Mohamed Bennour : « Les ministres d'Ettakatol demanderont une entrevue avec le chef du Gouvernement» Ahmed Néjib Chebbi «Imaginez que les salafistes continuent de sévir, comment les partis politiques pourront-ils tenir leurs réunions dans les quartiers ?» Mohamed Hamdi : « Redistribuer des portefeuilles pour renouveler une coalition usée, ce n'est pas le moment » Le groupe ministériel d'Ettakatol demandera une entrevue avec le chef du Gouvernement dans les prochains jours. Motif: évaluer « la prestation de l'actuel gouvernement »et appeler à un gouvernement « d'intérêt national ». Ce gouvernement qu'on appelle à être évalué, Ettakatol, ne l'oublions pas, en fait partie, par alliance et par choix. En ces heures difficiles de l'histoire du pays, les tractations préélectorales entre partis au pouvoir et d'opposition font rage. De temps en temps, un politique fait une sortie médiatique, généralement calculée pour diffuser des bribes choisies des pourparlers tenus à huit clos. Cette fois-ci c'est Mohamed Bennour, porte-parole d'Ettakatol, qui informe La Presse de la tenue de «consultations» avec les hauts responsables des partis Al Joumhouri et Al Massar en vue de constituer un gouvernement élargi «quelle que soit l'appellation qu'on lui donne», et qui soit en mesure de réunir « les familles politiques » représentées majoritairement à l'ANC. « Les événements de l'ambassade sont inadmissibles » Des paroles qui fonctionnent comme une caisse de résonance à l'allocution du président de l'ANC et non moins président d'Ettakatol, prononcée à l'ouverture de la plénière consacrée au naufrage de Lampedusa, et fustigée par les constituants de l'opposition qui y ont vu une manœuvre électorale. Outre cela, un communiqué a été publié dimanche tard par le bureau politique de ce parti dans lequel il appelle à une « évaluation minutieuse du rendement actuel du gouvernement ». Au détour d'une phrase, M.Bennour déclare aussi à La Presse qu'il y aura un remaniement ministériel bientôt. Information ou vœu et quels ministères seraient-ils dans le collimateur? Demande-t-on. M.Bennour répond alors que l'heure est à l'évaluation du rendement et que les événements de l'ambassade américaine, sont « inadmissibles » et devront être expliqués. « Le rapport du ministre de l'Intérieur nous éclairera certainement», conclu t-il. Un gouvernement de salut, d'union ou d'intérêt national, depuis le temps qu'on en parle, jamais aucune formule d'entente n'a pu être trouvée. Il semble un peu tard à l'heure qu'il est pour entreprendre une union multipartite alors que la Troïka gouvernementale peine à se tenir correctement. « Nous avons besoin d'un autre ministre de l'Intérieur » C'est en tout cas l'avis de M.Néjib Chebbi, qui admet l'existence d'allusions d'élargissement du gouvernement, sauf que « aucune proposition concrète ni officielle », ne leur a été faite. Mais outre le fait que les propositions n'aient pas abouti, le président du bureau politique du parti républicain développe à La Presse que l'élaboration d'un «commun accord» d'une feuille de route, qui fixe la date des élections, la composition de l'Isie, la loi électorale est autrement plus utile au pays, avec en parallèle un désamorçage des points bloquants de la Constitution. « Pour ce qui est d'un gouvernement de transition, se rattrape le ténor de l'opposition, «si les élections vont tarder, oui, le pays ne pourra pas tenir six mois à un an dans cette situation et avec ce gouvernement ». D'un autre côté, M.Chebbi s'inquiète sur la tenue des élections dans les conditions actuelles, avec des salafistes qui continuent de sévir. Comment les partis politiques pourront-ils tenir leurs réunions dans les quartiers ? demande-t-il à qui de droit. La question du ministère de l'Intérieur se pose, assène-t-il, et aujourd'hui Al Joumhouri est en train de consulter les partis frères pour poser le problème. « Nous avons besoin d'un autre ministre indépendant pour veiller à la neutralité des forces de sécurité et à leur efficacité », voila qui est clair. Le pays ne va pas vers l'inconnu Invité à commenter la déclaration qui lui a été attribuée sur la formation supposée d'un gouvernement d'union nationale, Ajmi Lourimi dément avoir parlé au nom du Conseil de la Choura du parti Ennahdha duquel il n'est même pas membre. Le membre du bureau exécutif a tenu à préciser que des dialogues intensifs se tiennent entre les partis de la Troïka et les partis d'opposition d'un côté et les partis d'opposition entre eux, en vue de former des coalitions et se mettre d'accord sur une feuille de route ainsi que sur les rendez vous politiques. « Il faut que les Tunisiens comprennent que le pays ne va pas vers l'inconnu », dit-il en se voulant rassurant. Le chef de file du front démocratique, Mohamed Hamdi, juge la situation à la lumière du 23 octobre : un problème pour tout le monde, aussi bien pour ceux qui s'acharnent à revendiquer la légitimité, «comme si la légitimité leur donne le droit de monopoliser la transition et une carte blanche», que pour ceux qui désavouent la légitimité des urnes, et appellent à conduire le pays vers le vide et l'inconnu. Les deux positions sont condamnables, selon lui. Le 23 octobre, précise-t-il, est une date où les gens doivent se réveiller, ouvrir un vrai dialogue sur la loi électorale, les instances des élections, des médias, et de la magistrature, le tribunal administratif. Il faut s'entendre sur une feuille de route, martèle-t-il. Mais redistribuer des portefeuilles pour renouveler une coalition usée, ce n'est pas le moment, conclut-il fermement. Donc résumons, un gouvernement élargi oui et non, mais l'établissement d'une feuille de route consensuelle fait l'unanimité et semble être la seule issue possible à cette situation que certains observateurs jugent explosive. D'ailleurs, lorsque le chef du Gouvernement a rencontré le président Mazouki, jeudi 13, le communiqué publié énonce clairement une possibilité « d'approfondir le dialogue au sein de la Troïka et avec le reste des composantes du paysage politique ». Maintenant comme il est dit, les gouvernants ont une obligation de résultats. Des résultats qui tardent à venir. Qu'il y ait des pourparlers et des négociations, soit. Mais pour aboutir à quoi ? Les préoccupations du citoyen tunisien sont autres, sécuritaires et sociales, et pourquoi pas avec une fragrance démocratique.