Les travaux de la 27e édition des Journées de l'entreprise se sont poursuivis, hier, à Sousse. Transparence et lutte anticorruption ont été au centre du débat pour cette deuxième journée. Les spécialistes sont, tour à tour, intervenus pour revenir sur l'importance de la bonne gouvernance et de la transparence en tant que vecteurs clefs pour un environnement économique sain et propice à l'investissement. Le premier panel intitulé «Pour une Tunisie leader de la protection des investisseurs et de la lutte anticorruption» a permis de revenir sur les différentes institutions et instances de lutte anti corruption mises en place par la Tunisie depuis le 14 janvier et pour exposer les actions conduites dans ce cadre. Neila Chaâbane, universitaire, a souligné à l'occasion que l'Etat tunisien a, aujourd'hui, plus que jamais, le souci de promouvoir l'investissement en offrant les conditions adéquates dont la protection de l'investissement. Elle note, par ailleurs, que le rapport «doing business» de la Banque mondiale pour l'année 2012 place la Tunisie devant le Maroc et l'Algérie et souligne que ce classement à la 40e position permet de conclure qu'elle a un cadre juridique très favorable à l'investissement. Elle s'interroge, à ce propos, sur les facteurs qui empêchent le site tunisien de se positionner parmi les sites les plus attractifs. Elle précise, en outre, que malgré un cadre propice à l'investissement en Tunisie, l'environnement des affaires demeure démotivant du fait que la corruption continue à fragiliser la protection de l'investissement. Elle souligne, en outre, que deux ans après la révolution, la Tunisie ne réussit pas encore à brasser l'investissement étranger et l'investisseur tunisien demeure, de son côté, frileux. Enrichissement facile et illégitime La conférencière relève que la Tunisie a été, pendant des années, victime d'un système de malversations qui a dépassé le seuil de simples manifestations ou faits divers et isolés. «L'institution d'un tel système a engendré des attitudes et des comportements qui ont fini par donner naissance à une opinion répandue chez de très nombreux citoyens». Ces derniers auraient, selon l'intervenante, intériorisé un schéma qui, en s'approfondissant, a rendu légitime la prévalence des intérêts privés et la recherche des privilèges et l'enrichissement facile et illégitime. Neila Chaâbane note, par ailleurs, que les principales causes de la corruption sont, notamment, l'exercice unilatéral d'un pouvoir absolu et illimité en dehors de tout pouvoir et de toute norme ou éthique, une conception autoritaire et patrimoniale du pouvoir, la prévalence de la logique partisane sur l'intérêt général, l'instrumentalisation de la loi, l'inefficacité des mécanismes de contrôle. La protection de l'environnement des affaires passe, selon notre spécialiste, par une réforme institutionnelle et l'adoption d'une réelle politique de lutte contre la corruption aussi bien à travers la mise en place de mécanismes curatifs que préventifs. Important déficit budgétaire Jameldeddine Boumediene, universitaire, s'est penché dans une intervention donnée à l'occasion sur la question de la gouvernance budgétaire pour la période post-élection. Il évoque, dans ce cadre, une situation budgétaire inquiétante et cite une explosion du déficit budgétaire depuis deux ans, déficit qui a dépassé les 6,5% en 2012 et qui devrait atteindre, en 2013, 5,9% Une situation que le conférencier juge encore plus inquiétante du fait que le FMI a réduit ses prévisions de croissance mondiale pour la deuxième fois depuis avril. Il ajoute que les données récentes concernant la zone euro attestent que la zone est entrée en récession au troisième trimestre 2012, relevant que, confrontée au choc de la conjoncture récessive dans la zone euro, l'économie tunisienne devrait pâtir des moins-values d'exportations manufacturières. Le conférencier souligne, en outre, que la restauration des équilibres budgétaires implique, notamment, une stratégie de convergence des normes de gouvernance en la matière. Cette restauration comporte, selon lui, deux phases, à savoir une phase intérimaire favorisant le retour de croissance en admettant des normes jugées «intermédiaires» de stabilisation budgétaire. La deuxième phase concerne le moyen et le long terme, phase où la croissance sera autoentretenue pour favoriser le retour aux normes budgétaires standards par référence au tendanciel réalisé jusqu'à 2010 et qui a été jugé « recevable » par les instances financières internationales, ce qui correspondrait, entre autres, à un déficit du budget de l'Etat compris entre 2 et 3% du PIB. S'agissant de la question de la gouvernance budgétaire, le conférencier souligne que la croissance économique ne peut résorber significativement le déséquilibre budgétaire et ajoute que si cette condition est nécessaire, elle n'est guère suffisante. Il ajoute dans ce même ordre d'idées qu'il est important de redéfinir le rôle de l'Etat, d'engager une révision générale des politiques publiques, et d'adopter un certain nombre de normes de gouvernance spécifiques, dont notamment l'assouplissement des procédures en matière d'appels d'offres publics, l'affinement de l'évaluation et du contrôle budgétaire, la consolidation du contrôle de la Cour des comptes et la systématisation de l'évaluation des dépenses fiscales.