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«La femme tunisienne a toujours été jalousée et admirée»
Tahar Ben Jelloun à La Presse:
Publié dans La Presse de Tunisie le 25 - 10 - 2012

Tahar Ben Jelloun est l'un des plus grands écrivains francophones du Maghreb et, certainement, l'un des plus prolifiques. La parution de chacun de ses livres constitue un événement sur la scène littéraire internationale, puisque s'il écrit en français et édite à Paris, ses ouvrages sont traduits en quarante-trois langues dont l'hindi, le lituanien, le coréen, l'albanais, sans parler de l'arabe, du chinois et, bien sûr, de toutes les langues européennes. En quarante années d'écriture, il a signé une bibliographie impressionnante, faite de romans, d'essais, de poèmes, et obtenu de nombreuses consécrations, allant du Goncourt au Prix pour la Paix, au Prix Mediterranée, ou au Prix de la Tolérance décerné par les Nations unies
Son dernier livre L'enfer conjugal vient de paraître aux éditions Gallimard. Nous l'avons rencontré à cette occasion, dans les bureaux de son éditeur.
L'homme pressé a accepté de s'arrêter un instant et de bien vouloir répondre à nos questions.
Dans la bien fournie bibliographie qui est la vôtre, l'auteur fécond que vous êtes considère-t-il ce dernier livre comme un tournant, un arrêt, un passage, ou un moment particulier ?
Disons que c'est là une pierre de plus dans la maison que je construis depuis longtemps. Alors est-ce le livre de la maturité ou pas, c'est au lecteur de voir et de juger. J'ai déjà souvent traité de ce sujet dans des ouvrages précédents, mais toujours de manière elliptique. Cette fois ci, je me concentre sur une crise, une crise dans la maison.
Dans ce livre à deux voix, terrible et sombre, où chacun raconte sa vision du désastre du couple, la femme est une véritable mante religieuse qui dévore son époux.
C'est une femme qui se défend, mieux que l'homme d'ailleurs. C'est curieux que vous la voyiez ainsi, moi, c'est quelqu'un que j'aime bien. En fait, j'ai essayé de présenter deux personnages dans leur complexité, leurs faiblesses et leur force. Autant dans la première partie, l'image de cette femme est désastreuse, autant lorsqu'elle prend la parole, on découvre une femme formidable, très forte, qui se défend sans concessions ni compromis. Pour moi, c'est cela nos femmes du Maghreb
Cette histoire serait, donc, spécifiquement maghrébine...
La femme maghrébine a souvent été malmenée, dans une société qui manque d'harmonie. Aussi, quand elle prend sa revanche, elle n'y va pas de main morte. Sa vengeance humiliera son époux, mais aussi toute sa famille. En fait, il y a aussi un choc culturel entre deux sociétés, un conflit de classe dans cette histoire. Et cela est plus universel. Ce livre est en train d'être traduit dans d'autres pays, ce qui prouve que le sujet intéresse d'autres sociétés que la société maghrébine.
Dans ce livre, on retrouve nombre de vos références habituelles, la magie par exemple, mais aussi une vaste culture cinématographique.
Au Maroc, la magie et la sorcellerie sont très présentes dans le quotidien. Mais cela existe également dans de nombreux autres pays. Je viens de lire la thèse d'un anthropologue qui étudie la sorcellerie dans les campagnes françaises. Ceci dit, quand on raconte une histoire, on la situe dans le temps et dans le lieu. Celle-ci se passe au Maroc.
Quant au cinéma, j'en suis un passionné. J'arrive à une étape de ma vie où je ne fais que revoir des films. Dans mes livres, je ne manque jamais de rendre hommage à ceux qui m'ont appris à raconter des histoires (Lang, Orson Welles...), la plupart du temps en citant leurs dialogues.
Vous avez vécu au Maroc, puis en France, puis de nouveau au Maroc, et vous voilà de nouveau en France. Vous êtes un écrivain des deux rives?
Tout ceci dépend des circonstances. Je suis très attaché au Maroc. C'est la source de mon écriture. J'écris, à partir de là où je suis, sur le Maroc. Mais cela ne m'empêche pas de voyager partout, et souvent. Je vis un peu en France, et beaucoup en voyage.
Vous avez un long passé de journaliste au Monde, journal dans lequel vous continuez à publier des chroniques.
Un écrivain, et surtout un écrivain issu du Maghreb, ne peut se cantonner à l'écriture romanesque. Et quand il a la possibilité de s'exprimer, il doit le faire. Mon passé de journaliste est lointain. Mais aujourd'hui, j'interviens sur des sujets qui me touchent, me concernent. C'est, d'ailleurs, une tradition très européenne : Camus, Sartre, Foucault, Moravia...le faisaient. C'est le contexte historique qui favorise cette expression. Une part que je revendique aussi dans mon travail.
Vous refusez pourtant de vous exprimer, dans cet entretien, sur l'actualité du «printemps arabe».
Là, je suis un écrivain qui raconte une histoire, qui analyse la situation d'un couple, et donc celle d'une société. Je crains que parler politique en ce moment ne fausse la vision qu'auront les gens de ce livre.
Pour revenir à votre livre, c'est, en fait, un portrait de la femme marocaine.
Jusqu'à il y a quelques années, la femme marocaine avait peu de droits. Le Code du statut personnel lui était peu favorable et elle devait se battre pour avoir sa place. Mon personnage d'Amina a ceci d'exceptionnel, c'est qu'elle est une femme forte qui va inverser les rapports de force. Car dans la société marocaine, il n'y a pas de négociations, il n'y a que des rapports de force. A l'opposé, la femme tunisienne a eu plus de droits que n'importe quelle autre femme arabe. Elle a, d'ailleurs, toujours été jalousée et admirée. Depuis que le roi a instauré la moudawana, les femmes ont gagné du terrain, et, curieusement, il n'y a jamais eu autant de divorces. Je m'en suis rendu compte en allant, par curiosité d'écrivain, assister à de nombreux procès en divorce.
Faut-il en déduire que votre livre part de sujets réels ?
Non, mais de plusieurs éléments observés dans la réalité. L'accident vasculaire cérébral est arrivé à plusieurs de mes amis, et je les ai longtemps observés. Mon héros s'apparente à un peintre hyperréaliste chilien qui vivait au Maroc. Amina incarne plusieurs femmes de ma connaissance.
En fait, ce scénario, j'ai mis plus de trois ans à l'écrire. Je l'ai voulu crédible; beaucoup de choses sont donc vraies. Le reste, je l'ai imaginé.
Vous avez également publié des recueils de poèmes. Est-ce un autre mode d'expression ?
Je n'oserais jamais me définir comme poète. Roland Barthes disait qu'il y a des états que l'on ne peut s'octroyer à soi-même. Ceux de saint et de poète en font partie. La poésie est tellement fondamentale dans l'expression humaine que c'est au lecteur de la définir et de décider qui est poète et qui ne l'est pas. Disons que j'aime la poésie et que j'essaie d'en écrire. Je ne m'octroie pas le titre de poète, ce serait prétentieux.
Vous dessinez également et on a parle même d'une exposition...
Je dessine, c'est vrai, pour le plaisir. Et récemment, je suis passé de la feuille de papier à la toile, pour reproduire ce que j'appelle mes gribouillis d'écrivain. Cela me détend et n'a aucune prétention. Il est vrai qu'il y a un projet d'exposition en Italie, mais c'est encore assez vague. La plupart des écrivains font cela. Il faut dire que j'ai déjà participé à une exposition d'écrivains aux côtés de Roland Barthes et d'Adonis, entre autres.
Avez-vous des projets pour l'immédiat ?
Pour le moment, je n'écris pas. Je suis dans l'attente, et puis je suis très occupé par la promotion de L'enfer conjugal. Mais il y a un livre sur lequel je travaille depuis quatre ou cinq ans, un livre interminable, mais que j'espère bien finir un jour : il s'agit d'un portrait du Maroc, avec ses complexités et ses contradictions. Il est extrêmement difficile de raconter un pays. Même moi qui y suis né, qui y vis souvent, j'ai du mal à définir certaines choses.


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