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Que penser des conseils du Prix Nobel Ahmed Zuwail aux jeunes Tunisiens ?
Opinions - Rentrée universitaire
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 09 - 2012


Par Mohamed Larbi BOUGUERRA
Déjà décoré de l'Ordre du Mérite par Ben Ali en 2000, Ahmed Zuwail, Prix Nobel de chimie 1999, citoyen américain né en Egypte, a été reçu par le président Moncef Marzouki en juillet dernier et a ajouté à sa très longue liste de titres et de décorations un doctorat honoris causa tunisien. En 1999, notre homme avait déjà reçu, des mains de Moubarak, le Grand Cordon du Nil (Qiladat Al-Nil Al-Ouzma, tient–il à écrire dans sa biographie en français) et, en 2006, il était encore sous le charme de «cette grande cérémonie» de remise. L'autoritarisme des potentats arabes ne l'a jamais gêné car, affirme-t-il, «la démocratie occidentale n'est pas nécessairement l'unique forme de gouvernement des sociétés.» Dans sa biographie, il critique le président Nasser pour «l'absence de nouvelles institutions démocratiques et de liberté d'expression» et il n'est pas tendre non plus avec le président Sadate. Seul Moubarak échappe à sa censure ! Le 2 février dernier, dans l'International Herald Tribune, il encensait l'armée «qui a gagné le respect qui lui est dû par les masses en agissant professionnellement pour maintenir la stabilité et la sécurité en sa qualité de gardien du peuple égyptien » !
A Carthage, Zuwail parla, à son accoutumée, de «renaissance scientifique» du monde arabo-musulman. Aziza Sami, qui l'interviewa en 2002 pour Al Ahram Weekly, écrit que Zuwail est «très friand de déclarations et d'apparitions médiatiques qui cadrent mal avec son statut scientifique» et que ses détracteurs lui font le reproche que «son cycle sans fin de promesses ne s'est jamais concrétisé sur le terrain». Qu'adviendra-t-il maintenant de la Cité des Sciences Ahmed-Zuwail lancée à l'ère Moubarak au Caire ? Le Premier ministre Issam Charif lui a apporté son soutien, en 2011, mais depuis, beaucoup d'eau a coulé dans le Nil...
Zuwail est membre du Comité du président Obama pour la science et la technologie — un organisme dans lequel les questions militaires et de défense sont très souvent à l'ordre du jour — et il est, en outre, son envoyé spécial pour la science au Moyen Orient. C'est pourquoi, on ne doit pas perdre de vue l'aspect politique de ses déplacements et de ses déclarations.
C'est ainsi que, sur Israël, il fait preuve d'un ton particulièrement prudent. Il a été par deux fois en Israël et le 16 mai 1993, il a fait un discours à la Knesset suite à l'attribution du Prix Wolf de chimie, étape obligée et consécration nécessaire, dit-on, pour obtenir le Prix Nobel. A ses critiques, il rétorque qu'en Israël, il a été reçu par l'ambassadeur égyptien en personne et ose dire à Aziza Sami, en 2002, que «l'Egypte n'a pas d'ennemis et bénéficie du soutien de l'Occident», passant par pertes et profit les humiliants accords de Camp David. Ces prises de position ont provoqué quelques remous dans son pays natal d'autant que, parlant du «choc des civilisations» de feu Samuel Huntington, il affirme : «...Je ne crois pas que les civilisations puissent s'affronter de cette façon. Ce que nous avons entre l'Est et l'Ouest n'est pas un choc des civilisations ou de religions mais une situation née de la politique du fait de la perception, au Moyen- Orient, que les Etats Unis favorisent Israël et du fait de la non-résolution continue de la question palestinienne. Ces problèmes trouvent leurs racines dans les conditions économiques et l'ignorance mutuelle». Guerres d'agression israéliennes, apartheid contre les Palestiniens, occupation de la Cisjordanie, Gaza prison à ciel ouvert d'un million et demi de personnes, main basse sioniste sur Al Qods... notre chimiste n'a qu'un mot à la bouche : «Ignorance mutuelle» !
Eloge de l'enseignement supérieur privé à l'américaine
En Tunisie comme ailleurs, Ahmed Zuwail a fait l'éloge de l'enseignement supérieur privé, à l'américaine. Pourtant, fils d'un père doté d'une famille nombreuse qui importait des vélos et des motos, il a pu faire gratuitement ses études supérieures (licence et maîtrise de chimie) à l'Université d'Alexandrie avant de partir pour les Etats-Unis pour un doctorat. Ce qui n'empêche pas Zuwail, dans sa biographie de relever, admiratif, que «le budget de Caltech (l'Université privée qui l'emploie) s'élève à un milliard et demi de dollars, ce qui, per capita, en fait un des plus élevés des Etats-Unis». Du reste, quand il est de passage en Egypte, c'est à l'Université américaine du Caire (AUC) — Université privée payante - que Zuwail donne le plus souvent des conférences et préside des remises de diplômes.
Pourtant, pour «le New York Times», l'Université américaine est «la plus grande organisation secrète à l'intérieur de la nation... et qui n'a de comptes à rendre à personne.» Elle n'a rien d'une institution transparente et démocratique. Dans son fameux essai, «The closed corporation. American universities in crisis» (L'entreprise à huis clos. Les Universités américaines en crise), James Ridgeway montre comment «les grandes universités américaines sont contrôlées par le monde des affaires et le département de la Défense», notant dans la conclusion de cet ouvrage qui a secoué le pays: «L'idée que l'université est une communauté d'érudits est un mythe... Les administrateurs ne devraient pas être choisis en fonction de l'utilité de leurs propres intérêts privés pour l'institution mais plutôt pour leurs vues sur les questions d'éducation.» Le mensuel Le Monde Diplomatique (septembre 2012) montre qu'aux Etats-Unis – voire au Canada où la révolte estudiantine contre la hausse des droits d'inscription universitaires a fini par conduire à des élections anticipées qui ont amené au pouvoir les indépendantistes — pour faire des études à l'université, les étudiants doivent contracter auprès des banques des crédits très lourds à rembourser lors de leur vie active et que «cette dette estudiantine est une bombe à retardement» à l'instar des fameux «subprimes» de l'immobilier qui ont fait le mal que l'on sait au système financier mondial. Le Monde Diplomatique écrit au sujet de ces prêts aux étudiants que le système bancaire américain est contre toute réforme de l'enseignement supérieur car ces prêts lui rapportent 30 milliards en intérêts annuels. Aujourd'hui, les étudiants peuvent difficilement trouver un travail suffisamment rémunérateur pour rembourser leurs emprunts. La situation est si préoccupante qu'Obama menace de diminuer «les subventions publiques pour les universités qui augmenteraient trop rapidement les droits d'inscription.» Il n'en demeure pas moins que les initiatives d'Obama «ne s'attaquent pas véritablement au problème du coût des études supérieures, qui révèle l'incapacité du capitalisme américain à remplir sa mission cardinale : permettre au plus grand nombre d'accéder au mode de vie de la classe moyenne.» Pourtant, conclut Le Monde Diplomatique, aujourd'hui, après trente ans de coupes claires dans les budgets des universités par Reagan, Bush et les néo-reaganiens «qui prônent le transfert des coûts de l'enseignement supérieur du public vers le privé... les trois quarts des Américains les plus modestes n'ont fait aucun progrès vers l'obtention d'un diplôme.» Le grand linguiste du MIT à Boston, Noam Chomsky, relevait, en juillet dernier, à propos de ces prêts, que le système politique américain contrôlait ainsi par la dette ses jeunes et les endoctrinait de cette façon efficacement. C'est ce système qui établit entre l'étudiant et l'université un rapport marchand et génère une attitude utilitariste envers les savoirs enseignés que veut promouvoir Ahmed Zuwail dans nos pays !
Ahmed Zuwail occupe aujourd'hui au Caltech la chaire Linus Pauling. Ce dernier est un chimiste de condition très modeste qui a obtenu – cas unique — deux Prix Nobel non partagés (Chimie 1954 et Paix 1963) et fait faire des pas de géant à sa discipline. Homme de conviction, il a failli être jeté en prison pour ses idées progressistes par la Commission du sénateur Mac Carthy qui luttait contre «la subversion communiste» lors de la Guerre froide. Le 9 décembre 1954, à la fin de la cérémonie de remise du Prix Nobel de chimie, Linus Pauling fut invité à s'adresser à la foule des étudiants de Stockholm venus congratuler les nouveaux lauréats. Il refusa de leur faire un sermon (c'est son mot) mais accepta de leur donner un conseil : «Quand une personne âgée et distinguée vous parle, écoutez-la soigneusement et avec respect mais ne la croyez jamais. Ne mettez votre confiance en rien d'autre qu'en votre esprit et votre intelligence. Votre aîné, que ses cheveux soient gris ou blancs, peut se tromper... C'est pourquoi il vous faut être toujours sceptiques et penser toujours par vous-mêmes.» Regardant à la télé Ahmed Zuwail le dimanche 9 juillet 2012 parler à Carthage, je me suis dit qu'il serait plus intéressant s'il s'inspirait de son illustre devancier.
Espérons en tout cas que les jeunes Tunisiens qui l'ont écouté suivent plutôt «le conseil» de Linus Pauling !


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