Le bureau de Tunis du Fonds mondial pour la nature (WWF) a tiré la sonnette d'alarme quant au développement du phénomène de pillage des richesses forestières tunisiennes. «Si la situation continue à ce rythme, on risque, d'ici 2015, d'anéantir tous les efforts de reboisement déployés par l'Etat depuis un demi-siècle», a déclaré à la TAP M. Faouzi Maâmouri, coordinateur de WWF en Tunisie, ajoutant que «l'arbre n'a jamais été aussi menacé en Tunisie». Selon lui, on ne peut pas fêter l'arbre dans des conditions similaires, allant jusqu'à proposer de placer cette année ce rendez-vous sous le signe du «deuil de l'arbre». «La situation est, aujourd'hui, très critique, surtout avec le développement de la surexploitation anarchique et illégale de toutes les forêts du pays, sans exception, voire des réserves et parcs nationaux, tels que ceux de Majen Echitana, Sidi Mechreg à Sejnène (Bizerte), Echaâmbi à Kasserine», a-t-il affirmé. Le coordinateur de WWF en Tunisie a même parlé de «la naissance d'un nouveau trafic, celui du bois illégal, mené par des personnes qui jouent le rôle d'intermédiaires entre les propriétaires des usines de bois, d'une part, et les habitants des forêts, d'autre part. Ils interviennent auprès de ces derniers et essayent de les séduire, en leur proposant des sommes d'argent alléchantes en contrepartie du découpage de quantités énormes d'arbres des forêts. Ils les fournissent, aussi, en tronçonneuses». «Etant donné que les habitants des forêts souffrent du manque des moyens, certains parmi eux ont accepté ces activités douteuses, d'autant plus que le secteur de l'environnement n'a jamais été prioritaire et que la direction des forêts n'est pas pourvue des moyens nécessaires lui permettant de mener à bien son rôle de conservation du patrimoine forestier», a expliqué M.Maâmouri. Dans ce contexte, il a recommandé d'intensifier et de coordonner tous les efforts déployés par les départements gouvernementaux, la société civile et les citoyens, afin de sauver la richesse forestière tunisienne. Il a proposé de «fêter l'arbre quotidiennement, tout au long de l'année 2013, en accordant plus d'intérêt à cette ressource naturelle, en plantant de nouveaux arbres et surtout en assurant l'accompagnement nécessaire pour la survie des arbres». Instaurer une culture environnementale M. Maâmouri a encore évoqué un autre problème, celui du manque d'entretien des végétaux, dans la mesure où l'on plante tous les ans, à l'occasion de la fête de l'Arbre, des milliers d'arbres, qui sont par la suite abandonnés à une «mort certaine». «Nous devons dépasser les clichés habituels, alors que nous voyons tous les ans de hauts responsables qui se penchent, artistiquement, pour planter des arbres. Il faut instaurer une véritable culture environnementale et impliquer davantage les citoyens dans les problématiques liées à l'environnement». Par ailleurs, plus de 420 incendies de forêts ont été enregistrés, à la suite de la révolution, dans les différentes régions du pays, dont la plupart ont été prémédités par des citoyens, selon le directeur de la conservation des forêts, Habib Abid. «Ces incendies ont eu pour répercussion la destruction de plus de 2.400 ha, contre une moyenne annuelle, durant la dernière décennie, variant entre 300 et 1.500 ha (la majorité écrasante étant due à des facteurs climatiques) », a-t-il relevé, ajoutant que l'extinction de ces incendies a entraîné des pertes démesurées pour la communauté nationale. D'après lui, «un million de personnes habitent à l'intérieur des forêts de l'Etat, elles comptent parmi les personnes les plus pauvres et les moins éduquées de toute la population tunisienne et dont les possibilités d'accéder à un emploi sont très limitées. Toutes ces conditions ont facilité l'adhésion d'une partie de ces personnes au trafic illégal du bois». Et d'ajouter que «des mesures ont été prises pour faire face à ce fléau, grâce à la formation d'équipes, composées d'employés de la direction de la conservation des forêts et renforcées par des agents de la police et de l'armée, qui se sont mobilisés à travers tout le pays». «Plus de 3.000 infractions ont été enregistrées jusqu'à présent, pour découpage ou vente de bois. Elles seront sanctionnées soit par des amendes, soit par des condamnations à des peines de prison», a affirmé le directeur de la conservation des forêts.