Par Sahbi BELKHAHIA Vous connaissez probablement l'adage «l'histoire est un éternel recommencement» ? La Tunisie sous la tutelle «momentanée» d'Ennahdha vit actuellement des moments que l'on qualifie d'historiques dans le sens où une ère nouvelle s'ouvre avec cette deuxième République mais aussi dans le sens littéral du terme avec les similitudes que l'histoire a, par le passé, fait vivre à d'autres nations. En effet, en Italie en mars 1919, Benito Mussolini créait les «chemises noires». Ces «fasci di combattimento» ou groupes de combat ont été recrutés parmi les chômeurs et les anciens prisonniers. Cette idée a si bien marché, qu'elle a même été reprise par Hitler, qui créait les «chemises marron». Tout cela ressemble comme deux gouttes d'eau à cette milice paramilitaire à la sauce tunisienne appelée salafiste, qui derrière une étiquette religieuse bien fragile, n'est en fait qu'un ramassis de repris de justice et autres jeunes en marge de la société ayant trouvé une raison de vivre. Malheureusement, le parallèle historique ne s'arrête pas là. En Italie, au nom de la volonté du peuple, les chemises noires, armées de bâtons, attaquaient leurs opposants; les salafistes eux aussi, armés de bâtons, et organisés en meute, s'en prennent aux «ennemis de l'Islam». Vous avez bien entendu parler du passage à tabac de personnes se rendant à des concerts, du passage à tabac de journalistes, du saccage de la résidence d'un propriétaire de chaîne de télévision, de l'attaque de l'ambassade américaine, qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses pour la Tunisie, donc je ne m'étends pas plus en exemples. D'ailleurs, en Italie et en Tunisie, les poursuites judiciaires contre ces milices n'ont jamais abouti car elles sont un maillon du système politique. Les salafistes sont donc un maillon de votre système politique. Plus récemment, lors des élections pour l'Assemblée constituante, vous avez basé votre discours sur la rectitude d'Ennadha, parti religieux véhiculant l'idée que si on est pieux, on vote Ennahdha considérant, du coup, tous les autres Tunisiens comme mécréants. Un islamiste se croit plus pieux que les autres et amène cette piété sur la scène politique. Cette image, on la retrouve également chez Mussolini qui était lui aussi le garant du bien, il était la seule solution contre l'agitation politique des syndicats et des communistes, il aimait l'Italie plus que les autres Italiens. L'instrumentalisation par les mouvements politiques de l'idée simple que les «autres» sont les ennemis, est caractéristique des partis extrémistes sachant que vous et moi savons qu'il n'y a pas plus d'ennemis dans la population n'ayant pas voté Ennahdha que d'amis de la Tunisie dans vos rangs. Mais l'idée de leur présence vous permet d'exister, c'est le plus important. Monsieur Ghanouchi, les références historiques font peur, vos alliés font peur, les traces que vous suivez font peur, vos membres de parti font peur, le passé d'un certain nombre d'entre eux est digne de la bande à Baader Meinhof, l'idéalisme en moins bien sûr...Tout fait peur chez vous et pour combattre vos textes limitant la liberté des uns et des autres, nous descendrons tous dans la rue, autant de fois qu'il le faudra... «On peut arrêter une armée en marche mais pas une idée dont l'heure est venue», disait Victor Hugo et notre liberté n'est plus une idée, c'est une réalité et nous la défendrons. Monsieur Ghanouchi, je finirai par une prédiction, un autre point de convergence avec l'histoire: les chemises noires, les chemises marron ont eu une existence momentanée ; les salafistes ne vivront que le temps de votre gouvernement provisoire.