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«Le ministre de la Justice piétine l'émancipation de la magistrature» Ahmed Rahmouni (Président de l'Observatoire national pour l'indépendance de la Justice n'y va pas avec le dos de la cuillère
Nous l'avons rencontré en marge d'une conférence de presse dont le thème était le rôle des associations des victimes dans la justice transitionnelle. Profitant de sa présence, Le Temps a tenu à s'entretenir avec lui pour avoir plus d'éclaircissements quant à l'indépendance de la justice et la prééminence de l'exécutif sur le judiciaire. Le Temps : quel rôle, aujourd'hui, pour la société civile dans la réhabilitation des victimes politiques ? Ahmed Rahmouni : c'est à la société civile de limiter et d'encadrer les objectifs et les mécanismes de la justice transitionnelle pour garantir son instauration. Elle a pesé lourd dans la scène politique actuelle et doit être à la hauteur de son rôle de contre-pied. En tant que voix du peuple, la société civile se doit de sensibiliser l'opinion publique. Dans les pays qui sont passés par la justice transitionnelle, les associations et ONG sont le meilleur moyen de pression sur les gouvernements. Le succès de la justice transitionnelle est lié au le travail de la société civile. Ses efforts ne doivent pas se limiter aux conférences et aux ateliers auxquels d'une élite close mais doivent être en permanent contact avec les citoyens et à l'écoute de toutes les classes sociales pour en faire un acteur agissant dans la transition démocratique. La société civile devra aussi aider ces victimes politiques en contribuant au renforcement de leurs compétences. Selon vous, quels sont les acteurs concernés par la justice transitionnelle ? Ceux qui sont concernés sont les détendeurs du pouvoir législatif tels que les constituants, aussi les juges, les employés mais surtout les médias. Chose qui n'a toujours pas eu lieu et qui, malgré les deux ans depuis le 14 janvier, les médias n'ont encore pas saisi l'importance et la délicatesse de ce processus transitoire par lequel passe la Tunisie. On ne peut sensibiliser l'opinion publique quant au rôle de la société civile, celui de la justice transitionnelle et celui des victimes politiques sans les médias. C'est ainsi que l'on garantira la clairvoyance du processus de la justice transitionnelle. La société civile œuvre pour instaurer une culture bien particulière qui servira à la fondation de l'étape prochaine. La culture de l'indemnisation, dévoiler les dossiers et mettre le jour sur les affaires capitales, demander des comptes. Toutes ces étapes ne peuvent être garanties que par la médiatisation et la sensibilisation à travers les médias. Le dessein final de la justice transitionnelle est le salut national. Un salut pacifiste et pacifique. Quel est le rôle des associations des victimes politiques ? La société civile qui s'occupe des victimes politiques doit préparer un programme bien déterminé pour les victimes et leur intégration dans la justice transitionnelle. Elle doit les accompagner durant tout le processus de la justice transitionnelle. La victime doit en être à l'épicentre le noyau-même. Elle doit être présente dans toutes les étapes de la justice transitionnelle : au moment du procès, de l'interrogatoire, du dévoilement de la vérité, de la réédition des comptes et de la réconciliation. Parce que par définition, la justice transitionnelle est l'équité et l'unité nationale. Durant les régimes dictatoriaux, les droits des victimes ont été violés par des institutions politiques (judiciaire, sécuritaire et médiatique). Ces institutions ont contribué à ces violations. Parmi les étapes les plus importantes de la justice transitionnelle c'est l'écoute de la victime qui en est le centrifuge. La réforme de ces institutions est une des étapes à suivre pour réussir la justice transitionnelle, dans la mesure où un retour de confiance entre citoyen, victime et institution soit de nouveau installé. Peut-on parler de justice indépendante, aujourd'hui, sachant que la prééminence de l'exécutif sur le judiciaire est toujours d'actualité. Il suffit de citer pour exemple le procès de Sami Fehri. Le procès de Sami Fehri a dévoilé la panne réelle qu'il y a entre le système judiciaire et l'exécutif. Résoudre la problématique de l'indépendance de la justice ne se fera pas à travers un procès quelconque mais celui de Sami Fehri a mis la lumière sur une situation inextricable existante entre les deux pouvoirs et la prééminence de l'un sur l'autre. Le despotisme du ministre de la Justice, la relation entre le procureur général et le ministère de la Justice ne sont un secret pour personne. Avec l'affaire du producteur et propriétaire de la chaine télévisée Ettounsia TV, c'st devenu flagrant. Maintenant, c'est à la société civile, aux médias et aux juristes et juges de guerroyer pour imposer l'indépendance de la magistrature. Cette lutte ne concernera pas uniquement un procès mais a une portée nationale, assurer l'équité et la justice à tous les citoyens tunisiens. Le ministre de la Justice commet depuis un bon moment des dépassements outranciers que nous avons dénoncés. De sa position, il aurait du se comporter autrement surtout quand cela concerne l'exécution des décisions prises par le pouvoir judiciaire. Son poste veut qu'il encourage à l'exécution de ces décisions et non à en être l'obstacle. Aujourd'hui, il n'a y pas de justice indépendante. Aucun pas n'a été franchi et aucune volonté de la part du gouvernement de faire de la magistrature un pouvoir judiciaire émancipé du ministère de la Justice. Et si je relie ceci par la justice transitionnelle, je dirais que nous sommes en phase de ce processus en la totale absence des mécanismes essentiels dont la justice qui, si elle n'est pas indépendante, elle ne pourra pas garantir aux victimes la réédition de compte ou l'équité. Les différentes étapes de la justice transitionnelle dont le jugement, ne pourra pas se faire avec un système judiciaire qui n'a pas été réformé et qui est sous le joug du ministère de la Justice.