant, plusieurs commissions interviennent dans des questions relatives aux droits et libertés dont notamment celles du préambule, de la justice ou des institutions constitutionnelles...», a indiqué le président de la Ltdh. Ben Moussa a évoqué les deux journées des 14 et 15 septembre instaurées par l'ANC, journées de dialogue ouvert avec la société civile. «Notre crainte est que ce soit juste des séances d'écoute de pure forme, alors que l'Assemblée nationale constituante fera ce qu'elle voudra. C'est que les commissions constituantes ont écouté les associations et les organisations sans que leurs propositions ne soient pour autant prises en considération dans l'élaboration du brouillon de la Constitution. Chose qui a surpris les militants de la société civile», a-t-il ajouté. Chercher la légitimité consensuelle La crainte des militants des droits de l'Homme semble fondée puisqu'ils ont évoqué la non-prise en considération, de la part des constituants, des témoignages produits par la Ligue concernant les événements du 9 avril 2012. Un incident qui a provoqué dès lors une crise de confiance entre les deux parties. «Si un nombre important de constituants n'a pas confiance dans les témoignages de la Ligue, comment vont-ils prendre en compte ses propositions et avis dans un cadre de dialogue national et sur des questions majeures comme la Constitution?», s'est interrogé le président de la Ltdh. L'élaboration de «la petite Constitution» a été, selon lui, une occasion lors de laquelle le pouvoir a ignoré la société civile. Il a insisté, d'autre part, sur la nécessité du consensus lors du débat sur les questions importantes. Dans ce sens, il a réaffirmé l'inquiétude de la Ligue concernant la situation des droits et des libertés sur fond d'absence de dialogue avec le gouvernement. «Après avoir mis en place une commission réunissant des représentants du ministère de la Justice et de la Ltdh, cette commission ne s'est pas encore réunie. La convention qui nous permet d'effectuer des visites aux prisons n'a pas été signée», poursuit-il. Le président de la Ltdh a affirmé, d'autre part, que la Tunisie a toujours besoin d'une légitimité consensuelle et d'une feuille de route claire pour sortir de la crise actuelle dont le projet de la Constitution, l'Instance indépendante pour les élections, l'indépendance de la justice et la liberté de presse sont des points de désaccord entre le pouvoir et l'opposition. «Pour sortir de la crise actuelle, nous avons besoin de retrouver la confiance et le consensus entre les différentes sensibilités politiques et les composantes de la société civile et ça ne peut avoir lieu qu'à travers un dialogue national franc et global», a-t-il souligné. Traitement sécuritaire et violence organisée L'évaluation de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'Homme a englobé le processus d'élaboration de la Constitution, la juridiction, le processus de la justice transitionnelle, le retour du traitement sécuritaire et judiciaire ainsi que la propagation du phénomène de la violence organisée. Cette évaluation a noté l'absence de l'indication de la Déclaration universelle des droits de l'Homme ainsi que des conventions internationales dans le préambule du brouillon de la Constitution. De même, elle a évoqué une certaine limitation des libertés, un conditionnement d'autres libertés et une régression dans les égalités à cause de certaines notions vagues et floues à l'instar de la sécurité nationale, le sacré, l'intérêt général, etc. Alors que le président de la Ltdh a souligné la nécessité d'adopter des mesures à même de garantir les réformes des secteurs de la justice et des médias, ainsi que pour lutter contre la corruption, les journalistes de Dar Assabah ont réaffirmé leur dévouement dans la lutte pour l'indépendance et la survie de leur société. Plusieurs journalistes ont joint leurs voix à celle des employés de ladite société de presse qui connaît une période difficile à cause des dernières désignations. Monia Arfaoui, journaliste à Dar Assabah, a souligné que «la société n'est pas dans une situation financière catastrophique comme le gouvernement le confirme dans une tentative de mettre à genoux la boîte qui a son histoire et son poids dans le paysage médiatique du pays». Dans ce sens, les militants du Syndicat national des journalistes tunisiens et de la Ltdh ont été salués par les employés et les journalistes de Dar Assabah pour les efforts qu'ils fournissent afin de protéger leurs droits et trouver une issue à cette crise. Pour sa part, le président de la Ltdh a appelé le gouvernement à assumer ses responsabilités dans la protection des libertés publiques et individuelles, de la sécurité des citoyens et afin de mettre un terme aux dépassements sécuritaires et éradiquer la torture et les mauvais traitements. Les associations représentées, dont celles de femmes démocrates et de défense des droits des martyrs et des blessés de la Révolution tunisienne, ont relevé des cas de dépassements flagrants même dans les procédures judiciaires au détriment de citoyens partout dans le pays. Des dépassements et une violence organisée de la part de l'appareil sécuritaire et de groupes salafistes ont été le sujet de plusieurs interventions, de quoi laisser un sentiment d'insécurité et de peur d'un retour aux anciennes pratiques du régime déchu. Le grand point d'interrogation reste le processus de réforme de l'administration rongée par la corruption et de l'appareil sécuritaire pas encore au point pour une période transitoire vers une démocratie...