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Peut-on être juge et partie ?
14 Janvier 2011 - 14 Janvier 2013 Justice transitionnelle
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 01 - 2013

Faire la lumière, toute la lumière, sur les exactions du passé, accéder aux archives hautement confidentielles de l'Etat, de la police, de l'Armée, identifier les périmètres individuels des victimes et des responsables présumés... Deux ans après la chute de la dictature, la toute première étape de la justice transitionnelle s'égare dans les dédales d'une justice ordinaire qui peine à établir sa propre vérité, à se libérer de l'exécutif, pour savoir régler les problèmes du passé avec le recul et l'indépendance requis...
Une vague de procès défraie la chronique judiciaire et surtout politique. Deux ans après le 14 janvier, on croirait à l'enclenchement d'un processus ordonné de justice transitionnelle.
Mirage
On croirait que toutes ces affaires entrent sous la coupe d'une justice de transition, à proprement parler, répondant au triple souci de lumière, de justice et de réconciliation émanant de toute révolution... Mais ce n'est point le cas. Et l'on assiste à un déferlement sans précédent de poursuites ciblées et de prétoires dressés aux limites de l'équité, sur la base de législations caduques héritées du régime de Ben Ali et qui, de l'avis des juristes, auraient dû au moins être écartées en attendant leur amendement. A côté de quoi, des juridictions spéciales voient le jour. Une 13ème chambre d'accusation entre en œuvre. Des tribunaux militaires s'emparent exclusivement des affaires des martyrs et blessés de la révolution. Des procès vitrine d'une poignée d'anciens responsables et d'hommes d'affaires s'étirent en longueur... Une machine judicaire est en marche. Cumulant vices de forme et preuves d'ingérence, elle ne s'articule en rien aux mécanismes élémentaires de la justice transitionnelle, telle que définis par les expériences comparées.
Or, peut-on séparer la justice traditionnelle et la justice transitionnelle sans reconduire les servitudes de la première et sans faire de la deuxième une coquille vide ou un mirage indéfiniment éloigné ?
Occultation
Les gouvernements provisoires qui se sont succédé depuis le 14 janvier ont fait un choix : ne pas rompre brutalement avec le passé : engager en douceur une transition vers la démocratie et ajourner la question de la JT, le temps de la pacifier et la dépassionner. L'établissement de la vérité, étape préliminaire à toute justice et toute réconciliation, en subira un coup, un retard injustifié du moins. Que cette vérité concerne les archives froides de l'ancien régime ou les péripéties toutes chaudes de sa chute (aucun gouvernement n'a permis de donner une version officielle, exhaustive et crédible de la semaine du 14 janvier), elle est à ce jour confisquée, dissimulée comme une bombe à retardement, jouée comme une carte stratégique, miroitée tour à tour comme une menace ou une promesse électorale. Or, peut-on construire un processus crédible et efficace de JT sur un pan entier de vérité voilée en raison de sa gravité ?
Le gouvernement issu des élections du 23 octobre fera, lui, un grand pas en avant. Son mandat compte un nombre record de rencontres d'experts, de forums spécialisés, de campagnes de sensibilisation et de signaux forts comme la création d'un département ministériel spécialisé et la préparation d'un projet de loi bientôt soumis à l'ANC.
Dans le même temps, il fait deux pas en arrière. En contradiction avec l'esprit d'une JT indépendante de l'exécutif, le nouveau département prend possession des rapports des commissions de vérité (commission d'investigation sur les abus commis entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2012 et commission d'investigation sur la corruption et la malversation...), met fin à leurs travaux et barre indirectement la route à toute instance indépendante. Deuxième pas, il opère une séparation structurelle et institutionnalisée entre la JT et l'appareil judiciaire devant la supporter et la mettre en œuvre. Associations et réseaux actifs dans le champ de la JT depuis le 14 janvier sont systématiquement mis à l'écart même si le ministère dit s'ouvrir à leurs propositions.
Cloisonnement
«Le ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle est juste à considérer comme le guichet unique de la justice transitionnelle». Devant rassurer la société civile sur l'indépendance du futur processus, le ministre Samir Dilou raviva, avec cette phrase, le désaveu des juristes et des nombreuses associations spécialisées qui voyaient déjà dans ce portefeuille une aberration éthique et juridique doublée d'une entrave réelle au processus et à son indépendance. « Le processus de la JT ne peut s'accommoder d'un département ministériel spécial, d'un organigramme effrayant et d'une armée de fonctionnaires sans courir le risque d'une politisation et d'une instrumentalisation partisane du dossier autour de graves enjeux tels l'argent, les intérêts électoraux...», s'inquiète Mohamed Salah Ben Aissa, ancien doyen de la faculté des Sciences juridiques et politiques de Tunis et président de l'Association tunisienne des sciences administratives. Pour l'ex doyen, «la tendance actuelle vise à réduire la JT à sa plus simple expression qui est l'indemnisation des anciens prisonniers politiques en vue de la réconciliation, et ce, en brûlant l'étape fondamentale de l'établissement de la vérité et de la responsabilité, l'identification du périmètre personnel des victimes et des responsables».
Dispersion
Mais de quoi relèvent alors les juridictions, les procès, les actions et les législations qui opèrent aujourd'hui dans le champ de la JT sans en avoir la spécificité ? Pour Wahid Ferchichi, enseignant de Droit Public, expert international en justice transitionnelle et membre du comité technique du ministère, le dossier souffre justement d'improvisation et de fragmentation. L'expert cite la révocation arbitraire des 80 magistrats, le plan d'indemnisation et de réhabilitation de douze mille anciens prisonniers politiques appartenant majoritairement au parti islamiste, les procès sélectifs engagés contre d'anciens responsables sous le régime de Ben Ali, l'interdiction de voyager contre des hommes d'affaires, le projet de loi sur l'exclusion des anciens rcdistes, l'amendement du décret-loi 97 relatif aux martyrs et blessés de la révolution qui exclut ceux du bassin minier... «On veut peut-être donner un signal fort, mais ce sont des réactions incohérentes et morcelées qui détournent le processus et risquent de le vider. Comment indemniser les victimes avant de faire la lumière sur les violations qu'elles ont subies ? Comment juger d'anciens responsables avant de délimiter leurs responsabilités ? Pourquoi révoquer des magistrats sans démontrer leur implication ni établir leur responsabilité si ce n'est pour maintenir la pression sur les autres ?... Mais ces signaux sont des armes à double tranchant», avertit l'expert.
Depuis deux ans qu'elle suit les procès des anciens responsables sous le régime de Ben Ali, l'association «Droit de réponse» de Monia Kallel, fille de l'ancien ministre de l'Intérieur, ne manque pas un rendez-vous sur la JT pour dénoncer le caractère sélectif, peu équitable et la connotation fortement politique de ces affaires.
Moyen de pression
«Avec l'interdiction de voyager émise à l'encontre de plus de quatre cent homme d'affaires, avec une sélection arbitraire des anciens responsables, c'est vers une justice transactionnelle que s'oriente le processus», constate Houda Chérif, militante du parti Al Joumhouri, initiatrice du projet de loi relatif à la JT proposé par son parti. Son constat est approuvé par les déclarations des rares membres du gouvernement qui soutiennent ouvertement «l'amnistie des hommes d'affaires désireux de participer au sauvetage de l'économie».
A instrumentaliser l'appareil judiciaire, à mettre en marche une justice à deux temps et à retarder la création de l'instance indépendante de la magistrature, l'exécutif est-il en train de développer un moyen de pression, de créer de nouvelles victimes et de nouveaux privilégiés ? Peut-il être juge et partie sans verser dans le règlement de comptes ou la transaction ? Plus d'une interrogation planent aujourd'hui sur les chances de cette invention anglo-saxonne qui requiert clairvoyance et objectivité dans un contexte où prévalent encore l'ingérence et l'opacité.


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