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La haine
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 19 - 12 - 2012


Par Amel BERGAOUI
Les ferments de la haine ont donc germé en Tunisie. Envers et contre les Tunisiens. Qui plus est par des Tunisiens. L'Intifada de Siliana, le 28 novembre dernier, qui cinq jours durant s'est vu mâter à coups de chevrotines, instrumentalisée à tout-va, a désormais légitimé la «violence de l'Etat» en tant que réponse systématique au mécontentement populaire. Or, si les Etats, démocratiques cela va sans dire, ont le monopole de la «force publique», il est acquis que depuis l'Indépendance, l'Etat tunisien continue à asseoir le monopole de la violence dite d'Etat au nom de la sécurité nationale. D'où la permanence de la culture de «l'Etat policier», dans la droite ligne des deux précédentes dictatures.
La «Révolution du 14 janvier» n'aura donc été que spasmes, pamoisons et palabres?
Comme de tradition, les réponses viennent du Gharb. Siliana est la goutte d'eau qui a fait déborder la Tunisie.
La violence répond à la violence. D'autant plus en l'absence d'institutions constitutionnelles permanentes à même de réguler les rapports de force s'exprimant dans la scène politique et sociale.
Nous sommes bel et bien dans la politique des pulsions. Preuve s'il en est d'un no man's land, espace de transit, surfant sur la vague d'une dictature en devenir ou d'une démocratie pour avenir.
Cela tangue fort à gauche et à droite. Jusqu'à la nausée, dans un délitement sociétal à l'origine des angoisses mentales d'un peuple dont les revendications socioéconomiques demeurent ostracisées par des conspirations politiciennes absurdement loufoques.
Rigidité politique
A l'évidence, ce décalage traduit une rigidité politique dans la gouvernance, expression de susceptibilités nourries par des idéologies qui n'ont pas encore fait leur mue, voire leur révolution.
Alors que des «Don Quichotte de la Medjerda» crient au mirage, une question se pose d'emblée : le peuple sert-il l'Etat ou l'Etat sert-il le peuple ?
A moins que le concept même de l'Etat soit lui aussi pris en otage par le parti le plus puissant, l'enserrant dans un tel étau, le vidant de son essence même : la légitimation de la nation, de la vox populi.
Ceci expliquant cela, nous assistons, effarés, à une politique tunisienne «à la petite semaine», expression de ceux qui ont fait du métier de la politique, une épicerie générale. Les «vérités assassines» défilent à toute allure, sautillantes, des plateaux télé à ceux des radios, invasives, révélant la décadente fatuité d'élites partisanes, incapables de se rejoindre autour d'un projet Tunisie.
Souvenons-nous du tollé général et des cris d'orfraie accueillant le commentaire lapidaire du constituant Mahmoud El Baroudi à propos de la gestion pseudo-démocratique des travaux de l'ANC : «République bananière» ! M. El Baroudi se trompe. Il s'agit pour l'heure de «pois chiche».
Vu sa haute consommation à l'échelle nationale, tout laisse à penser qu'il y a une indigestion des manœuvriers de la politique, perpétuellement «hors-sujet». Car, assurément, la «politique du pois chiche» n'est-elle pas celle qui vous fait prendre des vessies pour des lanternes ?
Autrement dit, maintenir le peuple sous pression pour son propre intérêt(!) tout en lui assurant que le seigneur lui a fait la grâce de vivre dans une démocratie... Virtuelle, un éden économiquement viable. Cette insanité à la perversité exceptionnelle justifie sans doute la violente liberté d'expression des «ventres creux».
C'est pourquoi et quelle que soit la rex publica en devenir, les Intifadas pour le pain, jacqueries du XXIe siècle, demeureront récurrentes, explosives, faute de réponses claires à une misère patente, une désespérance profonde, une colère cyclique versant dans un éternel recommencement. Celui de la haine institutionnalisée, de la mort banalisée, du sang déshumanisé.
Les raisons de la colère
Face au déficit surréaliste de la communication de crise au sein des trois institutions que sont la présidence de la République, l'ANC et «Dar El Bey», chef-lieu de la présidence du gouvernement, force est de constater l'anéantissement de toute possibilité de jonction entre le peuple et l'Etat.
Demeurent les médias. En l'absence de «couverture démocratique», ils sont eux aussi protagonistes d'une bataille de positionnement par rapport au pouvoir politique.
Reste la rue. Reste la société civile. Reste le peuple d'en bas, d'en haut et du milieu qui s'est constitué en contre-pouvoir débridé.
Les partis, ceux de la Troïka, de l'opposition ne font que suivre le mouvement, pas perdus dans le sillage d'intifadas ou secousses révolutionnaires, enjambant par des entourloupes médiatico-politiques des revendications strictement socioéconomiques.
Cela explique-t-il les raisons de la colère du peuple d'en bas contre l'ensemble de la classe politique, toutes obédiences confondues ?
Trêve d'hypocrisie et disons-le trivialement: les Tunisiens, du Nord au Sud, d'Est en Ouest, en passant par la capitale, se fichent éperdument des humeurs de la Troïka, du gouvernement, de l'opposition, sans oublier les postures aberrantes du président de la République, le «président-opposant», l'obligé occupant du Palais de Carthage qui ne dédaigne pas le beurre et l'argent du beurre.
Politique du pois chiche
Affligeante réalité avec laquelle il faudra composer jusqu'à la tenue d'éventuelles élections libres et démocratiques (?). En évitant que la multiplicité des intifadas contre le gouvernement ne se transforme imperceptiblement en révoltes populaires contre l'Etat. 17 décembre 2010 / 14 janvier 2013; passez, il n'y a encore rien à voir. Sauf la désolation des blessés de la révolution.
Le curseur révolutionnaire s'est donc déplacé. En voulant faire dégager ses «têtes de turcs», la rue est devenue l'alibi de ceux qui, en s'y infiltrant, posent les jalons de la politique du chaos. Face à l'actuelle «politique du pois chiche», ils sont à même d'instaurer un nouvel ordre sociopolitique. Forcément totalitaire, forcément terrifiant. Au grand dam de ceux qui savent et ne peuvent rien faire, alors que ceux qui ont le pouvoir ne savent pas y faire...
Faut-il donc s'affranchir des libertés pour que la discipline, l'ordre, le respect soient au cœur de la civilisation ?
Seuls les régimes autoritaires ont répondu à la question par le bâton. Et la carotte, parfois.
L'histoire des peuples est censée révéler un renouveau intellectuel dans les périodes de grand désordre.
En Tunisie, le désordre n'est-il pas assez frappant pour que les intellectuels renaissent de leurs cendres, ouvrant la voie à une réflexion résurrectionnelle, libérant l'intellect du joug du «Malin», perpétuel empêcheur de tourner en rond, castrant l'humanité de la voix des Justes, des Sages. Arrogante indifférence ou exil intérieur ?
Il n'en demeure pas moins que la vérité socratienne est un péril pour l'ordre politique de la cité. Et l'ordre politique n'est pas forcément l'ordre social. Abrupte lucidité, au goût morbide de ciguë, libérant l'esprit des affres de l'hypocrisie sociale, lien assujettissant l'homme au pouvoir. A tous les pouvoirs, voire à l'émanation de l'Ignorance érigée en vérité absolutiste.
Division sacrée
4 décembre 2012. Les ligues de protection de la révolution, les LPR, attaquent l'Ugtt en son siège place Mohamed-Ali le jour de la commémoration du 60e anniversaire de l'assassinat du leader Farhat Hached, par la France, puissance occupante.
Au-delà de la monstrueuse symbolique, il s'agit là d'un coup d'Etat déguisé. A l'instar de celui organisé contre la télévision nationale. L'agression fut sanglante, associant définitivement, dans la mémoire collective, cette raclée publique à l'assassinat de Farhat Hached.
Une «raclée» contre-productive, érigeant l'Ugtt au statut de seul «garant national» contre les dictatures en devenir réfutant l'alternance au pouvoir. Et Houcine Abassi a acquis, ce jour-là et plus encore le 12 décembre 2012 avec l'annulation de la grève générale du 13 décembre, l'aura du seul interlocuteur incontournable, quels que soient les gouvernements.
L'équation rappelle celle de la lutte pour l'indépendance de la Tunisie : «occupés» contre «occupant». C'est d'autant plus absurdement dramatique qu'il s'agit là d'une affaire tuniso-tunisienne.
Dans cette querelle de sherpas, Ugtt contre Ennahdha et sa représentation gouvernementale, apparaît le véritable enjeu : le repositionnement de l'Ugtt dans la scène politique et la lutte pour la séparation des pouvoirs.
La guerre des «chefs» n'est pas achevée
Joli cadeau de fin d'année que celui offert par les LPR à l'Ugtt ! Une stupide raclée la conforte dans son rôle de leader révolutionnaire. Le comble de l'archaïsme politique dans une guerre de positionnement politique.
C'est pourquoi la guerre «des chefs» n'est pas achevée. Elle se poursuivra jusqu'au terrassement de l'un des deux combattants. Pois chiche sur le gâteau, Rached Ghannouchi, président du parti Ennahdha, donne sa bénédiction urbi et orbi aux LPR, organisation fasciste, leur confiant «la conscience de la révolution du peuple tunisien».
Ce dernier se voit donc délesté au culbuto tout à la fois et de sa conscience et de sa révolution. Le pater politicus insulte encore une fois l'avenir. Le professeur a donc légitimé la division sacrée, au détriment de l'union sacrée, de l'intérêt national.
Le professeur pense. Il ne réfléchit pas : s'il n'est point un homme d'Etat, il n'est pas un homme politique; pas même une pâle copie de Hassen El Benna. Le professeur Ghannouchi est juste un frère musulman. Viscéralement attaché à sa confrérie. A l'Orient. Il est le talon d'Achille d'Ennahdha.
Identité du peuple tunisien
Du reste, le mimétisme politique et doctrinal entre l'Egypte de Morsi et la Tunisie de Ghannouchi est frappant. Et si la confrérie des frères musulmans a ouvert la boîte de Pandore en Egypte grâce aux outils tranchants de la démocratie, il ne saurait en être de même en Tunisie. Les nationalistes y veilleront. L'on peut certes dissoudre une dictature, l'on peut dissoudre une démocratie, l'on ne peut dissoudre l'identité du peuple tunisien dans le malestroëm d'une confrérie orientale, aussi musulmane soit-elle. Même au prix d'une hécatombe.
Dans l'attente de la finalisation par l'ANC d'une Constitution au «flou démocratique», la cacophonie politique et son corollaire social s'amplifient de jour en jour.
Sacrifié, le peuple tend ses deux joues pour une double claque qui ne laisse désormais aucune trace. Tant la douleur — résilience oblige — transcende des réalités prosaïquement existentielles. Le combat pour survivre au quotidien est un éternel recommencement.
Le «changement» apporté par la révolution a porté aux urnes et au pouvoir, en toute légitimité, des réservistes de l'autisme politique. Les ténèbres ont envahi les esprits d'apparatchiks embrumés par des ambitions pérennes.
Faute d'en pleurer, ce «mal» inoculé aux Tunisiens est sans doute un «bien», dès lors qu'il agit en électrochoc sur un peuple affamé de développement et jaloux de son identité. En cela, aucun parti n'est à même de donner dans la surenchère, tant la violence politique et sociale post-23 octobre 2011 a été traître. Un champ socioculturel violenté par les génuflexions de raisonnement témérairement obtus, étriqués de par des dogmatisme tourmentés.
Pour l'heure, soit l'année prochaine et du fait du ridicule dandysme politique des uns et des autres, les Tunisiens mangeront-ils de la pierre? De Kesra ?


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