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Le Guantanamo italien
Lampedusa
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 09 - 2012


De notre envoyé spécial Chokri BEN NESSIR
La Presse — Pour redorer son image écornée par son statut de première sentinelle de l'Europe, la mairie de l'île de Lampedusa a procédé durant les derniers mois à des travaux d'embellissement, de restauration et de réfection. Chose qui paraît d'emblée normale pour une destination touristique au sud de l'Europe. Il n'empêche, les efforts déployés pour effacer toute trace de passage des flux migratoires sur l'île en dit long sur la volonté des responsables de balayer d'un revers de la main tout ce qui peut renvoyer à l'image d'une citadelle de mise en quarantaine des Harragas.
Déjà, la première action a consisté à enlever tous les chalutiers réquisitionnés par les gardes-côtes italiens pour avoir croisé dans les eaux territoriales italiennes et pour avoir été utilisés comme moyen de transport de clandestins. «Cela s'est passé la veille de la haute saison estivale. Depuis la terrasse de mon restaurant, j'ai aperçu un monstre d'acier pénétrer lentement la passe d'entrée du port. A l'aide de grues robotisées, l'équipage du bateau avait procédé à l'enlèvement, un par un de tous les chalutiers et les barques tunisiennes, libyennes et africaines. A la tombée de la nuit il largue les amarres chargé de centaines de barques. Personne ne connaît la destination ou le sort de ces embarcations», se remémore Bruno.
Un cimetière marin
«Pour les autres épaves parquées en cale sèche, les autorités semblent attendre une décision municipale portant sur leur destruction par le feu», ajoute le même interlocuteur. Pour le moment, entassés les uns sur les autres, des chalutiers et des barques de pêche aux couleurs criardes et dont les matricules ont été soigneusement brouillés par une peinture de couleur foncée, attirent encore l'attention des badauds.
Au milieu de ce paysage de désolation, un grand amas d'objets, de vêtements, d'outils, d'ustensiles, de photos, de livres de Coran, des lettres, des testaments, des blocs-notes et tellement d'autres objets qui rappellent les moments de peur, de choc et les diverses émotions des traversées dramatiques.
Sur un autre plan, «un accent particulier a été mis sur le badigeonnage des principaux murs de la ville pour effacer également les inscriptions et les graffiti des clandestins sans voix», rapporte Luca, un Lampadusin qui a apporté aide et secours aux Tunisiens lors des flux migratoires de 2011. «Cela se passe dans l'île où se dresse majestueusement «La Porte de l'Europe», un monument, dédié à la mémoire des immigrants disparus en mer», se lamente encore ce citoyen à la sensibilité à fleur de peau.
La Porte de l'Europe
En effet, réalisé par Mimmo Paladino, ce monument haut de cinq mètres et large de trois mètres, revêtu de céramique, est perçu comme un symbole pour lutter contre l'oubli de cette hécatombe où des milliers de vies ont péri en mer dans des drames de l'immigration clandestine.
Mais là où le bât blesse, c'est ce qui se passe à l'intérieur du Centre d'identification et d'expulsion de Lampeduse avec parfois la complicité passive de nos diplomates en place qui préfèrent la politique de la sourde oreille plutôt que d'aller prêter main-forte à des concitoyens en détresse.
C'est dans ce centre bâti sur le versant ouest de la colline de la honte, telle que les défenseurs des droits des immigrés s'accordent à appeler, que l'atrocité des conditions de «rétention» atteint parfois des proportions inadmissibles.
Véritable caserne où sont parqués les «clandestins» qui seront contrôlés, retenus, enfermés, déshumanisés au point de vouloir se donner la mort. «Nombreux sont ceux qui se sont coupé les veines l'année dernière ou qui ont avalé des lames de rasoir», rappelle Luca.
C'est donc un environnement hostile où l'incarcération est arbitraire et où les vexations sont permanentes. De surcroît, «tous ceux parmi les autochtones qui essayeront de leur venir en aide encourent des poursuites», assure la même source.
Bien évidemment, malgré une loi votée récemment à l'Assemblée nationale italienne (décret 1305), les journalistes sont encore interdits d'accès. L'atrocité vécue par ceux qui partaient à la recherche d'un eldorado, doit rester intra-muros. Pourtant, les Tunisiens avec leur caractère «subversif» arrivent toujours à déjouer l'attention des gardiens pour partir en ville. Il n'empêche, le fait de quitter le centre ne leur donne pas systématiquement le droit à un billet pour le reste de l'Italie. Car, pour quitter l'île, il n'y a que deux moyens, à savoir le petit aéroport ou le port maritime. Deux points névralgiques sous contrôle permanant de la police.
Les leurres
Certes, pour les responsables qui visitent pour la première fois le centre, les conditions d'hébergement et l'assistance prodiguée aux «hôtes» sembleront «convenables». Mais le leurre provient du fait que ces jours-ci le centre n'est qu'à 10% de sa capacité. La deuxième raison est que les Tunisiens qui y résident depuis une douzaine de jours gardent encore l'espoir de quitter ces lieux munis de permis de séjour.
Une note d'espoir
«L'année dernière près de trois mille Tunisiens y ont été logés par la force. Une structure déjà non adaptée à l'accueil des nouveaux pensionnaires à cause des dégâts occasionnés par les derniers occupants (révolte des Tunisiens en 2008)» rappelle Antonio. « Quand il est surpeuplé, les conditions de séjour au centre deviennent infernales. Les conditions d'hygiène y sont épouvantables. Les douches sont inutilisables, sales ou brisées. Il n'y a que de l'eau froide. D'interminables queues se forment pour le service de la nourriture. Des rixes ont lieu entre les pensionnaires qui s'organisent en bandes pour assurer leur sécurité», explique notre interlocuteur qui a servi comme médiateur au centre l'année dernière.
Un seul mot pour l'émeute
Car il ne faut pas oublier que dans ces conditions, il suffit qu'on prononce un seul mot pour déclencher l'émeute. Celui d'expulsion. «Jamais je ne retournerai vivant si on décide de m'expulser. Je m'immolerai par le feu et je brûlerai le centre», menace Akram, pourtant retenu au centre rien que depuis dix jours.
Pourtant sérieusement confrontés à ce risque, ces robinsons tiennent à ne pas retourner pour le moment dans leur pays natal. «On prendra nos droits par nos corps. Nos corps qui ont traversé la mer et qui maintenant sont prêts à sauter par-dessus le grillage des cages où ils nous ont enfermés» affirme Aymen qu'on a croisé dans une rue de Lampedusa.
«Ce genre d'évasion est quotidien avec le risque de se retrouver à l'hôpital, les os fracturés par les coups, ou en prison accusés d'agression contre les forces de sécurité», nous informe encore une assistante sociale au centre.
Pour sa part, le propriétaire du café Le Bar Royal, affirme que la police lui a demandé de ne pas servir les clandestins. Ce qui explique un peu l'attitude des tenanciers des autres cafés qui évitent désormais les Tunisiens.
Dans le même sillage, hôtels et auberges ferment leurs portes devant les Tunisiens qui pourtant ont de quoi payer.
Il n'empêche qu'avec de tels comportements vexatoires, la tension monte d'un cran et les clandestins au centre de rétention commencent à montrer leur mécontentement. «C'est un cri de détresse qu'on lance à notre gouvernement. Aidez-nous», s'exclame Ahmed Zarrouk, dont le corps porte les traces de sérieuses lésions cutanées, qu'il gardera probablement quelques jours encore comme souvenir d'une traversée fatale.
Reportage photo : Mokhtar HMIMA
Demain : Récit d'une traversée fatale.


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