Nul ne sait comme lui maîtriser la lumière, en capter les subtilités, en décliner les ambiances, en orchestrer les effets. Maître en éclairage, Ahmed Bennys a travaillé pour le cinéma sur les plateaux avant d'en restituer la magie sur le terrain. C'est par une expérience cinématographique que tout avait commencé : arrivé tard sur les lieux d'un tournage pour lequel on avait choisi un site antique, le metteur en scène furieux lui demanda de se débrouiller pour restituer la lumière naturelle. Ahmed Bennys, mu par une «illumination», sans jeux de mots, recruta tous les gamins alentour, et leur fit allumer des lampes à huile improvisées. Sa carrière d'éclairagiste de sites et de monuments venait de commencer sans qu'il le sache. On ne cessa plus de l'appeler pour mettre en lumière le musée du Bardo, à l'occasion de son centenaire, le théâtre d'El Djem, pour son festival, Damous Karrita, à Carthage, les temples d'Angkor, au Cambodge... Aujourd'hui, c'est pour éclairer les monuments les plus connus de l'Egypte pharaonique que l'on fait appel à ses lumières : les nécropoles des pyramides de Saqqara, et, dans la foulée, le fabuleux musée du Caire. L'histoire commence par celle d'un réseau de talents tunisiens : un mécène égyptien avait pris en charge le réaménagement du site archéologique de Saqqara sur lequel travaillait le célèbre archéologue Golvin. Lequel Golvin avait longtemps travaillé sur la Tunisie, et avait eu l'occasion de collaborer avec l'architecte non moins connu chez nous : Serge Santelli. Celui-ci avait, quant à lui, réalisé un projet de réaménagement urbain au Caire, à la demande de l'Agha Khan, mais il avait également travaillé sur les médinas tunisiennes, et écrit un livre sur Tunis et Mahdia. Il connaissait donc fort bien le travail et la réputation d'Ahmed Bennys. L'équipe ainsi constituée allait se mettre au travail. Ahmed Bennys, passionné par ce projet grandiose, explique son projet de scénographie. «Le principe consisterait à éclairer la nécropole comme à l'antiquité, avec la lumière du soleil. Il s'agirait donc de recueillir la lumière solaire par un système photovoltaïque, et de la rediffuser à l'intérieur de la nécropole. Cela d'autant plus aisément que nous opérons dans une région à fort ensoleillement. On insérerait dans les plafonds et les ouvertures des plaques d'albâtre, matériau déjà utilisé du temps des pharaons, qui diffuseront la lumière et empêcheront le sable d'entrer. Cela sans avoir besoin de câbles ou de fils électriques. L'objectif étant de renouer avec ce que nous ont laissé les pharaons». Il faut avouer que le concept est génial : le photovoltaïque est une énergie renouvelable qui ne coûte rien, et point n'est donc besoin d'amener l'électricité dans ces lieux à fort ensoleillement. Si l'investissement est plus coûteux, ce qui explique peut-être que chez nous, ce judicieux système n'a pas encore été adopté, à terme, il devient économique. Toujours en Egypte, et en collaboration avec la même équipe, Ahmed Bennys s'est vu confier l'éclairage de la nouvelle extension du mythique musée du Caire. Un projet grandiose qui verra s'élever à la place de l'ancien siège du gouvernement qui a brûlé, un jardin botanique des plantes emblématiques d'Egypte, mais aussi des galeries, des ateliers d'artistes et d'artisans, des lieux de convivialité. Quant au musée du Caire, lors de sa conception en 1909, il est évident que l'on n'avait pas prévu de visites nocturnes, et que les vitrines n'avaient été éclairées que par la lumière du jour. Aujourd'hui que la scénographie a été confiée à la célèbre Inda Mahdavi, et que les murs du musée seront peints aux couleurs de l'Egypte, on a demandé à Ahmed Bennys de réaliser la mise en lumière du musée. Un superbe défi au pays des pharaons.