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Le culte du sacré
Liberté, Etat et religion dans l'avant-projet de la Constitution
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 09 - 2012

Huit «zones d'ombre» dans l'avant-projet de la Constitution sont définies par des experts en conclave à Tunis
«Liberté, Etat et religion dans l'avant-projet de la Constitution», un thème récurrent et controversé qui a suscité un débat auquel ont pris part des constituants, des juristes, des personnalités politiques et des représentants de la société civile. L'occasion : une journée d'étude initiée par l'observatoire arabe des religions et des libertés, avec le concours de la Fondation allemande Konrad-Adenauer-Stiftung. Cette pléiade d'acteurs influents a été conviée à livrer ses témoignages et ses réactions quant au premier jet de la Constitution. Un avant-projet en gestation qui ne cesse de faire l'objet de polémiques dictées essentiellement par des tiraillements politiques et des idéologies partisanes. Ce débat houleux ouvert sur plusieurs fronts n'arrive pas, à ce jour, à aboutir à un consensus rassurant qui permette de donner encore un élan de légitimité et un brin d'optimisme pour l'avenir politique du pays. Compte rendu.
Et bien que l'Assemblée Nationale Constituante ait pris l'initiative, les 14 et 15 de ce mois, de consacrer une journée de dialogue ouverte à toutes les composantes de la société civile pour les faire participer à l'élaboration de la Constitution, leur offrant l'opportunité de donner libre cours à leurs critiques et propositions au niveau du contenu constitutionnel, beaucoup de parties prenantes sont restées sur leur faim. Quoi qu'il en soit, l'observatoire arabe des religions et des libertés n'est pas resté indifférent à l'égard de ce tapage politique. Il vient de présenter au cours de la journée d'hier un pré-rapport sur l'avant-projet de la Constitution. Jugé mi-figue, mi-raisin, ce brouillon ne manque pas, selon M. Mohamed Haddad, président dudit observatoire, d'équivoques sémantiques et d'ambiguïtés juridiques qui pourraient pousser à de fausses interprétations. Dans une lecture critique bien fondée, M. Haddad a identifié certaines aberrations au niveau des textes de la Constitution, les qualifiant de «zones d'ombre» sur fond de brouillard conceptuel. Il s'agit, à ses dires, de huit zones réparties au niveau du fond et de la forme, laissant penser, agir et réagir de mille manières face à des questions sociétales aussi délicates que complexes, à savoir la religion et les libertés individuelles et collectives. Dressant toute une liste de zones d'ombre, l'orateur a commencé par évoquer la question des droits de l'Homme telle qu'elle a été abordée dans la Constitution, relevant qu'il n'y existe pas autant de garanties de reconnaissance par la Tunisie des conventions internationales y afférentes. D'où, l'impératif d'en parler dans le cadre d'un référentiel juridique bien déterminé.
L'absolu mène à l'absurde
Autre point faible de la Constitution, la question de la femme. Elle ne signifie rien si elle ne s'inscrit pas dans un registre juridique. Les droits acquis de la femme tunisienne devraient s'inspirer de l'ensemble des droits promulgués après l'indépendance, en l'occurrence le code du statut personnel. Sinon, l'on risque de tomber dans l'absolu qui pourrait mener à l'absurdité. Et M. Haddad de relever que parmi les défauts rédactionnels, l'indépendance comme étant un événement national historique n'est pas évoquée dans le préambule de la Constitution. Ce qui pourrait être mal interprété, sous le signe de l'ingratitude et de l'ignorance. «L'Etat parraine la religion...», comme le stipule l'article 4 de la Constitution, or l'usage de «la religion» est une expression controversée. Selon lui, on aurait dû opter pour le mot «culte» plutôt que «religion», car la religion est plus vaste que l'Etat. Et l'on pourrait, alors, écrire, «l'Etat parraine le culte», à l'en croire.
Le concept du sacré évoque, lui aussi, un certain amalgame dans l'esprit de M. Haddad. Et le flou persiste encore tant qu'il n'y aura pas un accord conventionnel sur la définition la plus adéquate avec le vécu social des Tunisiens. «Ce concept n'est même pas visible sur le plan académique et encore moins au niveau juridique», révèle-t-il. L'usage du mot «ruée politique» (tadafoo siassi), est une expression qui évoque la violence politique qu'il faudrait éviter d'utiliser dans la Constitution. Le conférencier a également signalé au passage deux autres «zones d'ombre», à savoir le concept du «droit» et le régime parlementaire qui renvoient, selon lui, à l'hégémonie des institutions.
S'asseoir autour de la même table
En réaction à ce pré-rapport qui n'occulte pas pour autant des points positifs qui caractérisent le projet de la Constitution, pour Rim Mahjoub Masmoudi, constituante du groupe parlementaire démocratique (parti Al Joumhouri), les critiques lancées par l'observatoire sont toutes pertinentes. «Somme toute, il s'agit de remarques qu'on a déjà évoquées lors de nos séances plénières auxquelles je tiens à ajouter une neuvième zone d'ombre, « la famille »... », a-t-elle conclu. Son collègue du même groupe parlementaire, Noômen Fehri, a apprécié les différents points faibles évoqués par M. Haddad, soulignant qu'il importe, désormais, de les prendre en considération dans le processus d'élaboration du projet de la Constitution. Et d'enchaîner qu'il faut tout faire pour venir à bout de ces points névralgiques au cours des séances plénières. «Afin de dépasser nos divergences d'idées, il nous faut nous asseoir autour de la même table des négociations et des discussions au niveau des commissions et des différents partis politiques concernés», affirme-t-il.
Quant à M. Badï Jrad, avocat à la Cour de cassation, il s'est dit hautement impressionné par la lecture critique et analytique de fond dudit pré-rapport sur l'avant-projet de la Constitution. Il a souhaité que certains représentants du parti d'Ennahdha soient présents à cette rencontre qui a vraiment éclairé les lanternes au sujet des religions et des libertés et leur rapport avec l'Etat moderne. Contacté, Mohamed Kamel Gharbi, aux trois casquettes, en tant que président du Centre citoyenneté et démocratie, président de la coalition «Fidèles» (Awfia) et président du Réseau tunisien de la justice transitionnelle, a martelé que la Constitution devrait représenter tous les Tunisiens. Et d'ajouter, dans ce sens, qu'une Constitution révolutionnaire devrait se fonder sur un esprit consensuel, loin des arrière-pensées idéologiques et des intérêts partisans étriqués. Prenant la parole, Mohamed Goumani, secrétaire général du parti de la réforme et du développement, a fait remarquer que le rapport Etat-religion est à l'origine d'une grande divergence de points de vue. Apportant son avis sur le projet de la Constitution actuelle, il l'a jugé insatisfaisant, du moment que cette première version renferme plusieurs sujets controversés, d'où la nécessité de converger vers un vrai consensus. «Je crains que la nouvelle Constitution ne soit influencée par des tiraillements politiques et des idées libertaires pour ne pas être un reflet fidèle des intérêts de la société..», a-t-il conclu, citant l'exemple de la question de la religion qui reste encore un concept flou dans la Constitution.
La société civile et les constituants en parlent
Après avoir donné la parole aux différents intervenants au cours de la séance matinale, et au cours de laquelle une énumération a été faite de ce qu'a appelé Mohamed Haddad «les zones d'ombre» de l'avant-projet de la Constitution, le débat a été ouvert au public. Un public composé de citoyens et de militants issus de la société civile.
M. Khalil Zamiti, sociologue, explique clairement que deux modèles de société existent, et qu'il y a une dichotomie entre leurs visions du monde.
Il existe en effet une Tunisie qui considère que ce qu'il faut défendre et préserver c'est avant tout la famille et la religion, et une autre qui considère que le combat est ailleurs, qu'il est dans l'affirmation de la liberté de l'individu et dans les acquis socioéconomiques.
M. Naji Jallouli, universitaire, a, quant à lui, fait le procès de l'avant-projet de la Constitution, estimant que c'est un avant-projet purement nahdhaoui qui n'est pas sans rappeler le projet des Frères musulmans d'Egypte.
Il exhorte également la société civile à se dresser contre la peine capitale, source selon lui de dérives. Une peine qui pourrait servir un jour à exécuter un «mécréant» et propose au passage de criminaliser le «Takfir».
Jalloul Azzouna, universitaire, romancier et militant au sein du Parti populaire pour la liberté et le progrès, dénonce l'utilisation abusive de la formule «dans les limites prévues par la loi», tant utilisée durant la dictature pour resserrer l'étau autour des libertés.
«De toutes les manières, tout est régi par la loi, pourquoi faudrait-il y insister ?», se demande-t-il.
Signataire, avec une pléiade de dissidents des documents du Mouvement du 18 octobre 2005, cet activiste rappelle que les islamistes du parti Ennahdha faisaient partie du mouvement et s'étaient engagés sur un certain nombre de principes, dont «l'égalité complète et effective de tous les citoyens sans discrimination ou préjudice sur la base de l'origine sociale, du sexe, de l'orientation intellectuelle ou existentielle».
Mais il déplore cependant que cet engagement n'ait pas été respecté par les islamistes une fois au pouvoir.
Enfin, il recommande de ne pas inscrire le sacré dans une Constitution faite pour durer, car d'une part le sacré est difficilement définissable, et d'autre part, il évolue dans le temps au même titre que l'évolution de la société tunisienne.
Prenant la parole, Rim Masmoudi, membre de l'ANC avec le Groupe démocratique, admet les lacunes de l'avant-projet de la Constitution, mais refuse l'idée de jeter le bébé avec l'eau du bain, préférant militer afin d'améliorer les dispositions des textes.
Elle a fait remarquer à cet effet qu'un nombre non négligeable de propositions faites par les progressistes n'ont pas été inscrites dans la copie rendue publique.
Samira Feriaâ, députée de la même formation, appuie sa collègue en affirmant que le brouillon de la Constitution a été rendu public de façon prématurée.
Elle explique également que les députés progressistes essaient de sensibiliser les constituants indépendants, parfois tentés de s'aligner sur la vision d'Ennahdha, en leur expliquant qu'ils sont devant une responsabilité historique.
Pour sa part, le constituant Noomane El Fehri, du même bord, met en garde les progressistes contre les divisions internes et estime qu'il est impératif d'entamer l'assemblée générale avec des exigences claires et partagées par l'ensemble des forces progressistes.
La pression est donc énorme sur les épaules de nos constituants, appelés à finaliser une Constitution de grande importance historique, en composant avec une légitimité qui prendra, quoique l'on puisse dire, un sacré coup au-delà de la date du 23 octobre.
Karim BEN SAID


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